Un schéma qui dessine le territoire
Le schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) a été approuvé par arrêté préfectoral le 4 août. Ce document d’organisation et d’aménagement du territoire concerne l’agriculture sur certains aspects.
Des acronymes, un vocabulaire «juridico-administratif» fourni, quatre ans d’élaboration et, au final, un document de plus de 300 pages. Derrière cette entrée en matière alléchante se cache le Sraddet, petit nom du schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires. Tout un programme. Adopté en séance plénière du conseil régional des Hauts-de-France le 30 juin 2020, il a été approuvé par arrêté préfectoral le 4 août.
Un exercice réglementé
Lutte contre le réchauffement climatique, gestion économe de l’espace, pollution de l’air, implantation d’infrastructures d’intérêt régional, biodiversité, intermodalités et développement des transports, gestion des déchets, équilibre des territoires, désenclavement des zones rurales, habitat, énergie : le schéma fixe les grands objectifs pour le territoire régional à moyen (2030) et long termes (2050) dans onze domaines, définis par la loi.
L’élaboration d’un document comme le Sraddet est un exercice très réglementé. C’est la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015 qui désigne les Régions comme maître d’oeuvre pour les mettre en place. Pour la première fois, le document devient «opposable», contrairement au précédent schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (Sraddt) qui n’était qu’un document de référence. Un changement d’importance selon la Région car la nature «prescriptive» du Sraddet a suscité «la crainte d’un certain nombre d’acteurs du territoire sur ce qui pourrait leur être imposé à travers ce document». Ce qui les a incités «à participer activement aux échanges» pour l’élaborer.
La nature opposable du Sraddet implique qu’il «parle» à plusieurs documents de planification du territoire qui doivent s’y référer dans le cadre de leur propre élaboration : les Scot (schémas de cohérence territoriale), les PLU (plan locaux d’urbanisme) par richochet, les DPU (plans de déplacements urbains), les PCAET (plans climat air énergie territorial) et les chartes des PNR (parcs naturels régionaux).
Le Sraddet est constitué de trois documents* :
- Le rapport qui comprend un diagnostic sur «les mutations à l’oeuvre et les défis à relever», une présentation de la vision régionale qui définit les grandes orientations du territoire et un rapport d’objectifs qui détaille les objectifs à atteindre ;
- Un fascicule qui précise les moyens pour mettre en oeuvre les objectifs «avec une portée réglementaire forte» ;
- Des annexes obligatoires, notamment une carte résumant les objectifs pour le territoire.
Un développement équilibré du territoire
Pour définir ses objectifs, la Région a établi trois partis pris : celui d’une ouverture sur l’extérieur maîtrisée (le canal Seine-Nord est la pièce maîtresse de cette stratégie), celui de l’amélioration de la qualité de vie des habitants au quotidien (transports plus adaptés, accessibilité des services publics, isolation des logements...) et, enfin, une organisation multipolaire et équilibrée du territoire. Ce dernier aspect est un axe fort du Sraddet. L’ambition étant d’améliorer l’équilibre, les échanges et les connexions entre les territoires. «L’objectif est que les dynamiques de développement propres à chaque territoire diffusent et profitent à l’ensemble des Hauts-de-France», avance l’instance régionale.
Concerter pour convaincre
«L’exécutif régional a choisi d’engager une grande concertation pour coconstruire le schéma avec les principaux acteurs régionaux», assure le président du Conseil régional Xavier Bertrand, dans le document de présentation du Sraddet.
Conférence territoriale de l’action publique (CTAP), Conseil économique, social et environnemental (Ceser), chambres consulaires, ateliers régionaux thématiques, neuf espaces de dialogue répartis dans les Hauts-de-France : tout au long de l’élaboration du document, différentes instances d’échanges ont permis aux acteurs du territoire d’être associés à la démarche. Le Sraddet a également fait l’objet d’une enquête publique à l’automne 2019.Cette concertation large, principalement voulue par les deux vice-présidents qui ont en charge la coordination du Sraddet (Valérie Létard puis Nicolas Lebas), a surtout eu pour objectif de s’assurer que les visées du Sraddet soient partagées par une majorité d’élus. C’est l’une des conditions pour que les ambitions de l’exécutif régional soient prises en compte dans les réflexions, mais aussi de manière concrète, dans les différents territoires. Car le Sraddet offre, en soi, peu de certitudes de ce point de vue.Et ce, pour deux raisons : son degré d’opposabilité n’est pas le plus élevé prévu par le Code de l’urbanisme (cf. encadré page ci-contre) et il ne s’applique qu’aux documents de planification en cours de réalisation ou à l’occasion de leur révision.En clair, le Sraddet ne serait par exemple pas opposable à un Scot mis en place il y a un an et qui ne serait donc pas révisé avant plu-sieurs années... Dernier écueil : lors des prochaines élections régionales en 2021, à la faveur d’un changement de majorité, le document pourrait être amené à être amendé, voire révisé de fond en comble !
