L'Oise Agricole 07 mai 2021 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Perrine et le pot au lait

Ce n'est pas le titre d'une fable écrite par Jean de La Fontaine, mais bien l'histoire d'une jeune femme qui vient de créer son activité de transformation laitière au sein de la ferme familiale. Pour le bonheur des gourmands et la joie de la laitière.

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Perrine Camus à la fabrication du fromage blanc, le mardi.
Perrine Camus à la fabrication du fromage blanc, le mardi. - © Dominique Lapeyre-Cave

Voilà tout juste quatre mois que Perrine Camus a commencé à fabriquer et vendre ses produits laitiers que déjà ses semaines sont bien remplies : fabrication des yaourts, fromages et desserts le lundi, mardi et mercredi matin, ouverture du magasin le mercredi après-midi, livraisons le jeudi et nouvelle fabrication le vendredi matin si nécessaire et commercialisation l'après-midi.

Pour cette jeune femme de bientôt 40 ans, mère de trois garçons et épouse de Francis Camus, cette installation au sein de l'EARL a été comme une réalisation personnelle, la nécessité de trouver sa place dans l'activité de l'exploitation. «J'ai été assistance maternelle pendant de nombreuses années et cela me convenait bien car cela m'a permis de pouvoir élever mes trois garçons. Mais maintenant qu'ils ont 14, 12 et 9 ans, il fallait que je me trouve une activité à moi, qui me plaise et me permette de m'épanouir professionnellement, je n'avais plus envie de m'occuper d'enfants», confie-t-elle.

Cette citadine d'origine, native de Chartres, arrivée dans l'Oise depuis 17 ans, donnait des coups de main ponctuels sur l'exploitation, notamment à la traite. Le démarrage de la vente de viande de l'exploitation en caissettes et le succès rencontré en 2018 lui ont ouvert des horizons. «On a testé la vente directe avec un investissement minimal, une remorque réfrigérée. Avec le bouche-à-oreille et notre réseau de connaissances, on a vu que les consommateurs n'hésitaient pas à faire le déplacement jusqu'à la ferme et revenaient. J'assurai les commandes et la vente et j'appréciais les retours directs de la clientèle. D'où l'idée de transformer une partie du lait et de vendre sur place, dans un magasin créé pour cela.»

 

Un investissement personnel

Perrine Camus s'est donc lancée dans une reconversion professionnelle. «Je faisais bien des yaourts pour la famille mais, là, c'est une autre échelle !» sourit la jeune femme. Elle a donc suivi une formation avec l'ARVD (Association régionale des vendeurs directs de produits laitiers fermiers des Hauts-de-France), dans le Nord, à chaque fois chez des exploitants qui transforment leur lait : 5 jours pour les yaourts, 4 jours pour le fromage blanc et les crèmes desserts, 2 jours pour apprendre à faire du beurre. Une formation hygiène de 4 jours, obligatoire pour s'installer, a complété le cursus. «Ce n'est pas facile de se former quand on est mère de famille et qu'il faut se déplacer dans le Nord. Mais c'était très intéressant et j'ai découvert que dans le Nord, presque toutes les exploitations font de la vente directe. Cela m'a conforté. Et puis les échanges avec les autres participants m'ont permis de finaliser mon projet», reconnaît Perrine Camus.

Commence alors le montage du dossier administratif et financier. Lors d'une conversation avec la laiterie Sodiaal qui voudrait que les deux tanks à lait de l'exploitation soient remplacés par un plus grand mais installé ailleurs dans l'exploitation, Perrine Camus découvre que l'industriel peut l'aider financièrement si elle s'installe en tant que chef d'exploitation. «Moi qui pensais être conjointe collaboratrice, j'avais tout intérêt à m'installer. 300.000 litres de lait en plus, cela a modifié le projet qui a du coup comporté un volet augmentation de production. J'ai donc suivi le classique parcours à l'installation», détaille la jeune exploitante.

