Ils s'appellent Josée Escalup, Annick Pinchon et Vincent Grau. Ils ont fait toute leur carrière au Crédit Agricole Brie Picardie mais, bien que retraités, ont repris une activité à temps partiel au sein de l'association Point Passerelle.

«On avait envie de donner de notre temps et de faire profiter de notre expérience professionnelle à des personnes auxquelles le circuit bancaire traditionnel ne répond pas. Passerelle venait d'être créée en 2018, on a essuyé les plâtres, on a mis en place au fur et à mesure des méthodes de travail adaptées à notre public», témoignent-ils en choeur.

Il leur a fallu de grandes qualités d'écoute et une certaine empathie pour aider ces hommes et femmes de tout âge, souvent dans des situations précaires, à la recherche d'un soutien pour continuer leur vie. «Avoir une fibre sociale, garder la bonne distance pour être efficace, ne jamais juger les requérants, c'est parfois dur», reconnaissent-ils.

Micro-crédits

Ce que propose Passerelle, c'est un accès au micro-crédit, en lien avec la caisse de Crédit Agricole Brie Picardie pour ceux qui en sont clients, ou avec Créasol pour les autres. Les sommes, de 300 à 8.000 euros, viennent en aide à ceux qui ne peuvent plus prétendre à un prêt bancaire classique. «Il s'agit de sommes pour acheter un poêle à bois, suivre une formation payante, acheter un véhicule d'occasion, financer une opération médicale», détaille Vincent Grau.

Les conseillers rencontrent les requérants sur place à Beauvais, en mairie ou dans des lieux proches des demandeurs. Ils les aident à constituer le dossier de demande de micro-crédit qui sera présenté à une commission d'attribution. «C'est un prêt réglementé, avec caution de la BPI, généralement d'une durée de 6 à 84 mois. La moyenne empruntée est de 4.000 EUR et les durées sont courtes. Nous avons très peu d'échecs, les bénéficiaires arrivent au bout de leur crédit et reviennent parfois nous voir pour d'autres micro-crédits», ajoute Josée Escalup.

Ces personnes en difficulté sont généralement reperées et orientées vers Passerelle par les agences du Crédit Agricole ou les autres acteurs du social auxquels Passerelle a fait part de son existence et de son souhait d'apporter des solutions concrètes aux personnes en difficultés.

Depuis, les CCAS (centres communaux d'action sociale), Conseil départemental, collectivités, missions locales jeunes, maison de l'économie solidaire, Banque de France orientent vers l'association de potentiels bénéficiaires.

Les personnes sont reçues soit à l'agence Passerelle Brie Picardie de Beauvais, soit dans des tiers lieux pour respecter la neutralité bancaire. «Beaucoup sont des femmes seules avec des enfants, ou des personnes seules, parfois avec un handicap. Cela peut aussi être des jeunes en alternance qui ont besoin de financer un véhicule, des salariés agricoles. En tout cas, Passerelle ne s'adresse pas à des professionnels, il y a d'autres structures pour eux», précise Loïc Cochu, directeur de Passerelle Brie Picardie, de passage à Beauvais, qui chapote également une agence dans la Somme, à Amiens, et une en Seine-et-Marne, à Vaux-le-Pénil. Mais l'activité de Passerelle ne se borne pas à l'obtention de micro-crédits pour les exclus bancaires.

Éducation budgétaire

L'association aide par un accompagnement individuel les personnes à reprendre la main sur la main sur la gestion de leur budget. «Même des personnes avec une bonne situation ne savent parfois pas gérer leurs finances», assure Loïc Cochu.

L'association est reconnue d'intérêt général, ses services sont entièrement gratuits, l'agence de Beauvais est labellisée Point conseil budget (PCB). À ce titre, elle accueille toutes les personnes ayant des problématiques de gestion budgétaire et les accompagne pour éviter les situations de surendettement. Si besoin, elle constitue les dossiers de surendettement. «La Banque de France ne reçoit pas directement les personnes en surendettement. C'est nous qui les aidons à constituer leur dossier avant passage en commission, qui se réunit deux fois par mois», explique Annick Pinchon.

L'association anime aussi des ateliers collectifs de sensibilisation à la gestion budgétaire pour ses partenaires. Trois aidants y participent, notamment dans le cadre du Service national universel où ils interviennent devant un jeune public. «Nous allons également dans les maisons familiales et rurales sur le même thème, ou dans des épiceries solidaires, des missions locales, à leur demande.» Les personnes en difficulté apprennent à faire des économies et à se constituer un apport qui leur permettra parfois de décrocher ensuite un micro-crédit. «On voit des personnes à qui on n'a jamais appris à gérer leur argent, se servir d'une carte bancaire ou qui souffrent d'addictions, notamment aux jeux d'argent. Il faut parfois un accompagnement psychologique car leur montrer les sommes qu'ils dépensent au total ne suffit pas», reconnaissent Vincent Grau, Josée Escalup et Annick Pinchon. «Et puis c'est délicat, nos visiteurs ont de la pudeur, qu'il faut respecter. Ils sont souvent rassurés par notre âge, nous faisons tout pour les mettre à l'aise, qu'ils n'aient pas l'impression d'être à la banque.»

Avec l'inflation depuis deux ans et la hausse des factures énergétiques, les animateurs perçoivent une dégradation de la situation socio-économique globale. Il y aura du surendettement dans les mois à venir, craignent-ils.

Pour ce qui est de Brie Picardie et de l'Oise en particulier, cinq années, dont deux perturbées par le Covid, auront suffi à installer Passerelle dans le paysage des structures sociales capables d'apporter des solutions simples et concrètes aux bénéficiaires. Grâce à des partenariats avec d'autres structures pour mieux repérer les personnes en difficulté, nul doute que l'équipe de Beauvais saura apporter son expertise et son humanité.