*Les documents qui composent le Sraddet sont disponibles sur le site internet de la Région : www.hautsdefrance.fr
Quelle place pour l’agriculture ?
Plusieurs aspects du Sraddet concernent l’agriculture de près ou de loin. La Région assure avoir «travaillé en collaboration avec la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France» et précise «avoir écouté les volontés et les craintes du monde agricole». La question de la maîtrise du foncier et de la périurbanisation sont les sujets ayant suscité le plus de débats ! Les représentants du monde agricole et certains élus prônaient l’économie de foncier agricole, alors que d’autres affichaient leurs craintes de voir brider leur développement économique. Au final, la raison l’a emporté : si entre 2008 et 2018, c’est 1 500 ha par an qui ont été urbanisés en moyenne dans les Hauts-de-France, le Sraddet ambitionne une division par trois des surfaces d’ici à 2030, par quatre d’ici à 2040 et par six en 2050.
Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le Sraddet reconnaît la capacité des terres agricoles à participer au stockage du carbone. Un aspect à double tranchant plutôt favorable aux systèmes herbagers, mais «avec des conséquences possibles sur certains pratiques comme le labour», estime la profession agricole.
Dans la partie consacrée à la biodiversité et à la continuité écologique (trames verte et bleue), la Région l’assure : même si elle fixe comme objectif d’utiliser les chemins ruraux dans la reconquête de biodiversité, «ils ont principalement un rôle fonctionnel et permettent aux exploitants agricoles et forestiers et aux propriétaires terriens d’accéder à leur parcelle».
Le Premier ministre mobilise les préfets contre l’artificialisation des sols
Le Premier ministre a adressé aux préfets, par circulaire du 24 août 2020, des instructions précises concernant la lutte contre l’artificialisation des sols dans le domaine des surfaces commerciales, a indiqué Rollon Mouchel-Blaisot, préfet et directeur du programme national «Action coeur de ville», à Agra Presse le 27 août. «Il convient de privilégier l’utilisation de friches existantes ou de terrains déjà artificialisés pour tendre vers le «zéro artificialisation nette, les activités économiques et commerciales représentant 14 % des surfaces artificialisées», a-t-il précisé.
Le rôle des préfets à ce titre est double : contrôler la légalité des actes des collectivités locales en matière d’urbanisme; et instruire de façon approfondie les projets soumis à autorisation en CDAC (Commissions départementales d’urbanisme commercial) et Cnac (Commission nationale), par des recours contre des décisions qui méconnaîtraient le principe de consommation économe de l’espace. «Le Premier ministre a demandé aux préfets d’utiliser tous les moyens administratifs et juridiques à leur disposition pour la préservation des terrains naturels, forestiers et agricoles», a résumé Rollon Mouchel-Blaisot. «La missive de Jean Castex précise qu’il s’agit de protéger toutes les terres agricoles, naturelles et forestières, y compris si le terrain est "considéré comme constructible au sens du Code de l’urbanisme"», selon le quotidien Les Échos du 27 août.
Le plan national «Action coeur de ville», que dirige Rollon Mouchel-Blaisot, vise à conforter le rôle de moteur des villes moyennes, «qui connaissent parfois des difficultés d’attractivité», dans le développement du territoire.
L’opposabilité, une subtilité des règles de l’urbanisme
Il existe trois niveaux d’opposabilité pour les documents d’urbanisme, du plus contraignant au moins contraignant : la conformité impose la retranscription à l’identique de la règle, son respect à la lettre ; la compatibilité implique de respecter l’esprit de la règle (c’est le cas du «fascicule» du Sraddet ; la prise en compte induit de ne pas «s’écarter» de la règle (ce qui s’applique à la partie «rapport» du Sraddet). Les documents de planification ne sont pas égaux : certains sont «supérieurs» aux autres, c’est-à-dire qu’ils doivent être respectés par les documents d’urbanisme de rang «inférieur». Le Sraddet est intégré dans cette hiérarchie des normes. Il est considéré comme supérieur aux documents tels que les Scot, PDU, PCAET ou, encore, les chartes des PNR.
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