«La Safer est vigilante sur l'artificialisation des sols agricoles»
Agriculteur à Maricourt (80), Xavier Flinois a été élu à la présidence de la Safer Hauts-de-France le 18 octobre. Il succède à l'isarien Sylvain Versluys.
Administrateur de la FDSEA de la Somme et élu local, vous avez été élu il y a quelques semaines président de la Safer Hauts-de-France. Qu'est-ce qui vous a conduit à vous investir dans cet organisme ?
J'ai été élevé par un père très impliqué dans la vie de son territoire, ce qui est également le cas de mon frère. Agriculteur, je suis aussi syndicaliste depuis plus de 40 ans. Il y a vingt ans, quand j'ai été victime d'un grave accident, je me suis intéressé à l'aménagement du territoire. J'ai suivi des formations en droit qui m'ont permis de devenir commissaire enquêteur pour le tribunal administratif. Je me suis intéressé aux plans locaux d'urbanisme, à l'aménagement foncier, à l'élaboration de plans de prévention des risques... Il y a 11 ans, quand Laurent Degenne alors président de la FDSEA de la Somme m'a proposé de candidater pour prendre la présidence du comité technique de la Somme de la Safer, j'ai accepté. Depuis 2017, je suis également vice-président de la Safer Hauts-de-France.
Considérez-vous que le fonctionnement comme l'utilité de la Safer soient suffisamment lisibles pour une majorité d'agriculteurs ?
Il faut admettre que ce n'est pas évident... Moi-même, je n'y connaissais pas grand-chose avant d'en apprendre le fonctionnement. Notre défi consiste à améliorer la fluidité des rapports entre la Safer et les agriculteurs. Et pour cela, nous devons utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition. Aux agriculteurs aussi de ne pas hésiter à contacter la Safer. Ils sont encore trop nombreux par exemple à considérer qu'un rejet de candidature dans le cadre d'une rétrocession est définitif et ne leur permet plus de candidater à nouveau.
Quelle est la feuille de route attachée à votre mandat ?
Ma feuille de route, c'est celle qui a été écrite dans le Programme pluriannuel d'activités de la Safer (PPAS) Hauts-de-France pour la période 2022-2028. Ce document est obligatoire pour toute Safer et lui permet de travailler. Le PPAS détermine les missions de notre organisme que sont la préservation et la dynamisation de l'agriculture et de la forêt ; la protection de l'environnement ; l'accompagnement du développement local et la transparence du marché foncier. On y trouve aussi des objectifs « opérationnels » en rapport à ces missions, dont l'une d'elles consiste à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.
S'agit-il d'un cadre strict ? Existe-t-il des marges de manoeuvre par rapport à un cadre contraint ?
Un PPAS dure six ans mais cela ne veut pas dire que les choses sont figées. La société, l'économie, le climat, l'agriculture évoluent très vite. Il faut des marges de manoeuvre si l'on veut que notre travail ait un sens. Sur le bio, par exemple, le contexte n'est plus le même qu'il y a quelques années en arrière. Il ne faut peut-être plus orienter autant l'installation en bio comme on a pu le faire auparavant quand on voit que les agriculteurs installés en bio rencontrent des difficultés. Nous devons aussi tenir compte de nouvelles exigences, comme en matière d'environnement. Que ce soit en matière de spéculation foncière ou d'artificialisation des terres agricoles, nous agissons comme garde-fou. Enfin, je tiens à rappeler que la moitié des rétrocessions de terres que nous réalisons se fait en faveur de l'installation.
Qu'ils soient jeunes candidats à l'installation ou qu'ils souhaitent conforter une exploitation, certains candidats à la rétrocession d'une ou plusieurs parcelles par la Safer s'estiment injustement considérés. D'autres considèrent que la Safer ne joue pas suffisamment son rôle de régulateur. Qu'en est-il ?
La décision de rétrocéder une parcelle appartient aux comités techniques départementaux de la Safer qui sont des organes démocratiques. Le fait de ne pas attribuer à une candidat la parcelle qu'il convoitait ne veut pas dire que son projet est mauvais. Ce n'est en aucun cas un jugement de valeur. Cela veut simplement dire qu'un autre projet est plus pertinent et coche plus de cases. En 2022, nous avons procédé à 373 rétrocessions pour lesquelles il y a eu 1 600 candidatures. Forcément, il y a des déçus... D'autre part, quand on reproche à la Safer de ne pas intervenir, il y a plusieurs raisons à cela. La première, c'est que nous ne sommes pas au courant de tout... La seconde, c'est que la Safer intervient en fonction d'indicateurs avec un rôle de garant d'une valeur économique d'une terre. La troisième, c'est que la Safer n'est pas interventionniste à tout crin.
Quelles relations entretient la Safer avec les collectivités locales dont certaines sont aujourd'hui critiques vis-à-vis du dispositif «zéro artificialisation nette» (ZAN) ?
On peut être facilitateur dans certains dossiers pour des collectivités qui ont des besoins de foncier pour réaliser leurs projets, mais nous devons être intransigeants avec celles qui voudraient artificialiser des sols agricoles sans raison. Notre région est, et doit rester, une grande région agricole alors qu'elle est déjà marquée par le développement de l'éolien, de la logistique... Nous serons très vigilants et attentifs par exemple au développement de l'agrivoltaïsme.
Dans un récent rapport, le CGAAER (ministère de l'Agriculture) souligne la part importante de terres agricoles «sans usage», l'estimant à plus 10 % de la surface agricole utile (SAU) de la France. Qu'en est-il dans les Hauts-de-France ?
Cela est assez marginal dans notre région, comme l'est le boisement. Ce qui m'inquiète le plus, c'est l'achat de parcelles de prairies dans les zones d'élevage par des acheteurs qui veulent en changer la destination. Cela interroge sur la capacité financière et l'envie des éleveurs à se porter acquéreur de ces surfaces. Une terre sur laquelle on peut cultiver des plantes sarclées ou des céréales a moins de mal à trouver un acquéreur qui en poursuivra l'exploitation.
La particularité de la Safer est de traiter à la fois de sujets locaux comme de s'intéresser à des sujets dont la portée dépasse les frontières de la région, à l'image du futur Canal Seine Nord. Où se trouve l'équilibre ?
Les Hauts-de-France ne sont pas un territoire si homogène que cela. Il existe même des différences fortes au sein d'un même département, avec plus ou moins d'élevage, des conditions climatiques différentes, la présence en abondance ou pas d'eau, la nature des sols... C'est le rôle des comités techniques d'être au plus près du terrain pour prendre les bonnes décisions. D'une manière générale, la Safer n'a pas vocation et n'a pas l'intention d'imposer un modèle d'agriculture à l'ensemble de la région.
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