«Nos agriculteurs sont déboussolés»
Marie-Sophie Lesne, Vice-Présidente de la Région Hauts-de-France en charge de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, et des conseillers régionaux membres de la commission agriculture ont visité, le jeudi 2 août, le Groupement d’intérêt économique (GIE) Unisigma et la Coopérative Agora, à Froissy, en présence d’acteurs et d’élus du territoire.






Cette rencontre a permis d’échanger avec les agriculteurs en pleine moisson et d’avoir leurs premiers sentiments sur la récolte 2018. Ces visites ont été également l’occasion de rappeler la mobilisation de la Région auprès des agriculteurs et de faire un point sur les grandes lignes de la politique régionale agricole (Bio, approvisionnement local, diversification, aides européennes, élevage, etc.). Marie-Sophie Lesne a donc choisi de découvrir deux importantes entreprises dans l’Oise le Groupement d’intérêt économique (GIE) Unisigma et la Coopérative Agora.
Deux poids lourds de l’agriculture
Unisigma est dédié à de la recherche appliquée et emploie 24 équivalents temps pleins. Les salariés travaillent exclusivement à la création variétale. Schématiquement, il s’agit, grâce à la technique de pollinisation manuelle, de croiser des plantes porteuses de caractères recherchés. Les descendances de ces croisements sont étudiées sur plusieurs générations afin de sélectionner de nouvelles variétés. Ceci prend de 7 à 8 ans. Pour réduire ce temps, Unisigma utilise des techniques conventionnelles mais novatrices lui permettant d’accélérer le processus de 2 à 3 ans. Unisigma n’a pas recours aux techniques OGM, ni même aux semences hybrides. Le GIE de Froissy a créé notamment les variétés de blé Fructidor, la plus produite pour ces moissons de 2018 en France, Camp-Rémy, Dinosor, Fluor, etc. C’était aussi l’occasion de présenter la nouvelle venue : Margaux. Cette variété d’orge d’hiver brassicole résiste à la jaunisse nanisante, un virus transmis par les pucerons. La conception de cette variété a duré 30 ans.
Pour Philippe Lerebour, directeur d’Unisigma, il s’agit de prendre conscience sur l’importance des semenciers «Il faut faire reconnaitre le caractère favorable à l’environnement de notre profession de semencier. Les sélectionneurs sont avant tout des créateurs de variétés plus résistantes aux maladies et aux parasites nuisibles pour les cultures, nous sélectionnons des variétés plus économes en intrants tout en maintenant la valeur nutritive.» Il poursuit en précisant que «souvent la profession dénigrée et montrée du doigt par le grand public, les obtenteurs de nouvelles variétés travaillent pourtant pour tous les agriculteurs, ceux utilisant des méthodes de production conventionnelles, comme pour ceux qui ont choisi les productions en agriculture durable ou en bio, et ceci sous le contrôle du CTPS. Il faut apporter une aide avec une subvention aux agriculteurs qui achètent des semences certifiées et qui vont du même coup financer la recherche et accélérer le cercle vertueux vers une agriculture plus économe en intrants. De plus, il faut favoriser les filières avec traçabilité, la semence certifiée étant un moyen simple et efficace pour identifier une production livrée par l’agriculteur à un organisme stockeur ou un industriel. Il ne faut pas oublier de soutenir les initiaves visant à un plus juste équilibre entre agriculteurs pour financer la recherche, on parle ici d’augmentation de la CVO avec un meilleur équilibre par rapport aux royalties sur les semences certifiées. Une fois introduit dans le génome d’une variété, le gêne d’intérêt peut être utilisé gratuitement par l’agriculteur au bénéfice de sa marge économique, de son temps de travail et de l’environnement.»
Marie-sophie Lesne et les conseillers régionaux ont ensuite découvert l’Univers d’Agora, un des partenaires d’Unisigma. Les missions de cette coopérative sont la collecte et la commercialisation des grains, l’approvisionnement agricole (semences, nutrition et protection des plantes, alimentation animale), et le conseil aux adhérents. C’est également une entreprise responsable devant les enjeux environnementaux par un engagement volontariste permettant l’essor d’un modèle de développement agricole «éco-intensif».
Pour résumer en quelques chiffres, c’est 2.492 adhérents, 48.680 tonnes capacités de stockage d’engrais solides, 7.531 tonnes de capacité de stockage de solution azotée, 731.390 tonnes capacités de stockage céréales, 1 station de semence, 188 millions d’euros de chiffre d’affaires, 2,3 millions d’euros résultats d’exploitation (données 2017).
