Des conséquences en cascade pour l'agriculture française
Quatre interprofessions (de la viande bovine, de la volaille, de la betterave-sucre et des céréales) se sont mobilisées pour justifier leur opposition « ferme » à l'accord avec le Mercosur. Elles bénéficient d'un large soutien politique.
La mobilisation des filières agricoles et alimentaires françaises contre la conclusion de l'accord UE-Mercosur est montée d'un cran ces derniers jours. Mercredi 13 novembre, quatre interprofessions (Interbev pour la viande bovine, Anvol pour la volaille, l'AIBS pour la betterave-sucre et Intercéréales) sont intervenues publiquement dans le débat pour détailler les raisons de leur opposition et lancer un appel à la «fermeté» au président de la République et au gouvernement, à quelques jours du G20 lors duquel le sujet devait être débattu.
Leur rejet de l'accord s'appuie d'abord sur des considérations économiques. «Pour résumer, les conséquences sont désastreuses pour l'agriculture française et les compensations proches de zéro», a estimé Jean-Michel Schaeffer, le président d'Anvol. En matière de volaille, le texte prévoit ainsi un contingent d'importation supplémentaire du Mercosur de 180.000 t à droit de douane réduit ou nul. «Or, la volaille est aujourd'hui la viande la plus importée par l'UE (presque 1Mt) dont 400.000 t viennent déjà du Brésil. En outre, nous faisons venir essentiellement des filets de poulet, les pièces les mieux valorisées et que l'on retrouve sur les marchés en croissance que sont les produits élaborés et la restauration hors domicile. C'est se tirer une balle dans le pied».
Le secteur de la viande bovine craint également des répercussions en chaine. «Le contingent supplémentaire de 99.000 tonnes accordé au Mercosur viendra doubler les volumes d'aloyaux (là encore, la partie de l'animal la mieux valorisée, Ndlr) importés aujourd'hui de cette zone», a déploré Patrick Bénézit, président de la FNB, au nom d'Interbev. «Sachant que l'on produit seulement 400.000 t d'aloyaux du cheptel allaitant chaque année en Europe, le risque de déstabilisation est bien réel, autant pour les éleveurs que pour le reste de la filière».
La filière sucre a également dénoncé la portée des 190.000 tonnes de sucre à droit nul et les 8,2 Mhl d'éthanol à droit réduit ou nul accordé aux sud-américains. «Concernant le sucre, il sera importé par les bassins déficitaires d'Europe du sud (Espagne, Portugal et Italie) qui sont précisément les clients de la France», observe Alain Carré, président de l'AIBS. «Ça ne répond aucunement à un besoin de l'Union européenne qui est un marché mature et stable.» Quant aux concessions faites à l'éthanol, «on ne s'y prendrait pas mieux pour tuer cette industrie», a-t-il lâché.
Des critères sanitaires divergents
Enfin, la filière maïs s'inquiète du contrecoup du contingent supplémentaire de 1Mt de maïs accordé au Mercosur. Un boulevard offert au Brésil, qui exporte déjà entre 6 et 7Mt sur le continent européen, et porteur d'un accroissement de la dépendance de l'UE, naguère autosuffisante et désormais importatrice de 25 % de ses besoins.
«Accepter cet accord, c'est menacer nos emplois sur nos territoires», a pointé Franck Laborde, le président de l'AGPM. Le représentant d'Intercéréales a notamment fait remarquer que toute l'économie du premier employeur des Landes (Ndlr ; Maïsadour) «est organisée autour du maïs, du maïs grain à la volaille et aux canards, en passant par le maïs amidon et le maïs semences».
La concurrence induite par l'accord du Mercosur est en outre déloyale du point de vue sanitaire et environnemental et expose les consommateurs européens à des produits ne respectant pas les règles ayant cours au sein de l'UE. En volaille comme en production bovine, les antibiotiques activateurs de croissance sont utilisés dans le Mercosur alors qu'ils sont interdits en Europe depuis 2006.
Pour sa production de canne à sucre, le Brésil dispose d'au moins 40 substances actives interdites dans l'UE, «dont au moins 20 herbicides, 13 insecticides et 7 fongicides», relève Alain Carré, président de l'AIBS.
Enfin, «près de 80 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil pour la culture du maïs sont interdits en France et plus de 90 % du maïs brésilien est OGM», note Franck Laborde, d'Intercéréales.
Tous ces éléments conduisent les filières agricoles françaises à exhorter le gouvernement français « à tout mettre en oeuvre pour empêcher la signature de l'accord en utilisant le droit de véto dont elle dispose au Conseil de l'UE » et à imposer des clauses-miroirs dans les accords existants.
«C'est un accord d'un autre temps, négocié au siècle dernier», a souligné Patrick Bénézit, pour Interbev. «Depuis, l'Europe a construit un modèle d'agriculture durable qui n'est pas comparable avec celui en vigueur dans les pays du Mercosur».
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