Des raisons d'être optimistes pour la production de betteraves
La conférence annuelle de la CGB Oise du 9 juin a posé les bases d'un contexte plutôt favorable, après le choc de l'arrêt des quotas de 2017 et l'impact de la jaunisse en 2020.
Alexis Hache, le président, ne s'y est pas trompé en mettant en avant, dans le rapport d'activité 2021, les élections Saint Louis Sucre à venir au sein de la commission interprofessionnelle et de la commission de répartition de la valeur (CRV). «Les planteurs doivent plus que jamais s'impliquer dans la défense de leurs intérêts, particulièrement avec la nomination du nouveau ministre de l'Agriculture et les dernières discussions sur la Pac 2023. De même, dans l'attente de solutions contre la jaunisse, nous devrons obtenir une nouvelle dérogation pour les néonicotinoïdes. La mobilisation est nécessaire si nous voulons endiguer la baisse des surfaces et c'est sûr que le prix payé sera déterminant et qu'il faudra de la flexibilité car des planteurs doivent s'engager en cette fin d'année auprès de leur industriel coopératif et ils ne le feront que si les perspectives sont bonnes», plaide-t-il.
Planètes alignées ?
De ce point de vue, François Thaury, d'Agritel, dépeignait un contexte particulièrement tendu sur les matières premières agricoles (MPA) suite à la crise Covid et la guerre en Ukraine. Non seulement les prix ont fortement augmenté suite à un renchérissement de la demande et une rupture des chaînes de production/logistique, mais, en plus, l'Euro a perdu de la valeur par rapport au dollar, redevenu valeur refuge en ces périodes troublées. Le risque de pénurie alimentaire est là, tout comme la spirale prix-salaires.
Conséquences : les prix des MPA se sont envolés. Les céréales bloquées dans les silos ukrainiens, les mauvaises récoltes suite au dérèglement climatique, le cours des engrais azotés font craindre une moindre disponibilité sur les marchés. Les cours du sucre sur le marché mondial ont fortement progressé en raison du déficit de la balance mondiale.
Deux saisons de deficit d'affilée ont permis une remontée des prix salutaire pour les producteurs. Bien que depuis 2018, la balance mondiale tend à s'équilibrer. Le marché retrouve un élan haussier aussi, en raison de la flambée des cours des carburants qui entraine l'ethanol dans son sillage.
Le poids de la Russie et de l'Ukraine sur le marché du sucre n'est pas dominant et n'a donc qu'une influence indirecte. François Thaury fait l'hypothèse que le contexte doit inciter les sucriers à rémunérer la betterave correctement, sous peine de voir la filière disparaître. «La variable d'ajustement ne peut plus être le prix payé aux planteurs.» Selon Alexis Hache, si on se base sur le seul marché du sucre, la hausse du prix des betteraves devient obligatoire.
Exactement le message de la CGB qui s'inquiète aussi du Green Deal qui pourrait entraîner une forte baisse de production, une surproduction en bio et une perte de sécurité alimentaire notamment. Des arbitrages doivent encore être pris, par exemple sur la BCAE 8 (4 % de jachère), pour lesquels les grandes organisations syndicales (AGPB, AGPM, CGB et Fop, relayés par la FNSEA) poussent ensemble fortement.
Dossier jaunisse
Avec seulement 1.000 jours pour trouver une solution alternative à l'utilisation des NNI tout en gardant poids des racines et richesse en sucre, le challenge est relevé. Laurent Boisroux, directeur agronomie chez le semencier Deleplanque, faisait un point sur l'avancée des travaux. Il semble relativement optimiste sur la possibilité de mettre au point des variétés de betteraves tolérantes à la jaunisse. Mais le parcours est semé d'embûches. «Il a d'abord fallu mettre au point une méthode d'élevage de pucerons Myzus Persicae, leur inoculer les virus de la jaunisse, et identifier les betteraves tolérantes», détaille-t-il. Le semencier est allé chercher une grande variabilité génétique dans le genre Beta pour repérer les gènes de résistance, et notamment chez Beta maritima, une betterave sauvage très répandue sur les côtes. 50 génotypes sont testés en 2022, notés et «des solutions devraient être apportées en 2024, avec des betteraves qui résistent à la jaunisse, avec des pertes de rendement et de richesse tout à fait supportables.»
Le projet PNRI combine recherche génétique mais aussi d'autres pistes sur la conduite de la culture avec des aspects biologiques et agro-écologiques qui concernent des partenaires comme l'ITB ou l'Inrae. «2022 sera cruciale, nous verrons si nos solutions sont applicables ou pas», conclut Laurent Boisroux. En attendant, il faudra obtenir une année supplémentaire de dérogation NNI, comme le rappelait Jean-Philippe Garnot, secrétaire général de la CGB. De même, les successions culturales exigées dans la dérogation ne sont plus réalistes et la CGB devra se battre sur ce point. En ce qui concerne le prix, l'élu national appelle la transparence nécessaire entre celui de la betterave, de la pulpe destinée à l'élevage ou à la méthanisation, «afin que chacun y trouve son compte.» Enfin, Alexis Hache pense que la filière est à la croisée des chemins : le contexte géopolitique, la nouvelle Pac, la hausse des coûts de production, les solutions espérées contre la jaunisse doivent inciter les industriels à des annonces de prix encourageantes et à accepter une flexibilité dans les contrats qu'ils proposeront à ceux qui arrivent à terme. «Sans quoi les planteurs ne pourront pas accepter de prendre tous les risques.» À bon entendeur.
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