Pac 2023-2027 : les orientations régionales se dévoilent
Dans un peu plus d’un an, les Régions seront une nouvelle fois aux premières loges de la mise en oeuvre de la Pac. Pour la période 2023-2027, elles interviendront sur un périmètre certes moins vaste, mais dont la dotation progresse de 6 % par rapport à 2014-2021, et sur lequel elles auront, cette fois, une pleine maîtrise.

Au 1er janvier 2023, le pré carré des Régions dans ce vaste monde qu’est la Politique agricole commune (Pac) aura bien diminué, mais il sera consolidé. Exit la gestion de fameuses politiques de transitions écologiques que sont les aides à la bio et les Maec. Les exécutifs régionaux se voit confier la gestion – certainement plus ingrate – de la dotation jeunes agriculteurs (DJA), des aides à l’investissement et du programme Leader. Cela représente tout de même une enveloppe globale d’environ 700 ME/an d’aides européennes en 2027, soit l’équivalent du budget de l’ICHN. C’est trois fois plus que celui des aides à la bio (213 ME) ou des Maec (198 ME). Mais c’est un recul et les conseils régionaux n’auront toujours pas leur mot à dire sur le gros de la Pac, les aides du 1er pilier (6,7 MdE par an).
Main dans la main avec l’État
Toutefois les Régions ne sortent pas complètement perdantes. D’abord, parce que les aides européennes gonflent de 6 % sur le périmètre qui leur est alloué. Ensuite, elles y exerceront un contrôle plus fort. D’une part, parce qu’elles superviseront l’instruction des dossiers, avec leurs propres salariés cette fois, et non ceux des préfectures. D’autre part, elles espèrent n’avoir plus de comptes à rendre qu’à Bruxelles, et plus aucun à Paris. En effet, pour cette programmation 2023-2027, les Régions devraient vraiment décider seules des aides dont elles ont la charge, qu’elles cofinanceront seules aux côtés de l’Europe.
Pour ce faire, elles seront aidées par l’État. La part que Paris versait jusqu’ici aux côtés de l’UE et des Régions (environ 100 ME/an) sera transférée directement sur les budgets des Régions qui en disposeront à leur guise. Les Régions et l’État s’adresseront chacun seuls à Bruxelles pour les aides dont elles ou ils ont la gestion. Les premières ont rempli toutefois un dernier document commun, le Plan stratégique national (PSN) que le ministère de l’Agriculture doit envoyer à Bruxelles d’ici fin d’année. Si la Rue de Varenne avait déjà bien avancé sur sa «maquette», les Régions – dont les exécutifs ont été renouvelés au printemps – sont plus en retard. Elles devaient envoyer leurs arbitrages au ministère fin novembre, qui dessinent de premières orientations.
Priorité à l’installation
L’une des premières observations est la priorité donnée, dans toutes les régions interrogées, à l’installation, dont l’enveloppe connaît le plus souvent une plus forte augmentation que celles de l’aide à l’investissement ou du programme Leader. «Les Régions sont convaincues que la priorité est l’installation, car toutes les autres aides ne fonctionneront que s’il y a un renouvellement des générations», résume Lydie Bernard, vice-présidente à l’Agriculture de la région Pays de la Loire, et co-présidente de la commission agricole de Régions de France. «La plupart des Régions ont commencé par définir les objectifs, et beaucoup sont ambitieux», étaye Jérémie Dufils, conseiller renouvellement des générations chez les JA.
C’est le cas notamment de la Bretagne, qui s’est fixé un objectif chiffré. «Notre objectif est de faire 1 000 installations aidées par an d’ici la fin du mandat, explique son vice-président à l’Agriculture Arnaud Lécuyer. Aujourd’hui, on est à 750 aidées par an, plus 200 à 250 non aidées.» Pour ce faire la Région va augmenter sa dotation : «On était à 50 millions d’euros sur l’aide à l’installation, et on se rapprochera des 55 millions.» Mais d’autres Régions vont encore plus loin. En Normandie, on prévoit par exemple une augmentation de 75 % de l’enveloppe (UE-Région) dédiée au «renouvellement des générations». En Centre-Val de Loire, l’enveloppe de Feader allouée à la DJA est gonflée de 63 %, de 30 % dans la région Sud. Autre phénomène signe de l’engouement : une diversification des outils, avec la création par exemple d’outils de repérage d’exploitations à reprendre, ou de soutien à la trésorerie.
Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. On peut même dire que les Jeunes agriculteurs étaient inquiets lorsque Matignon a proposé fin 2019 de confier aux Régions la gestion de cet outil, dont les nouvelles conditions de cofinancement allaient de surcroît devenir plus gourmandes en budgets nationaux. En effet, pour cette nouvelle programmation, le taux de cofinancement national de la DJA a été augmenté, passant de 20 à 40 %. Cela signifie que pour une enveloppe globale égale versée aux agriculteurs, il faut que l’État ou les Régions – pour la part nationale – sortent davantage d’argent de leur budget propre. Les JA peuvent désormais se rassurer : les Régions ont largement embrassé la cause de l’installation. Seule nouveauté qui pourrait menacer les fonds alloués au jeune, l’ouverture d’aides aux nouveaux installés (plus de 40 ans), qui n’est pas encore bien définie.
Poussée hydraulique
À l’inverse, les aides à l’investissement (dans les exploitations, l’agroalimentaire, la forêt, Natura 2000, les installations hydrauliques...) bénéficient de conditions de co-financement souvent moins coûteuses. Pourtant, elles font l’objet – dans l’ensemble – d’un peu moins de priorisation que l’installation. La dynamique est jusqu’ici assez uniforme, quelles que soient d’ailleurs les majorités à la tête des conseils régionaux. Des différences apparaissent sur la question des aides aux infrastructures hydrauliques, plutôt d’ordre géographique. Dans des régions peu soumises aux stress hydriques, comme la Normandie ou la Bretagne, aucune ligne n’est pour l’instant ouverte. En Bretagne, «ce sera décidé plus tard, la concertation ne fait que commencer», assure l’exécutif qui, à l’inverse, prévoit d’ores et déjà d’investir dans les haies (15 ME). Et en Normandie, ce n’est pas au programme, «le besoin n’a pas été exprimé». C’est plus au sud et dans les terres que des budgets apparaissent sur ce thème.
Dans plusieurs régions où la ligne était déjà ouverte, des hausses sont prévues, comme dans le Grand Est : «L’aide à l’hydraulique, qui existe déjà pour les bassines à la parcelle, sera étendue pour l’hydraulique collective, explique la vice-présidente à l’Agriculture, Béatrice Moreau. Cette ligne pour l’hydraulique collective sera très faible par rapport à l’aide à l’investissement, mais elle montera en puissance après notre concertation avec la profession agricole.» Le même mouvement est annoncé en Nouvelle-Aquitaine. Dans la région Sud (ex-Paca), le budget est déjà presque double à celui du Centre-Val de Loire, et augmentera de 19 %.
Associations de mesures
L’autre vraie nouveauté sera le lancement des Maec dites forfaitaires, c’est-à-dire des mesures agroenvironnementales versées à l’exploitation selon des indicateurs de résultats, et non pas à la surface selon un cahier des charges. Porté notamment par la Normandie et la Bretagne, cet outil a été doté de 22 ME/an pour l’ensemble des Régions. Toutes ont souhaité en bénéficier, avec trois thèmes identifiés : le carbone, les pesticides et l’autonomie protéique.
Certaines Régions ont décidé de coupler ces mesures avec des aides à l’investissement, comme le Centre-Val de Loire, la région sud, ou le Grand Est. «Nous allons ouvrir les Maec forfaitaires et les mixer avec les aides à l’investissement, pour financer les bilans économiques, sociaux et environnementaux des exploitations», annonce Béatrice Moreau, vice-présidente à l’Agriculture dans le Grand Est.
Modalités à définir
Beaucoup d’exécutifs n’en sont qu’au début de l’élaboration de leur projet. Après la phase des grandes orientations budgétaires, qu’elles devaient livrer à la Rue de Varenne ces derniers jours, les Régions vont devoir entrer dans le détail, fixer les modalités d’attribution des aides. Ce travail est central et devrait définir les pratiques agronomiques soutenues par chaque Région. La plupart d’entre elles prévoient d’avoir bouclé leur programmation d’ici la fin du premier semestre 2022, afin de lancer les premiers appels d’offres sur la seconde partie de l’année.
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