L'Oise Agricole 10 octobre 2024 a 08h00 | Par Pierre Poulain

Accompagner le développement agricole

Début octobre, Laurence Nourtier, agricultrice retraitée de l'Oise, a accueilli Djasrangar Djamadjibeye, agronome tchadien, qui coordonne les actions de l'Afdi pour le développement d'une économie agricole résiliente dans l'un des pays les plus pauvres de la planète.

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L'Afdi, avec son partenaire Aprofika, apprend aux femmes à créer des produits comme du savon et de l'huile à partir de karité qu'elles récoltent.
L'Afdi, avec son partenaire Aprofika, apprend aux femmes à créer des produits comme du savon et de l'huile à partir de karité qu'elles récoltent. - © Afdi

Depuis plus de 15 ans, Laurence Nourtier, agricultrice à Monneville dans l'Oise (60), est membre de l'Afdi (Agriculteurs français et développement international), une association de solidarité internationale qui s'emploie à accompagner les organisations paysannes dans leur lutte contre la pauvreté. «Elle a été créée par toutes les organisations professionnelles pour intervenir dans le développement agricole*, raconte-t-elle. Nous intervenons principalement en Afrique, mais aussi en Asie.»

«L'or des femmes»

Avec l'Afdi Hauts-de-France, elle accueille Djasrangar Djamadjibeye, chargé de mission au Tchad, où l'association a développé un partenariat avec l'Aprofika, une organisation paysanne essentiellement féminine. Là-bas, ce sont les femmes qui, traditionnellement, ramassent les noix de karité, appelé aussi «l'or des femmes», qu'elles revendent ensuite. «Une de ces femmes a eu un jour l'opportunité de se rendre au Burkina-Faso, où elle a appris à transformer le karité en pommade. Aujourd'hui, les Tchadiennes valorisent leur récolte non seulement en pommade, mais aussi en savon et en beurre de karité, ce qui leur rapporte plus d'argent.» L'Afdi leur apporte de quoi se professionnaliser davantage, à travers des formations et des conseils en gestion de l'exploitation familiale.

Un des pays les plus pauvres du monde

Avec un produit intérieur brut s'élevant à environ 11,5 milliards de dollars et un PIB par habitant de 1,668 dollars selon la Banque mondiale, cette ancienne colonie française (jusqu'en 1960) est l'un des pays les plus pauvres du monde. «Les filles y sont peu scolarisées et le métier d'agriculteur y est très peu reconnu, intervient Djasrangar Djamadjibeye. Le statut n'existe pas. On ne peut pas indiquer la profession d'agriculteur lorsqu'on remplit des documents officiels. C'est une activité informelle.» Pourtant, 80 % de la population dépend de l'agriculture vivrière et de l'élevage. «Nous participons à un programme d'alphabétisation des femmes en milieu rural et travaillons avec les institutions locales à faire reconnaître le métier d'agriculteur», poursuit-il. «C'est là qu'on se rend compte de la chance que l'on a, en France, d'avoir des institutions comme la Fédé, les Chambres d'agriculture, la MSA, etc. pour faire valoir nos intérêts. Rien de tout ça n'existe au Tchad  !», souligne Laurence Nourtier.

Agronome et lui-même fermier, Djasrangar Djamadjibeye coordonne les activités de l'Afdi dans les provinces du Mandoul et du Logone Oriental, à l'extrême Sud du pays. «L'agriculture tchadienne est familiale, pas plus d'un ou deux hectares par ferme.» Il prodigue des conseils pour améliorer les rendements, les techniques et pour une meilleure gestion «en gardant la même superficie. Faire venir des tracteurs n'a pas vraiment de sens : il n'y a pas de conducteur, pas de remorque, le sol n'est pas adapté. Mais on peut questionner la manière de réaliser les semis, qui se font à la volée et non en ligne, faute de temps.» Bref, un accompagnement dans la maîtrise des connaissances agronomiques, la rotation des cultures, la recherche de débouchés et l'adaptation au changement climatique. Reste à pouvoir protéger ces cultures, régulièrement victimes de la transhumance du bétail du nord au sud.

Le succès des programmes d'alphabétisation et de formations permet à l'Afdi de profiter de fonds européens pour développer des projets comme la fabrication de farines enrichies «pour répondre au problème de malnutrition en concevant des bouillies pour les enfants, les personnes âgées, les populations locales et les réfugiés. L'objectif est de faire prendre un essor à la filière.» Un travail dans le dialogue, c'est en tout cas le leitmotiv des deux engagés. «En accueillant et en discutant avec les paysans, on échange beaucoup d'idées et chacun apprend de l'autre. Les femmes du karité ont pu visiter une savonnerie et ont adapté les techniques qu'elles ont vues : elles coupent leurs savons en quatre à l'aide de cordes de guitare. Je signale d'ailleurs que je récupère toutes cordes disponibles  !»

* Créée par l'APCA (Chambres d'agriculture France), la CNMCCA (Confédération nationale de la mutualité, du crédit et de la coopération agricoles), la FNSEA et JA.

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