L'Oise Agricole 13 novembre 2025 a 10h00 | Par Vincent Fermon

Accord UE-Mercosur : le discours brésilien de Macron sème la pagaille

En marge du sommet des chefs d'État précédant la Cop30 au Brésil, Emmanuel Macron s'estimait «plutôt positif» à l'idée de valider le traité de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, tout en assurant rester « vigilant ». Mercredi 12 novembre, depuis Toulouse, le chef de l'État a précisé son propos.

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Discours du président Emmanuel Macron à la Cop30 de Belém, au Brésil.
Discours du président Emmanuel Macron à la Cop30 de Belém, au Brésil. - © Capture d'écran

C'est un feuilleton qui n'en finit pas, et dont on ne connait pas, à l'heure qu'il est, la chute. Jeudi 6 novembre, en marge du sommet des chefs d'État précédant la Cop30 au Brésil, le président de la République française, Em-manuel Macron, estime que «les demandes françaises ont été entendues» par la Commission européenne vis-à-vis du projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur. Pour le président français, cela ne fait aucun doute : «Nous avons été entendus par la Commission qui, non seule-ment nous a donné une réponse positive sur les clauses de sauve-garde, mais a souhaité aussi apporter des soutiens, en particulier au secteur de l'élevage.» Ces garanties portent notamment sur le renforcement des protections du marché intérieur et sur un durcissement de l'union douanière, afin de limiter la concurrence jugée déloyale des importations sud-américaines. À partir de ce constat, Emmanuel Macron déclare, depuis le Brésil, être «plu-tôt positif» à ce que l'accord soit validé par les États-membres de l'Union européenne, dont la France. «J'ai été cohérent de-puis le début», a assuré le chef de l'État, rappelant avoir toujours conditionné son feu vert à la ré-vision du texte. Si les clauses de sauvegarde promises sont effec-tivement intégrées, «cet accord peut être acceptable», a-t-il ajouté.

Des garanties encore à finaliser à Bruxelles

Néanmoins, les choses ne semblent pas si simples. Emmanuel Macron est-il allé trop vite dans ses déclarations ? Selon Le Figaro, la Commission européenne doit en effet encore mener, «dans les semaines qui viennent», un travail avec le Mercosur pour finaliser ces garanties avant toute adoption. Signé fin 2024, après plus de vingt ans de négociations, l'accord vise à libéraliser les échanges commerciaux entre l'Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Adopté par la Commission européenne le 3 septembre 2025, il doit désormais être ratifié par les 27 États membres. En France, le texte sus-cite une opposition persistante, notamment du monde agricole, qui redoute une mise en concurrence directe avec des produits sud-américains ne respectant pas les mêmes normes environne-mentales et sanitaires.

Lula et von der Leyen pressent pour signer

D'après nos confrères de 20 Minutes, la présidence brésilienne a indiqué mercredi 5 novembre, à l'issue d'une rencontre entre Lula et Ursula von der Leyen, que les deux dirigeants étaient «dis-posés à signer» l'accord lors du prochain sommet du Mercosur prévu le 20 décembre à Rio de Janeiro. Un signal politique fort, qui pourrait marquer la fin de plus de deux décennies de blocages. Mais du côté des exploitants français, on ne l'entend pas de cette oreille. Suite aux propos d'Emmanuel Macron depuis le Brésil, des appels à manifester ont été lancés partout dans le pays pour dénoncer les conditions de l'accord UE-Mercosur. Dans leurs revendications, les organisations syndicales agricoles demandent que les promesses de clauses de sauvegarde devront se traduire en actes concrets, notamment pour garantir des conditions de production équitables face aux filières sud-américaines.

Vigilance et scepticisme dans les campagnes

En déplacement en Côte-d'Or, vendredi 7 novembre, la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, donnait le sentiment de s'affranchir des propos tenus par le chef de l'État. Malgré les déclarations d'Emmanuel Macron depuis le Brésil, la ministre estime que les garanties obtenues pour protéger les filières agricoles françaises restaient insuffisantes. «Le compte n'y est pas», a-t-elle tranché lors d'une visite consacrée aux alternatives aux produits phytosanitaires. «Le projet signé il y a un an à Montevideo n'était pas acceptable, et il ne l'est toujours pas en l'état», a-t-elle insisté, rap-pelant que l'accord constitue «le plus gros projet de libre-échange jamais conclu entre l'UE et des pays tiers».

La ministre rappelait que les secteurs particulièrement exposés sont le boeuf, la volaille, le sucre et l'éthanol ; autant de productions qui pourraient subir de plein fouet une concurrence déloyale de produits importés à bas coût, ne respectant pas les mêmes normes sanitaires et environne-mentales que celles imposées aux agriculteurs européens.

Demande d'exigence

«Nos éleveurs ne peuvent pas se battre à armes égales avec des produits issus de systèmes où les contraintes sont moindres. Nous avons une responsabilité de cohérence et d'équité», a-t-elle martelé devant les acteurs agricoles locaux. Annie Genevard plaide pour trois correctifs majeurs à cet accord : une clause de sauvegarde pour protéger les marchés européens en cas de perturbation liée aux importations massives ; des mesures miroirs, afin d'imposer aux producteurs du Mercosur les mêmes exigences que celles des agriculteurs européens, notamment en matière de bien-être animal et de produits phytosanitaires ; et enfin, une véritable force de contrôle, chargée de vérifier la conformité des produits importés aux règles de l'accord. «Ce n'est pas une position de fermeture, précise-t-elle. Mais s'il y a un moment où il faut être exigeant, c'est bien maintenant.» Quelques heures avant ces déclarations, la ministre avait déjà pris position sur le réseau X, réagissant aux propos du président Emmanuel Macron en déplace-ment au Brésil.

Enthousiasme atténué

Le 12 novembre, à Toulouse, c'est pourtant à cette même ministre qu'est revenu la responsabilité de traduire la pensée présidentielle. Entre le discours de Bélem (Brésil) et Toulouse, il semblerait que le discours ait changé et que l'enthousiasme présidentiel se soit atténué. Mercredi après-midi, Emmanuel Macron aurait en effet assuré, par la voix de la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, que «la France ne peut pas valider à ce stade parce que ce pro-jet d'accord ne protège pas nos agriculteurs». Toujours selon la ministre, cité par nos confrères de La Dépêche, le président de la République «a été extrêmement clair pour dire que le projet d'accord tel qu'il existe aujourd'hui recueillera un "non" très ferme de la France».

Alors que les agriculteurs demandaient des «engagements clairs», Annie Genevard a expliqué que «tout est en devenir : nous attendons des garanties de la commission européenne pour déterminer comment fonctionnerait une clause de sauvegarde, comment elle s'appliquerait efficacement. Deuxièmement, il faut des me-sures miroirs. Les agriculteurs et les consommateurs ne peuvent pas accepter d'importer des productions et de l'alimentation qui ne respectent pas les règles qu'on impose à nos producteurs. Enfin, il faut des contrôles des pays exportateurs et aux frontières de l'Europe. À date, ces conditions ne sont pas remplies.»

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