Brexit: marché alimentaire perturbé
Le centre de recherches en économie RaboResearch a présenté fin mars un rapport dédié au futur du secteur alimentaire au Royaume-Uni post-Brexit.

47,5 livres de produits alimentaires et agricoles sont importés au Royaume-Uni chaque année, soit 60% de l’alimentation des Britanniques, ce qui en fait un pays très dépendant, et surtout de l’Union européenne puisqu’elle lui fournit 71% de ses importations. A cela s’ajoutent 17 de travailleurs immigrés, dont 7% d’Européens. Cette proportion d’étrangers atteint jusqu’à 41% dans l’industrie alimentaire.
Dépendant de l’Union européenne en ce qui concerne son approvisionnement en nourriture et en main-d’oeuvre, le Royaume-Uni l’est aussi à l’égard du reste du monde, et en particulier de l’OMC, avec qui il doit, dans un premier temps, définir le calendrier auquel devront être pris les futurs accords en matière de taxes douanières.
Reviendra ensuite au gouvernement de Theresa May (Première ministre britannique) de développer sa propre politique commerciale. Les taxes douanières pesant sur les secteurs alimentaire et agricole étant assez élevées, leur négociation est particulièrement sensible et s’ajustera en fonction de trois variables : la clause de la nation la plus favorisée (NPF), qui sera appliquée aux échanges entre Union européenne et Royaume-Uni, le potentiel à remplacer les importations européennes par la production britannique et la possibilité à substituer de nouveaux partenaires aux clients européens.
Trois scenarii pour un accord
Quel Brexit ? RaboResarch a imaginé trois issues extrêmes, dont la solution réside probablement, néanmoins, en leur combinaison. La première option consiste à geler les flux commerciaux actuels. Ainsi, les quotas de libre-échange seraient réservés temporairement aux échanges actuels tandis que tout nouveau mouvement commercial se verrait imposer des taxes supplémentaires. Les agriculteurs britanniques pourraient sortir gagnants de ce scénario, en bénéficiant d’une livre dévaluée et d’une croissance britannique dopée.
Le rapport estime, en effet, que la dévaluation de 1% de la livre correspond à une hausse de cent millions d’euros de valeur ajoutée à l’agriculture britannique. Une dévaluation de 15% étant attendue, les agriculteurs peuvent tabler sur un gain de quinze milliards d’euros à la valeur de leur production. Néanmoins, le remplacement encore incertain des 3,2 milliards alloués par la Pac laisse peser un sérieux doute sur les exploitants britanniques.
D’autre part, les secteurs dont la croissance est tributaire des échanges internationaux seraient profondément fragilisés. La deuxième perspective envisagée par RaboResearch est le protectionnisme. Les quotas de libre-échange seraient drastiquement réduits et de nouvelles taxes douanières apparaîtraient parallèlement. Les agriculteurs pourraient également être favorisés, car héritant du bénéfice d’une plus grande protection face aux importations.
De l’autre côté de la balance, les grands perdants seraient les pays européens qui se priveraient d’un débouché de taille, perte partagée par les exportateurs britanniques, l’industrie alimentaire outre-Manche, mais aussi les consommateurs anglais qui verraient leur pouvoir d’achat baisser en raison de l’inflation de l’alimentation combinée à une dévaluation de la monnaie et à une hausse des prix.
Troisième régime possible : «The Great Global Britain Scenario», c’est-à-dire le libre-échange, dont les principaux bénéficiaires deviendraient les consommateurs britanniques ainsi que leur industrie alimentaire, tandis que les pays non-européens se trouveraient également favorisés. Le revers reviendrait, par contre, aux agriculteurs anglais et aux exportateurs européens, alors exposés à une compétition accrue sur le marché britannique.
Conséquences sur les productions
Fruits, légumes, fleurs et huile d’olive continueront de cheviller le Royaume-Uni à l’Union européenne, puisqu’ils n’ont pas de fournisseurs alternatifs. Néanmoins, l’apparition de taxes nouvelles, notamment en cas de scénario protectionniste, générerait une augmentation des prix et aurait donc un impact négatif sur la consommation.
Quant au lait, à la viande ou encore aux pommes de terre surgelées, ils sont largement importés. Actuellement, la plupart sont fournis par les pays européens, comme c’est le cas pour quasiment 100 % des produits laitiers et de la viande de porc importés. L’hypothèse protectionniste verrait les importations en provenance de l’Union européenne chuter au profit des non-Européens, qui pourraient réaliser des profits à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau marché.
Le Royaume-Uni s’éviterait, par exemple, de payer des taxes à deux reprises sur les produits exotiques en contournant l’Union européenne, point de transbordement, et en devenant le nouveau client direct des pays tiers. D’autre part, le scénario libre-échangiste mettrait l’Europe et les autres pays en compétition, les tarifs préférentiels cessant d’exister.
Enfin, les taxes douanières étant appliquées à la fois sur les matières premières, les produits semi- transformés et transformés, le Royaume-Uni post-Brexit aura tout intérêt à assembler ces produits sur son territoire, et non plus dans les pays de l’Union européenne. Se posera alors le problème de la main-d’oeuvre, car les travailleurs européens risquent d’être découragés devant les nouvelles démarches administratives exhaustives couplées à la baisse des salaires, conséquence elle-même de la dévaluation de la livre.
L’agriculture rencontrera également des problèmes de valorisation puisque la réduction de ses débouchés rendra ses produits à la fois plus chers et plus difficiles à vendre.
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