ZNT à proximité des habitations, les agriculteurs disent non
La consultation du public sur les distances de non traitement à proximité des habitations est un nouveau coup porté à l’agriculture, tant au niveau de la production que sur la perception du métier. C’est ce que sont venus dénoncer les JA et la FRSEA Hauts-de-France auprès du conseiller agricole d’Édouard Philippe.
Le congrès national des maires ruraux, qui se tenait du 20 au 22 septembre au Val Joly, dans le Nord, a été le théâtre de plusieurs revendications, tournant toutes autour du même thème : l’usage des produits phytosanitaires à proximité des habitations. Plusieurs associations environnementales, d’un côté, ont manifesté leur souhait de voir disparaître les produits phytopharmaceutiques à proximité des maisons. De l’autre, les agriculteurs répondant à l’appel des FDSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) sont venus dénoncer une consultation du public «clivante, stigmatisante pour l’agriculture». Ils ont également rappelé qu’ils utilisent des produits autorisés par le gouvernement français, et qu’ils respectent des procédures professionnelles et strictes d’usages. À l’occasion de cette manifestation, une délégation des Hauts-de-France a été reçue par Julien Turenne, conseiller agricole du Premier ministre Édouard Philippe, lui-même présent au congrès des maires.
Des enjeux de santé publique
«C’est le gouvernement lui-même qui a mis le feu dans les campagnes en lançant une consultation du public sur les distances, alors même que la profession était en train d’élaborer des chartes de bon voisinage en local ; vous devrez prendre vos responsabilités si on en arrive à des débordements», a exprimé Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de- France. Sur le fond, les responsables professionnels agricoles ont rappelé que la perte de foncier agricole au profit de l’urbanisation est déjà une problématique forte en Hauts-de-France, avec environ 4 000 hectares urbanisés par an, selon Charlotte Vassant, secrétaire générale de l’USAA. Cette nouvelle réglementation vient ajouter une pression supplémentaire sur le foncier agricole. Par ailleurs, l’interdiction de molécules à
10 mètres des maisons alors qu’elles sont utilisées sans limite dans certains produits ménagers semble aberrante. «Les néonicotinoïdes désormais interdits en agriculture sont utilisés dans les colliers antipuces des chiens et chats, sans que cela ne dérange qui que ce soit», a regretté la secrétaire générale de l’USAA. Et de rappeler que l’usage des pesticides en agriculture est avant tout une manière de répondre à un enjeu de santé publique. Secrétaire général de la FRSEA, Jean-Christophe Rufin a tenu à offrir une Datura aux représentants de l’État, plante toxique qui pousse dans les champs de légumes, et dont l’élimination est absolument obligatoire, sous peine d’empoisonnement des consommateurs.
Le dialogue avant la contrainte
La profession a ensuite fait part de son refus total d’intégrer un délai de prévenance individuelle des riverains avant chaque intervention et son incompréhension face à aux distances à respecter alors que l’usage des produits phytosanitaires est déjà clairement réglementé. Le dialogue local pour trouver les bonnes pratiques entre activité économique et vie à la campagne semble bien plus efficace qu’une réglementation contraignante. La conversion bio ou en Maec de ces zones n’est pas une bonne idée selon les représentants de la profession. En effet, au-delà du fait que les produits utilisés en bio sont également dans le collimateur de l’arrêté, «les aides au bio et aux Maec sont extrêmement en retard, ce qui décourage ceux qui s’y sont déjà engagés», a souligné Jean-Luc Gérard, agriculteur bio et président du canton de Solre-le-Château.
Un arrêté qui vient s’ajouter à l’agribashing ambiant
Depuis plusieurs mois, les agriculteurs sont la cible de critiques concernant l’exercice même de leur métier ; des critiques qu’ils ont de plus en plus de mal à supporter. Ce projet réglementaire intervient comme une ultime provocation pour les agriculteurs. «Il y a deux poids deux mesures», s’est agacé Simon Ammeux, co-président des JA Hauts-de-France : «d’un côté, des associations pénètrent en toute impunité dans les élevages, de l’autre, des syndicalistes qui posent une bâche sur une permanence parlementaire sont sévèrement réprimés».
