Entre inquiétudes internationales et blocages locaux, le dialogue s’installe à Salency
C’est dans un contexte de tensions agricoles persistantes que le préfet de l’Oise, Jean-Marie Caillaud, s’est rendu sur l’exploitation d’Éric Labarre, agriculteur à Salency. L’objectif de cette visite de terrain était double : présenter la réalité d’une ferme typique du Noyonnais et mettre sur la table les dossiers brûlants, des accords du Mercosur à l’entretien des cours d’eau.

En accueillant les représentants de l’État, Éric Labarre a tenu à présenter une exploitation de polyculture-élevage qu’il juge représentative du secteur, mais dont l’équilibre est menacé par les échanges commerciaux internationaux. L’exploitant a alerté sur les conséquences directes des accords européens, notamment avec l’Ukraine, et les craintes liées à la signature potentielle du traité avec le Mercosur. Les chiffres avancés pour la filière sucre sont particulièrement alarmants. Pour les producteurs liés à Saint-Louis, les perspectives sont sombres : après une baisse de volume de 15 % en 2025, une nouvelle réduction de 25 % est demandée pour 2026, accompagnée d'une chute drastique des prix, inférieurs de 20 euros par rapport à 2023.
Côté élevage, si une certaine dynamique des prix est observée actuellement, l'exploitant refuse de «s'emballer». Il rappelle une réalité biologique simple, mais implacable : «Une vache ne fait qu’un veau par an. Pour l'instant, seule une naissance a été valorisée à un prix rémunérateur». La crainte majeure réside dans l'ouverture potentielle des marchés à la viande sud-américaine via l'accord du Mercosur. «Demain, avec l'ouverture à l'importation, on ne sait pas si les cours tiendront», s'inquiète-t-il, redoutant que l'élevage ne subisse le même sort que les filières sucre ou céréales.
L’épineuse question de l'eau et des normes
Au-delà des enjeux macro-économiques, la visite s’est concentrée sur des problématiques locales très concrètes, symbolisées par l’inspection d’un cours d’eau non entretenu depuis plus de 20 ans. Pour les agriculteurs riverains, cette situation est devenue ingérable. «Le blocage n'est pas technique, mais administratif et psychologique». Selon Éric Labarre, ce n'est pas tant l'interdiction stricte qui fige la situation, mais «la peur de mal faire, la peur du contrôle et la peur de la sanction» face à une réglementation environnementale complexe. Dans cette zone du Pays des Sources, caractérisée par des sols drainés, l'entretien des fossés est pourtant crucial pour limiter le ruissellement et l'érosion.
L'impact du futur Canal Seine-Nord a également été évoqué. Les travaux à venir soulèvent des questions cruciales sur l'aménagement foncier, notamment le déplacement des prairies et la gestion des droits à paiement de la Pac durant les phases de travaux et de restitution des terres. «Un exploitant qui apporte des prairies dans l’aménagement foncier doit en récupérer autant, mais celui qui n’en apporte pas doit pouvoir, si on lui en attribue, pouvoir les retourner, par principe d’équité et malgré les interdictions pour cause d’aire d’alimentation de captage, de zone humide ou de pente à 7 %» a précisé Régis Bourlon, élu FDSEA. Hors aménagement foncier agricole, forestier et environnemental (Afafe), la DDT a été alerté sur les problèmes d’instruction : délai de réponse administrative, zone humide, effet cumul etc. Une rencontre aura lieu prochainement pour étudier ces situations.
Face à ces constats, le préfet de l'Oise a délivré un message de soutien, affirmant que «l'État a conscience des difficultés du monde agricole». Le représentant de l'État a tenu à distinguer deux niveaux d'action. D'une part, les négociations internationales (comme le Mercosur), qui dépassent le cadre territorial, bien qu'il ait rappelé les assurances du Président de la République sur l'exigence de la France dans ces discussions. D'autre part, les sujets du quotidien où la préfecture dispose de leviers concrets, notamment sur la gestion de l'eau. Le préfet reconnaît que «la loi n'est pas toujours simple» et a annoncé une rencontre avec le directeur régional de l’OFB (Office français de la biodiversité). L'objectif est d'étudier les cas de blocage pour permettre aux agriculteurs de réaliser l'entretien nécessaire (curage, écoulement naturel) tout en respectant la réglementation. «Je souhaite que l'administration puisse rendre service pour permettre aux agriculteurs de vivre».
Un optimisme prudent sur le terrain
À l'issue de la visite, le sentiment d'Éric Labarre reste mitigé, mais constructif. Il salue des mots «encourageants» de la part du préfet et du directeur de la DDT, ainsi qu'une «oreille attentive».
Cependant, l'agriculteur garde en mémoire les promesses passées non tenues. Il évoque l'Arlésienne des dossiers cours d'eau, rappelant qu'une charte signée il y a dix ans n'avait pas convaincu le terrain. «On veut aujourd'hui des choses concrètes. Il faut que les paroles se traduisent dans les faits maintenant», a-t-il conclu.
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