L'Oise Agricole 06 juin 2022 a 09h00 | Par Sophie Wieruszeki

Les différentes protéines végétales dans les Hauts-de-France

Les protéagineux ont de nombreux avantages. Entre fixation de l’azote par leur activité symbiotique avec les bactéries du genre rhizobium leguminosarum, diversification des cultures et augmentation de la biodiversité de par la production de nectar attirant pollinisateurs et auxiliaires de cultures, leurs atouts agronomiques ne sont plus à démontrer.

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- © Reussir

Selon l’étude Agribalyse de l’Ademe, les surfaces de protéagineux ont une empreinte plus faible que le blé, notamment grâce à l’absence de fertilisation azotée. Un hectare de culture de pois, féverole, soja ou lupin émet 70 % de gaz à effet de serre (GES) de moins qu’un hectare de blé, soit 2,2 t équivalent CO2. De plus, elles sont moins consommatrice d’énergie fossile. Un hectare de pois, de féverole et de lupin consomme respectivement - 46 %, - 58 % et - 68 % qu’un hectare de blé. Seul le soja est plus énergivore avec - 13 % de consommation d’énergie par rapport au blé car la sole de soja est majoritairement irriguée.

Malgré ces atouts et l’appui des politiques publiques et de la société, les protéagineux souffrent de leur manque de compétitivité et de productivité par rapports aux autres familles de cultures.

C’est pourquoi, depuis le début des années 2000, les surfaces de protéagineux dans les Hauts-de-France ont été divisées par 3, atteignant 22.115 ha en 2019 contre 1.062.000 ha pour les céréales et 142.500 ha pour les oléagineux.

Dans l’objectif de produire des références et accompagner les agriculteurs dans leurs pratiques, les Chambres d’agriculture Hauts-de-France ont maintenu le nombre d’essais sur ces cultures depuis plus d’une dizaine d’année. Les premiers essais sur la lentille, le soja et le lupin ont été mis en place en 2003 pour être repris dans les années 2010, sur le site de Catenoy sur les thèmes de l’évaluation variétale et de l’adaptation de l’itinéraire technique.

Les pois de printemps et d’hiver

Les pois sont la culture historique de la région. Ils sont un bon précédent et facilitent l’implantation sans labour du fait de la précocité de la récolte, du peu de paille et de la bonne structuration par leur système racinaire pivotant.

Le point d’attention de cette culture est le risque d’Aphanomyces euteiches, cette pourriture grise des racines est très préjudiciable pour la culture.

En pluriannuel, la moyenne de rendement est de 45 q, ce qui correspond à la moyenne française, mais inférieure à l’objectif de rendement de 55 q attendu dans les conditions de limon profond.

Les variations de rendement sont importantes, dues principalement aux conditions climatiques et aux dégâts de pigeons.

Dans un contexte de changement de climatique et notamment de l’augmentation de la fréquence des épisodes de sécheresse et d’excès d’eau, une stratégie d’évitement pourrait être le choix de cultiver le pois d’hiver.

Le pois d’hiver présente les avantages suivants :

- être moins sensible que le pois de printemps au stress hydrique au moment de la floraison

- ne pas être impacter par les dégâts de ravageurs notamment aux corvidés

- permettre de désherber efficacement en cas de problématique graminées

- faciliter le calendrier de travail car les périodes de son semis et de sa récolte.

La sélection variétale actuelle permet d’allier résistante au gel pouvant aller jusqu’à - 18°C, hauteur à la récolte et productivité.

La campagne 2020-2021 a été favorable à cette culture : pas d’excès d’eau à la levée, pas de gel sur le site de Catenoy, bonnes conditions pour le développement et pas de maladie.

Vu le secteur précoce, l’essai a pu être récolté avant les précipitations du mois de juillet et les rendements sont élevés, comparé aux situations catastrophiques de la majorité des parcelles d’agriculteurs.

Les féveroles de printemps et d’hiver

Comme pour le pois, la féverole est une culture historique dans la région, même si elle a quasiment disparu du fait de rendements trop faibles et notamment du problème de bruches à la récolte.

Cette culture a l’avantage d’être tolérante à l’Aphanomycès.

La moyenne pluriannuelle dans nos essais est de 33 q, ce qui est honorable, mais les variations sont très importantes dues à 100 % aux conditions climatiques : sécheresse ou température importante qui a entraîné la coulure des fleurs. Une nouvelle fois, comme pour le pois, il serait intéressant de cultiver la féverole d’hiver. Cette culture, grâce à son cycle de développement plus précoce que celui de la féverole de printemps, a pour avantages :

- être moins exposée aux bruches, dont les conditions favorables de vols commencent à partir de 20°C

- éviter la période de sécheresse au moment de la floraison

- être moins sensible au stress hydrique.

Pour cette culture, le critère de résistance au froid est essentiel. La campagne 2020-2021 a fortement discriminé les variétés entre elles, selon leur note de résistance au froid.

Le printemps 2021 a été propice à la culture : on notera l’absence de pucerons noirs et de maladies foliaires. Seuls quelques très rares symptômes d’ascochytose ont pu être observés, sans conséquence sur le développement de la plante ou la formation des gousses.