Des aides au projet

Pour ce projet de transformation qui se chiffre à environ 130.000 euros, Perrine Camus devait se doter d'un laboratoire et l'équiper. Il a été construit avec des panneaux sandwichs dans la cour de la ferme, avec les réseaux d'eau, d'électricité et d'évacuation. Un pasteurisateur, une chambre chaude et une chambre froide, une écrémeuse, une baratte, une conditionneuse pour la mise en pot, la pose de l'opercule et la date, ainsi qu'une vitrine réfrigérée et un utilitaire frigorifié ont constitué l'essentiel des investissements. Parallèlement, la jeune agricultrice a pu bénéficier d'aides des collectivités : 3.000 EUR par la commune, 7.500 EUR par le Département, 7.500 EUR par la Région, ainsi que l'Europe avec les fonds Leader, pas encore versés mais qui devraient approcher 60.000 euros. Au final, les aides totales devraient couvrir 50 % de l'investissement.

Installée officiellement début 2020, Perrine Camus a commencé ses essais de production fin décembre et ouvert son magasin en janvier 2021, en pleine crise sanitaire. «Comme beaucoup d'agriculteurs qui font de la vente directe, la crise m'a amené des clients à la recherche de productions locales et de qualité. J'ai calé mes horaires d'ouverture avec ceux de Camille Rollet, jeune maraîchère de Lagny, et de mon voisin Édouard Lhotte, qui produit des asperges. Les clients font la tournée et ils viennent des villages alentours. J'ai commencé en créant une page Facebook et en distribuant des flyers dans les boîtes à lettre», témoigne Perrine Camus. Par le bouche-à-oreille, elle a été contactée par trois collèges, Vic-sur-Aisne, Lassigny et Ressons-sur-Matz, qui lui passent commandes régulièrement. «Je dois fournir 300 yaourts à chaque fois mais je suis prévenue à l'avance.» D'autres collèges se sont montrés intéressés, mais le confinement a retardé la mise en place de ces nouvelles relations commerciales.

Sinon, Perrine Camus envisage de participer aux marchés ou fêtes de producteurs qui pourraient être organisés entre Noyon et Compiègne afin de se faire connaître. «Il faut généralement un an pour faire son trou et je dois avouer qu'au bout de quatre mois, je suis presque au maximum de mes possibilités de transformation, évaluées à 25.000 litres par an. En tout cas, les retours positifs de mes clients sont un véritable encouragement à continuer dans cette voie.» Certains lui parlent de fromage blanc de leur enfance. «Comme je ne veux pas mettre de poudre de lait dans mes yaourts, ils ont une consistance moins fermes, comme les yaourts brassés. De même, j'utilise de la vanille naturelle et je me suis posée la question des emballages. Au final, c'est un plastique recyclable.»

Et demain, des idées de nouvelles productions ? Peut-être de la crème fraîche. Pour le beurre, c'est plus délicat car il faut 22 litres de lait pour faire un kilo de beurre et trouver une utilisation au petit-lait. En attendant, Perrine, contrairement à la Pérette de la fable, a fait de son rêve une réalité. Et elle n'est pas encore au bout.

Les crémeuh de Perrine

  • Ferme du Moulin de Bas à Lagny - Tél. 06 89 93 60 80
  • Magasin ouvert le mercredi et le vendredi de 16 h à 18 h et le samedi matin de 10 à 12 h
  • Yaourts nature sucré ou aux fruits (vanille, noix de coco, fraise, citron, mirabelle, framboise, cassis, ananas, fruits exotiques, cerise, myrtille, pêche, abricot) : 50 centimes le nature, 65 cts aux fruits, un gratuit pour 12 achetés
  • Crèmes desserts vanille, chocolat, vanille sur lit de caramel : 70 cts ou 4 EUR les six
  • Fromage blanc, campagne ou lisse : 2,5 EUR les 500 g
  • Fromages frais ail et fines herbes, pampa (poivron et moutarde), saveur jardin (tomate et estragon) : 2,90 EUR les 200 g
  • Lait pasteurisé : 1,10 EUR/l

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