«Les femmes doivent encore lever quelques a priori»
À vingt-huit ans, Sophie Renaud est à la tête d'une exploitation de grandes cultures en Charente-Maritime, porte-parole du métier sur les réseaux sociaux, créatrice de marque de vêtements de travail... Et Miss France agricole 2021. Autant dire, une agricultrice fière de l'être et d'en parler.
Le parcours d'une jeune agricultrice est-il encore sinueux aujourd'hui ?
Comme pour tous les jeunes agriculteurs, qu'ils soient un homme ou une femme, oui ! La principale difficulté à l'installation est l'accès au foncier, qui est très cher, et donc d'obtenir l'accord des banques pour financer le projet. Pour ma part, je me suis installée en 2016 à Saint-Pardoult (17), après un BTS de comptabilité et un BPREA (Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole). J'ai pu acheter des terres agricoles qui appartenaient à ma mère et qui étaient en fermage. J'étais donc prioritaire. Plus tard, j'ai pu reprendre de la même manière des terres qui appartenaient à mon père. Je cultive essentiellement des céréales : blé dur, blé tendre, maïs grain irrigué, orge, colza, tournesol. C'est en faisant des études autres qu'agricoles que je me suis rendue compte que j'avais vraiment envie d'en faire mon métier. Suivre la plante du semis à la récolte, dans un but de nourrir la population, est très valorisant.
Quels enseignements tirez-vous de votre installation et de votre début de parcours professionnel ?
Si je peux donner un conseil aux futur(e)s installé(e)s, c'est de réfléchir le projet à fond. Il faut s'aider des conseils des voisins agriculteurs, des experts des chambres d'agriculture, des coopératives... Et je dois avouer que, même si les mentalités ont beaucoup évolué, les femmes doivent encore lever des a priori. Nous devons faire nos preuves pour gagner la confiance des autres. Il s'agit de casser l'image qu'on peut renvoyer. Par exemple, j'aime mettre du vernis sur mes ongles, car je trouve ça beau et ça les protège. J'ai souvent entendu «elle, avec ses ongles vernis, elle ne va pas aller loin dans le milieu.» Jusqu'à preuve du contraire, les ongles vernis n'ont jamais empêché de conduire un tracteur, ni de réfléchir !
Vous êtes très active sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Instagram. À quoi ces derniers vous servent-ils ?
Ils me permettent de communiquer entre agriculteurs et envers le grand public. Sur Facebook, j'anime ma page officielle de Miss France agricole 2021. Ce titre me donne une visibilité supplémentaire, d'autant que beaucoup d'agricultrices sont éleveuses. Il y avait un besoin de représentativité des productrices de céréales. Quand j'ai postulé, parmi cent-quatre-vingt autres candidates, je ne pensais jamais gagner. C'était une belle surprise. Je dois avouer que je suis néanmoins plus adepte d'Instagram. La priorité est mise sur les photos, qui mettent en valeur mon quotidien à l'exploitation, et les hashtags permettent de multiplier la visibilité de cette passion qu'est l'agriculture. Grâce à ce réseau social, je suis en contact avec des agriculteurs de France et du monde entier, comme au Canada, aux Étas-Unis, en Australie... J'y découvre des techniques différentes et des productions qui n'existent pas chez nous, comme le coton ou le cacao. Le but est aussi d'avoir le plus d'abonnés possible, pour toucher des personnes en dehors du milieu agricole. Je leur montre la réalité du métier, même en période difficile. Tout ne roule pas toujours comme on veut. L'agriculture a besoin d'une communication positive ! Hier, (le 1er mars, ndlr), j'atteignais la barre des 12 000 abonnés. Une petite fierté !
Vous avez également créé votre propre marque de vêtements de travail en agriculture. En quoi est-ce une autre manière de communiquer ?
Cette marque, nommée French Farmers, est née suite à une opération du genou, en mai 2019, qui nécessitait un arrêt de deux mois. Psychologiquement, c'était très difficile. Un agriculteur qui ne fait rien est un agriculteur qui déprime ! Je n'ai pas pu faire la moisson, qui est la consécration du travail de toute une année. Il fallait que je trouve quelque chose pour m'occuper. En tant que coquette, je suis passionnée de prêt à porter, et je suis assez déçue des vêtements de travail en agriculture, qui ne sont pas coupés pour les femmes. Alors je suis lancée. J'ai créé des sweets, des T-shirt, des polos, des bonnets... Pour les femmes, mais aussi pour les hommes et les enfants. Aujourd'hui, je travaille sur la conception de casquettes et de doudounes. Le but, à travers ces vêtements, et de dire «je suis fier d'être agriculteur et je le montre». On peut rester stylé tout en travaillant.
Quels sont vos projets à court et long terme ?
Mon père est gérant d'une ETA (entreprise de travaux agricoles), au sein de laquelle je suis associée. Il souhaite prendre sa retraite prochainement, et je compte bien reprendre l'activité. C'est lié à mon métier d'exploitante céréalière et ça me plaît. Je suis même vice-présidente du syndicat des entrepreneurs. Ma mère, également exploitante agricole, prendra aussi sa retraite dans les années à venir, et j'aimerais reprendre sa ferme. À très court terme, j'aimerais contribuer à la Semaine de l'Agriculture nationale, en remplacement du Salon internationale de l'agriculture. Sur ma page Facebook, je vais poster des portraits d'agriculteurs de mon départements, tous aussi passionnés que moi. Je suis persuadée que plus les agriculteurs partageront leur quotidien, plus le grand public aura une image positive de nos métiers.
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- sur Instagram : Sophiie_farmerlife
- Parmis ces hashtags favoris : #agriculture, #farming, #farmingphotos... Mais aussi, évidemment, #agricultrice, #womenwhofarm, farmgirl et #tractorgirl
- Sur Facebook : Page Sophie Miss France Agricole 2021. Elle y partage un peu de son quotidien, mais aussi des articles d'actualités agricoles, ses réflexions...
- French Farmers : sa marque de vêtement dispose d'une page Facebook du même nom et du compte Instagram frenchfarmershop. Achat en ligne possible.
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