L'Oise Agricole 12 novembre 2020 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

«Une Pac plus accessible et compréhensible par tous»

Le mercredi 21 octobre, les ministres de l’Agriculture de l’UE ont trouvé un accord pour mettre en place une large réforme de la Politique agricole commune. Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, explique la situation.

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Luc Smessaert.
Luc Smessaert. - © D.

Comment s’est déroulé le vote de cette nouvelle Pac ?

L. S. : la Pac est d’abord une politique économique au service d’une alimentation saine et accessible à tous les Européens. Et l’agriculture, c’est bien plus que la production agricole ! Par leurs activités ancrées dans les territoires, les agriculteurs et l’ensemble des acteurs agricoles apportent des contributions irremplaçables pour l’emploi, l’environnement, la biodiversité, les paysages… Sans agriculteur avec des revenus dignes, c’est tout cet équilibre qui serait menacé ainsi que le renouvellement des générations.

Nous voulons affirmer une vision positive et vertueuse de l’économie agricole basée sur l’investissement, la modernisation et les transitions (écologiques, climatiques, numériques…) par l’innovation, pour relever le défi de la double performance économique et environnementale, et contribuer à l’objectif de neutralité carbone. La prise en compte des réalités économiques de la production agricole rend possible un accompagnement adapté et efficace des exploitations dans la transition agro-écologique.

Il y a eu un première vote au niveau du Conseil des ministres, du Parlement et de la Commission. Ils se sont mis d’accord sur une grande partie des éléments de la Pac au niveau européen. Maintenant, on va démarrer, pendant 6 mois, des trilogues. Ce sont des allers-retours entre le Parlement, la Commission et puis le conseil des ministres. Dès lors, il faut simplement approcher les trois parties et derrière, il y aura l’écriture des textes de la future Pac qui démarrera le 1er janvier 2023, d’accord avec 2 ans de retard, parce que normalement, il s’agissait de la Pac 2020. Il n’y a quasiment pas eu de pause car ça fait plus de 2 ans et demi que l’on était sur le sujet de la Pac 2020.

Est-ce une Pac davantage vers l'Europe ?

Il faut qu’elle soit commune ! Il faut que la lettre C reprenne tout son sens. On revient quand même davantage à une Pac commune. On sentait que, de réforme en réforme, on avait tendance à renationaliser la Pac et c’était le pire. Car derrière, ça crée des distorsions entre agriculteurs européens. La France a toujours tendance à durcir ses normes et donc, forcément, à faire des gros écarts avec nos pays voisins. Outre la Pac commune, on milite également pour une Pac économique afin de soutenir la production des agriculteurs. L’agriculteur doit d’abord arriver à vivre de sa production et après, on intègre dedans les normes pour une agriculture durable et qui respecte l’environnement.

Il y avait quand même des positions fortes avec un verdissement au niveau du Parlement. Certains députés écologiques voulaient mettre l’argent de la Pac dans l’environnement. Depuis 1956, la Pac accompagne les agriculteurs et leur revenu. Les agriculteurs sont déjà des écologistes de bon sens et responsables. On n’est pas dans le dogmatisme et puis dans l’idéologie que certains avaient envie pour la Pac 2020.

L’autre point sur lequel on voulait fortement insister à la FNSEA, c’est une Pac plus simple. Qu’elle soit moins administrative. Aujourd’hui, le gros souci, c’est vraiment le côté administratif. Il ne prend pas en compte le fait que l’on travaille avec du vivant, les saisons, le climat. Parfois, on fait comme on peut avec la météo. Normalement, la Pac devrait davantage reconnaître les agriculteurs et peu importe la date où ils sèment. Le principal, c’est la cohérence. C’est vraiment très important parce qu’aujourd’hui, il y a des contrôles terrain. Certains ont pu semer en décalé les Cipan dans d’autres parcelles. Ils risquent de ne pas toucher d’aides, car ils n’ont pas semé la bonne parcelle. C’est vraiment honteux...

Le dernier point sur lequel nous avons travaillé est le changement climatique et donc la gestion des risques. La Pac doit accompagner davantage sur la volatilité des marchés, mais aussi sur la répétition de sécheresses ou les inondations. Il faut mieux adapter et gérer nos exploitations face aux changements climatiques, c’est-à-dire des aides à l’investissement sur le stockage de l’eau, du matériel plus adapté, et l’accompagnement via les assurances récolte.

Il y a eu également un gros sujet mais dont on ne parle plus, c’est le budget. La période du Covid nous a été favorable puisque on sort avec un budget quasiment équivalent. C’est assez rare : dans les réformes passées, on était toujours sur des réformes avec des budgets à la baisse. Lorsque l’on est sur des budgets à la baisse, forcément, on a du mal à avoir une vraie orientation politique et une vision sur notre avenir. On est donc assez satisfait de la discussion budgétaire.

La FNSEA est-elle ravie de la tournure de cette nouvelle Pac ?

À ce jour, le syndicat est plutôt satisfait des échanges et de l’orientation de la futur Pac. Maintenant, il reste toute la discussion durant l’année 2021 sur le cadre français. Comment la France va-t-elle appliquer cette Pac ? Cela va se voir avec le PSN (plan stratégique national) et il faudra être vigilant à ce moment. C’est dans les petites lignes que le diable se cache. On est donc au travail sur cette déclinaison au sein de l’Hexagone. Aujourd’hui, le travail produit de la part des ministres et des parlementaires a bien été fait. Dorénavant, il faut absolument que cela se traduise par des choses très concrètes au niveau de la déclaration 2023. Cela paraît loin pour certains agriculteurs, mais ce sont quand même des enjeux importants. On a besoin aujourd’hui de visibilité dans nos exploitations.

Il y a également toute une partie sur l’installation. On accompagne davantage les jeunes agriculteurs pendant leur période d’installation. Ce sont des objectifs très constructifs. Au niveau syndicaliste que ce soit FNSEA, Jeunes Agriculteurs ou bien Chambres d’agriculture, on a vraiment été dans l’anticipation et puis force de proposition. On a trop subi les anciennes Pac. On a tiré les enseignements des erreurs du passé. On a besoin de l’Europe : aujourd’hui, c’est un marché de 480 millions, voire 500 millions de consommateurs. On n’a plus le droit aujourd’hui de faire des distorsions entre nous et de se faire la guerre (emploi, fiscalité...) entre agriculteur européens.

Cette Pac 2023 doit redonner de la visibilité à nos exploitations et surtout plus d’accompagnement, davantage d’investissement. On a toujours besoin d’investir dans la recherche et l’innovation, dans de nouveaux matériels ou, en élevage, de bâtiments performants économiquement et énergétiquement. On ne peut pas se limiter à faire de l’entretien du territoire. On est là pour faire vivre le territoire. Le dossier souveraineté alimentaire doit se traduire dans la nouvelle Pac. Que ce soit des circuits courts ou des circuits longs, il faut absolument que l’agriculteur arrive à vivre de son travail.

Le poids du Copa (Syndicats européens agricoles, NDLR) a été très important. On a de la chance d’avoir la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, à la tête de cet organisme. Cela a beaucoup pesé sur l’importance de la France dans l’Europe. Christiane Lambert a mouillé la chemise et a réalisé un travail titanesque pour l’évolution de cette Pac. Dorénavant, les députés, les ministres et la Commission européenne doivent trouver un consensus d’ici 2021, pour que la nouvelle Pac s’applique à partir du 1er janvier 2023.

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