L'Oise Agricole 06 avril 2021 a 11h00 | Par sophie sabot

Le grand retour du savon artisanal

Les savonneries artisanales se multiplient en France. Leur spécialité : la saponification à froid. Une technique qui nécessite passion et savoir-faire. Rencontre avec l’un des précurseurs dans ce domaine, Franck Peiffer, savonnier drômois qui a fondé la marque Gaiia.

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Philippe Maradan (à gauche) et Franck Peiffer, co-fondateurs de la savonnerie Gaiia.
Philippe Maradan (à gauche) et Franck Peiffer, co-fondateurs de la savonnerie Gaiia. - © Sophie Sabot

Certains le plébiscitent pour ses propriétés cosmétiques, d’autres pour des questions environnementales, soucieux de limiter les emballages et d’utiliser des matières naturelles. Une chose est sûre, le savon artisanal séduit de plus en plus de consommateurs. Preuve en est, le nombre de nouveaux savonniers qui se lancent dans l’aventure. «En 2009, quand j’ai commencé mon activité, nous étions moins de dix savonniers à froid en France. Aujourd’hui, nous sommes 450», affirme Franck Peiffer, co-fondateur avec Philippe Maradan de la savonnerie Gaiia. L’entreprise artisanale, quatre salariés en plus de ses deux fondateurs, s’est installée en 2018 à Montélier, dans la Drôme, et fabrique 140.000 savons par an. Si Internet a longtemps été le seul canal de vente pour l’entreprise, depuis cinq ans, la demande s’est développée du côté des magasins bio, épiceries vracs et pharmacies. «La tradition du savonnier artisanal s’était perdue en France. Mais elle a perduré dans de nombreux pays anglo-saxons où le savonnier a toujours fait partie du tissu local, comme le boulanger ou l’ébéniste», raconte Franck Peiffer.

La touche du terroir

«La saponification est un processus très simple qui consiste à mettre en présence un corps gras, d’origine animale ou végétale, une base alcaline (la soude) et de d’eau. On obtient ainsi du savon et de la glycérine», résume l’artisan. La particularité du savon artisanal à froid est de conserver les deux, là où les techniques industrielles séparent la glycérine pour l’utiliser comme hydratant dans les crèmes. Si le processus est présenté comme simple, il exige un savoir-faire particulier. Le savonnier va développer ses propres recettes pour créer un savon ou une gamme de savons répondant à des attentes bien spécifiques de ses clients. «Chez Gaiia, nous utilisons l’huile d’olive, l’huile de coco, le beurre de karité, l’huile de tournesol, l’huile de ricin, l’huile de chanvre et le beurre de cacao», détaille son fondateur. «Chacune de ces huiles a des pouvoirs différents : nettoyant, moussant, émollient, onctueux… Par exemple, l’huile d’olive n’a pas de pouvoir moussant, c’est pourquoi on ajoute de l’huile de coco lorsqu’on veut obtenir un produit qui mousse.» Chaque savonnier apporte sa patte, voire son terroir, en utilisant des huiles locales comme la noix, le lin ou le colza. Certains savonniers du Sud-Ouest utilisent également des matières grasses animales comme le saindoux ou la graisse de canard. Une fois le choix des huiles établi pour chacun des savons - Gaiia en compte une vingtaine -, l’artisan peut ajouter à sa recette des huiles essentielles et des adjuvants : ocre, rhassoul ou autres argiles pour colorer, mais aussi répondre à un besoin de la peau.

Un mois ou plus d’affinage

Commence alors la fabrication, toujours en petite quantité, pour conserver tous les bienfaits du savon à froid. «Nous fabriquons au maximum 300 à 500 savons à la fois», révèle l’artisan. Chez Gaiia, tout se passe dans une cuve de 50 litres qui accueille le mélange d’huiles, la soude et l’eau. La préparation est travaillée avec un mixeur, puis à la main. Le mélange devient alors une crème. Peuvent alors être ajoutés les colorants naturels. Les huiles essentielles n’arrivent qu’en toute fin de mélange, juste avant de couler la préparation dans un grand moule. «Chaque savonnier a sa propre appréciation du moment où cela doit se faire», confie Franck Peiffer. La réaction de saponification se poursuit dans le moule durant trois à quatre jours. L’artisan obtient alors un bloc de 35 kg qu’il découpe au fil en barres qui reposent encore une journée, avant d’être détaillées en savons. Direction ensuite la zone de cure, sorte de salle d’affinage pour permettre à l’eau de s’échapper et au savon de terminer sa maturation. Cette cure dure un mois pour les savons de 100 g et jusqu’à quatre mois pour les cubes de 250 g de savon de Marseille. Une fois sortis de l’affinage, les savons voient leurs angles arrondis pour plus de douceur. «La fabrication d’un savon à froid est toujours réalisée manuellement. La plupart des savonniers travaillent seuls. Nous ne sommes qu’une dizaine d’entreprises en France de la taille de Gaiia», rappelle son dirigeant, l’un des fondateurs de l’association nationale des nouveaux savonniers qui compte 250 adhérents pouvant être repérés par le logo «Saponification à froid» apposé sur leur produit.

 

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