L'Oise Agricole 12 juin 2025 a 07h00 | Par Alix Pénichou

4°C de plus à la ferme, et c’est tout un système qu’il faut adapter

4°C de plus, ça change tout pour les cultures. Lors du salon Innov-agri, le 5 juin à Essigny-le-Grand, un jeune agriculteur témoignait des pratiques qu’il met en place chez lui. Une ingénieure d’Agro-Transfert livrait aussi des leviers d’adaptation.

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- © Mathieu Bonnefon

Depuis qu’il s’est installé il y a quatre ans, la météo n’a pas été tendre avec Victor Boutin, agriculteur à Noyales (02). «Il y a eu deux années particulièrement humides, avec des longues périodes de pluie, et en 2025 on subit de longues périodes sèches…», rappelle-t-il. Cette année, il a pu réaliser des semis de maïs et de betteraves en bonnes conditions, mais le lit de semences a vite séché. Résultat : «des ronds de parcelles mal levés, et une forte pression adventices à cause des désherbages compliqués». Victor le sait, avec le changement climatique, les années «atypiques» deviennent la norme. Il cherche donc à s’adapter.


«Les scientifiques parlent d’un réchauffement de 3°C dans le monde à l’horizon 2100. Cela correspond à une augmentation des températures de + 4°C en France», commente Charlotte Demay-Journel, ingénieure chez Agro-Transfert. À quoi faut-il s’attendre en Hauts-de-France ?
«En moyenne, on prévoit une augmentation de la pluviométrie, mais aussi une augmentation de l’évapotranspiration potentielle des plantes et du sol, donc un bilan hydrique en baisse.» Certaines zones de la région seraient plus ou moins épargnées. «Dans l’Aisne, on prévoit une baisse du bilan hydrique la plus importante.» Charlotte Demay-Journel parle «d’amplification des variations saisonnières», soit beaucoup plus de pluie l’hiver, et beaucoup moins l’été, mais surtout d’une «forte variabilité interannuelle». «S’adapter au changement climatique, c’est s’adapter à une diversité de situations climatiques», résume-t-elle.


Pour cela, Victor a investi avec un voisin dans un semoir à dents de semis direct, qui lui sert dans un premier temps à semer ses couverts. «Pour que le sol gagne en résilience, il faut favoriser le taux de matière organique. Un des leviers est la couverture du sol. Je cherche à avoir un maximum de biomasse.» Le jeune agriculteur va aussi investir dans un nouveau semoir monograine. «Les semis de printemps sont les plus délicats. Je veux pouvoir semer plus profond, pour aller chercher l’humidité et réussir la levée de la culture.» Il n’hésite pas à changer l’assolement lorsque les conditions de l’année ne permettent pas de respecter le plan initial. «L’année dernière, je n’ai pu entrer dans une parcelle de fond de vallée qu’en juillet, à cause du mauvais ressuyage. Au lieu du maïs, j’ai semé du sorgho. La récolte était satisfaisante, mais la valeur fourragère ne vaut cependant pas celle d’un maïs», regrette-t-il néanmoins.
Charlotte Demay-Journel pointe d’autres leviers d’adaptation. Le choix des variétés peut, par exemple, répondre à la réduction de la disponibilité en eau. «On va opter pour la précocité pour esquiver la période sèche, ou pour des variétés tolérantes, pour des mélanges afin de réduire le risque…» La conduite de la culture est aussi à réfléchir. «Le pois de conserve, par exemple, subit mieux la sécheresse lorsqu’il est semé tôt.» Le choix des cultures est un autre levier, en optant pour des cultures d’hiver déjà bien implantées au printemps, des cultures de printemps plus tolérantes, et une diversification de l’assolement. «Il faut avoir la capacité de mettre cela en place, car ça implique une charge de travail supplémentaire», en convient l’ingénieure.


ACS, le modèle à suivre ?
Pour optimiser la disponibilité en eau cette fois, le pilotage de l’irrigation est indispensable. Charlotte Demay-Journel parle de d’efficience, de stratégie de répartition… «Mais l’irrigation dépend du volume d’eau qui est accordé, et lorsque les niveaux des nappes sont jugés insuffisants, des restrictions sont imposées.» Un travail est donc nécessaire sur la maximisation de la réserve utile. «Les techniques doivent favoriser l’infiltration et le stockage de l’eau dans le sol.» Réduction du travail du sol, couverture et augmentation de la matière organiques en sont les clés. «Je prône le modèle de l’ACS (agriculture de conservation), me direz-vous ?
Je sais pourtant qu’il n’y a pas de modèle miracle. L’ACS comporte son lot de problématiques, comme la gestion des adventices, des ravageurs, ou les difficultés de mise en place avec les cultures industrielles», avoue l’ingénieure. À chaque ferme ses pratiques les plus adaptées, et les moins contraignantes.

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