La Région accompagne les agriculteurs
«Nos agriculteurs sont déboussolés parce qu’ils subissent des mauvaises années donc ils mettent à mal leur trésorerie. On leur demande d’évoluer dans un laps de temps très court sans en avoir les moyens... On essaye donc d’être pragmatique et de trouver des solutions seules...» résume Thierry Dupont, président d’Agora, à propos de la situation agricole.
«Dans notre région, on a un gros potentiel agricole malgré l’amplitude des effets climatiques sur nos exploitations. On réussit tout de même à sortir de la valeur ajoutée même s’il y aura de lourdes conséquences. Les models changent et les situations sont tendues dans nos régions. Mais je suis persuadé et on fera en sorte d’arriver au meilleur modele agricole car nous ne sommes plus en crise mais en mutation.» poursuit Guillaume Chartier, président de la FDSEA60. De nombreux sujets sont tombés sur la table durant cette journée. Le premier a été sur la décision de la Cour de justice, en juillet, d’interdir en Europe la technique d’édition du génome. Cette technique permet d’accélérer la sélection végétale conventionnelle n’ayant aucun rapport avec les OGM (organismes génétiquement modifiés). «Dans le même temps, l’Union européenne vient de passer un accord avec les États-Unis, pour importer davantage de soja américain, qui est à 94 % OGM» reproche Michel Lartigue, président d’Unisigma. Autre problème européen, la réduction de la PAC. «Si on nous enlève des aides financières, on ne pourra pas réaliser des changements souhaités dans notre agriculture. Sans ces aides, cela sera une vraie descente en enfer.» explique Michel Lartigue. Le Canal Seine-Nord Europe a refait surface. Après de longs débats à ce sujet, il en est ressorti «unanimement» que ce canal aura une utilité importante. Il faut savoir que la construction du canal Seine-Nord Europe se précise. La déclaration d’utilité publique du projet reliant la Seine, depuis Compiègne (Oise) et le réseau fluvial de l’Europe du Nord à Aubencheul-au-Bac (Nord) a été prorogée. Le délai pour les expropriations, nécessaire à la construction de la liaison de 107 kilomètres, s’étend désormais jusqu’au 12 septembre 2027 selon un décret paru le 31 juillet 2018 au Journal Officiel.
Autre sujet qui en est ressorti, le «Plan Bio Economique». L’accord, qui sera voté en septembre, visera à augmenter le nombre d’exploitations, mais aussi inciter à la consommation bio. En 2021, le plan bio ambitionne de proposer quotidiennement 10 % de produits bios aux lycéens de la Région Hauts-de-France. «On affiche clairement l’ambition que la région soit leader en bio économie parce que les enjeux sont présents. Surtout que notre région a du potentiel, si on n’agit pas cela ne serait pas logique.» affirme Marie-Sophie Lesne.
Elle ajoute par la suite l’importance des protéines. «Outre cet accord, nous allons faire un plan protéine. Il s’agit d’encourager la culture des protéagineux et des légumineuses dans nos territoires. Les objectifs sont de réduire, à terme, les importations destinées à l’alimentation animale et d’améliorer les pratiques agroenvironnementales.». Elle a ensuite déclaré son soutien aux circuits courts «Nous y accordons beaucoup d’importance. Le circuit court ne sauve pas l’agriculture mais sauve l’agriculteur.» A la suite de cela, élus, conseillers, et représentant agricoles soulignent l’intérêt d’avoir une durée plus longue concernant la transition agricole et aussi de financer la recherche. La mutation n’est pas faisable en 2 ou 3 ans.
Rencontre avec les apiculteurs
Marie-Sophie Lesne, vice-présidente du conseil régional, accompagnée de plusieurs conseillers régionaux, est venue à la rencontre de trois apiculteurs professionnels de l’Oise : Benoit Minart, Pierre Lamette et Bruno Cochet.
Cette rencontre avait pour objectif de revenir sur le dispositif d’aide aux apiculteurs mit en place par le conseil régional. Pour les trois apiculteurs présents, le plan de restructuration banquière qui est proposé ne sera pas efficace, car les trésoreries sont saines. Ce qu’il faut c’est aider les apiculteurs à lutter contre les vraies causes de mortalité des abeilles, et principalement contre le varroa.
En effet, il n’existe qu’un seul traitement disponible et efficace contre cet acarien et ce dernier est très couteux : environ 5 euros par ruches. Les trois apiculteurs présents ont donc proposé aux membres du conseil régional de réfléchir à une solution de subvention de ce traitement. Une subvention à la formation pour les nouveaux apiculteurs a aussi été abordée. Une prochaine réunion de travail au sein du conseil régional est prévue en septembre pour aborder les différentes solutions envisageables afin d’aider les apiculteurs de la région.
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