Activation du principe de précaution
Julien Turenne, le conseiller du Premier ministre, a expliqué que les projets de décret et d’arrêté ont dû être pris suite à une décision du Conseil d’État du 26 juin, enjoignant le gouvernement à prendre des mesures pour l’ensemble des riverains. Jusqu’à présent, il n’existe qu’une réglementation concernant l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables (écoles, maisons de retraite, hôpitaux …). À cela s’ajoute un avis de l’Anses du 14 juin dernier stipulant qu’aucun test de l’impact des pesticides n’a été fait entre 0 et 3 mètres des habitations. Dans le doute, l’Anses conseille au gouvernement de prendre des mesures d’interdictions en deçà d’une distance de 3 mètres. Le gouvernement est donc pris en étau entre des ONG qui demandent l’application d’une distance de 150 mètres, une demande du Conseil d’État de réglementer les distances et un avis de l’Anses invitant à l’application stricte du principe de précaution. C’est donc dans ce contexte que les citoyens sont invités à donner leur avis sur un projet de texte qui ne convient à personne.
Dans le Nord, Édouard Philippe détaille «l’Agenda rural» du gouvernement
Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté, le 20 septembre devant le congrès de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) à Eppe-Sauvage (Nord), «l’Agenda rural» du gouvernement, un programme de 173 mesures en faveur des territoires ruraux. Outre la revitalisation des petites villes, la résorption des zones blanches ou des actions contre les déserts médicaux, le plan aborde également l’agriculture. Ainsi, il prévoit de «renforcer la lutte contre l’artificialisation des sols» dans les territoires ruraux, notamment en améliorant des dispositifs fiscaux pour la rénovation de bâtiments anciens. «Une concertation sur le foncier agricole» menée par le ministre de l’Agriculture est également annoncée «dès cet automne». Autres ambitions : «développer les projets alimentaires territoriaux et les programmes agricoles expérimentaux» ou encore «recruter 200 000 élèves dans les établissements agricoles publics et privés». Issu de propositions formulées par des maires ruraux dans le cadre d’un rapport remis à la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault en juillet dernier, cet «Agenda rural» devrait faire l’objet de comités interministériels dédiés réguliers, le premier, dès 2020.
Le jour même, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA) se sont félicité des annonces du Premier ministre. Les 173 mesures en faveur de la ruralité «répondent à de nombreuses revendications» du syndicalisme majoritaire et constituent «des débuts de réponses». «Elles traduisent désormais des engagements gouvernementaux», qui «doivent maintenant se concrétiser», soulignent les organisations syndicales. Et ces dernières d’ajouter qu’il reste «à assurer une meilleure représentation des territoires ruraux dans toutes les instances électives en introduisant un critère d’espace couvert en plus du critère démographique. La réforme constitutionnelle annoncée devra y pourvoir».
«L’agriculture n’a pas à supporter seule la contrainte», estime Laurent Degenne
Ce projet de texte, pur produit de l’application du principe de précaution, contraint, en l’état, uniquement la production agricole. Mais remettons le débat au bon niveau : ce sont bien les habitations qui sont venues rogner sur les champs et non l’inverse. Si des mesures de protection doivent être prises avec l’ensemble des riverains, comme avec les personnes vulnérables, cela doit être prévu dans les documents d’urbanisme, et assumé par la collectivité. L’agriculture n’a pas à subir encore une nouvelle problématique d’aménagement.
Nous nous sommes fait enfermer dans un stérile combat de distances alors que la question des produits phytosanitaires est bien plus large que cela. L’évolution des pratiques mobilise la recherche, les instituts, les chambres d’agriculture et nos outils économiques. Cela nécessite du temps et de l’accompagnement. Ce n’est pas de la contrainte de distance que les évolutions viendront. Nous avons encore quelques jours pour faire entendre notre voix et participer à la consultation du public. Ne restons pas silencieux : donnons notre avis, massivement !
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