Les rendements de la féverole sont satisfaisants dans cet essai. Les variétés Nebraska et Glalice sont très intéressantes tant en termes de comportement : résistance au froid et hauteur à la récolte, qu’en rendement avec 50 q/ha de moyenne.

Le soja

En essai depuis 2003 dans l’Oise et 2013 sur le site de la plate-forme d’expérimentation régionale de Catenoy, le soja voit son aire de production s’étendre vers le nord. Bien adapté à tous les types de sols sauf les plus calcaire (taux de calcaire actif > 10 %), il est nécessaire d’inoculer la semence afin de profiter de sa qualité de légumineuse. Peu exigeante en intrant, la charge de production est néanmoins élevée du fait du coût de la semence de soja. Le soja est suivi sous deux formes :

- des essais micro-parcelles : afin d’évaluer différents facteurs comme le choix des variétés, la date ou l’écartement de semis, etc. et de produire des références fiables sur un territoire et une année donnée.

- des suivis de parcelles chez les agriculteurs qui complètent les essais micro-parcelles et valident la faisabilité et les résultats en parcelle agriculteur.

Les rendements fluctuent de façon importante du fait des conditions climatiques annuelles et des dégâts de deux ravageurs principaux que sont les pigeons (à la levée) et les lièvres (stade 2-3 feuilles). Des bons résultats ont été obtenus comme en 2013 et 2021 dans les essais et en 2017 dans les parcelles agriculteurs. 2015 et 2020 ont été des campagnes décevantes, aussi bien dans les essais qu’en parcelles.

Globalement, on constate que le rendement moyen depuis 2013, tout essai confondu, est de 25,1 q/ha. Ce rendement moyen est supérieur à celui obtenu sans irrigation dans le Sud-Ouest, bassin de production du soja en France, en sol profond valant 21 q/ha (moyenne sur 10 ans source Terres Inovia). Cette donnée confirme le potentiel de production du soja dans l’Oise. En termes de variétés, 2 types de précocité sont testées les 000 plus tardives et préconisées sur le secteur et les 00 plus précoces et productives ; du fait de l’avancée des dates de récolte de 10 jours depuis 2013 et des bonnes conditions fréquemment observées à l’automne. La moyenne de 2021 est de 35 qx, ce qui est très satisfaisant.

Les lupins

Les lupins sont un protéagineux très intéressant en terme de qualité du grain, avec 34 % de protéines et 8 % de lipides ,ce qui le place en seconde position derrière le soja en richesse en protéine du grain. Comme le soja, il s’adapte à tous les types de sols, sauf trop calcaires. Il n’est pas sensible à l’Aphonomycès eutèches. Son rendement est très dépendant des condition de pluviométrie de juin et juillet. Le lupin est de plus sensible aux coups de chaleur.

On différencie le lupin blanc du lupin bleu à feuille étroites : débouché alimentation humaine pour l’un et animal pour l’autre, taille de graine, solubilisation du phosphore pour le lupin blanc et potentiel de rendement respectivement 35-40 q pour le blanc contre 25-30 pour le bleu.

En essai depuis 2014, les rendements sont globalement décevants, d'autant plus lors de ces deux dernières campagnes. Les dégâts de pigeon sont le principal frein à la culture, avec des taux de perte pouvant aller jusqu’à 60 % dans nos essais.

Il est important de noter qu’il y a très peu de sélection variétale en lupin. La variété de référence de lupin blanc Amiga a été inscrite en 1984. Les plus récente comme Feodora , Probor ou Boregine ont été inscrite de 2003 à 2005. En 2022, des variétés plus récentes, de 2019, inscrites en Allemagne, seront testées dans les Hauts-de-France.

Les pois chiches

Cette culture originaire de Méditerranée est essentiellement utilisée en alimentation humaine sous différente formes. En plus d’être une légumineuse, les avantages du pois chiche sont de ne pas être sensible à l’Aphanomycès euteiche et de résister à la sécheresse. Le port de la plante est dressé et très ramifié, il n’est pas sensible à la verse.

Les deux inconvénients principaux sont son appétence pour les pigeons et corbeaux et l’avortement des fleurs si les températures descendent sous 15 à 20°C (courant du mois de juin). L’avortement des fleurs peut entraîner des conséquences très importants sur le rendement, celui-ci étant élaboré par le nombre de gousses, chacune contenant 1 à 2 graines.

On distingue 3 types de pois chiche dont 2 sont testés en essais : le type Kabuli, grosses graines blanc-crème et le type Desi, petites graines ridées de couleur marron et moins appétentes pour les pigeons, rustiques et prédominant au niveau mondial. Les rendements ont été satisfaisants en 2020 et nuls en 2021. Une troisième année d’essai est en cours en 2022 afin d’évaluer la faisabilité de cette culture dans notre contexte pédo-climatique.

Concernant les variétés, la sélection génétique est plus active que pour d’autres protéagineux avec, après un pool d’inscription dans les années 2010, un nouveau pool dans les années 2020

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