L’Académie d’agriculture a visité la ferme des 1.000 vaches
Décriée par certains, défendue par d’autres, la ferme des mille vaches dans la Somme a beaucoup fait parler. L’Académie d’agriculture de France est allée à sa découverte.

Rendez-vous au Relais de l’Europe sur la D1001, au nord d’Abbeville (Somme), pour les membres de l’Académie d’agriculture de France, le 2 juin dernier. Dès l’entrée dans cette auberge, ils découvrent, à travers les grandes baies vitrées, d’imposants bâtiments gris au beau milieu des champs… «C’est la ferme», leur dit-on.
Oui, c’est bien la ferme des Mille vaches qu’un détour va leur faire mieux découvrir à quelques kilomètres, tout près de la départementale D928. Accueillis par Michel Welter, le co-gérant et directeur de la ferme, les membres de l’Académie sont rapidement mis dans le bain de la genèse de cette aventure voulue par Michel Ramery, fils d’agriculteur, industriel du Nord, qui a quitté ce monde, à 67 ans, voilà quelques semaines.
Après une formation d’ingénieur agricole, producteur de lait chez ses parents puis conseiller technique en organisation professionnelle, Michel Welter fait la rencontre de Michel Ramery. Ensemble, ils bâtiront ce qui fait toujours polémique, la ferme des Mille vaches. Le projet intéresse plusieurs producteurs de lait du secteur. Les quotas sont rassemblés et la construction d’une unité qui ira au-delà de «cette fourchette économique critique des 200-500 vaches» est décidée.
Dès la connaissance du projet, «on s’émeut… les habitants du village de Drucat, dont les maisons sont à plus de 2 km, ne sont pas d’accord à cause de nuisances à venir», puis ce sont les associations vertes du milieu local et parisien qui s’élèvent et protestent avec vigueur.
Enfin, c’est aussi l’administration qui hésite !
Une grosse infrastructure
Mais le tandem Ramery-Welter ne désarme pas : «C’est de l’économie laitière de terrain», rétorque-t-il. Après des voyages d’étude en Allemagne du Nord, aux USA et en Israël, les deux hommes se lancent en 2010 et fin 2011, c’est l’enquête publique, l’autorisation en 2013, puis les premiers coups de pelle. La première traite se produit le 12 septembre 2014 après la remise en état du roto de traite fortement endommagé par les opposants au projet.
L’arrivée à la ferme est une surprise : de beaux bâtiments modernes, dont les étables, du gazon autour des bâtiments, une grande propreté, un grand calme… mais tout de même un solide grillage tout autour pour dissuader les visiteurs non prévus.
C’est du haut du balcon qui domine la salle de traite, un roto de cinquante places qui fonctionne avec trois traites journalières, que Michel Welter présente la ferme et son élevage laitier ; une ferme de 1.000 ha avec 1.550 bovins dont neuf cents vaches laitières et vingt-cinq personnes à temps plein, dont dix-neuf pour la production laitière (une équipe de quatorze trayeurs).
Trois traites par jour
Les trois traites sont liées à une question d’organisation du travail : trois équipes de traite, deux pour le matin (5 h-14 h) et une pour l’après-midi (14 h- 23 h). La formation d’un trayeur demande trois semaines : «On le met d’abord au décrochage», explique Michel Welter, qui note que «cette entreprise crée des emplois accessibles à une main-d’œuvre peu qualifiée, la formation se faisant sur place et les emplois pouvant évoluer». Le troupeau a été difficile à monter avec des origines locales, mais diverses. Aujourd’hui, si les vaches de race Prim’Holstein dominent, elles sont de plus en plus croisées avec des races plus rustiques, notamment des races rouges du Nord de l’Europe, des Montbéliardes (croisement trois voies).
Onze structures juridiques !
Ici, on rêve de créer sa propre race laitière faite de productivité, de vitalité, de rusticité… C’est le centre d’insémination local qui insémine. L’inséminateur passe tous les jours, le coup d’œil extérieur étant important.
Un contrôle laitier mensuel «allégé» est effectué par ACE et un cabinet vétérinaire de proximité passe trois fois par semaine. Une fois évacués les soucis liés au rassemblement d’animaux pour constituer le troupeau, les problèmes sanitaires concernent essentiellement les boiteries.
Après le passage auprès des silos aux parois en V - favorisant un bon tassage des fourrages - et des bâtiments de stockage, on découvre un univers de niches à veaux, avec des animaux multicolores, fruits de différents croisements.
Les veaux sont vendus à quinze jours.
L’ensemble bâti couvre 6,5 ha et a demandé un investissement de 7.600.000 euros. Onze structures juridiques gèrent la ferme dont un GIE pour les cultures et une Cuma. Aujourd’hui, conclura Michel Welter, «tout visiteur qui veut comprendre ce qu’on fait ici est accueilli sans problème !»
L’élevage
Les vaches sont «nourries sans refus» avec une ration composée d’ensilage de maïs, ensilage d’herbe, pulpes surpressées, drèches de brasserie, tourteaux de soja et colza, céréales, CMV auxquels on ajoute, pour une meilleure rumination, 200 g par vache de miscanthus haché. Les rations ne sont pas les mêmes pour les vaches en lactation que celles qui sont taries ou en tarissement. Plusieurs points d’eau sont répartis tous les 22 mètres. «Ici, on ne va pas en pâture - ce que déplorent beaucoup d’opposants -, ce qui compte pour la vache, c’est une ration correcte, appétente, distribuée à heures fixes, en commençant tôt le matin.»
Les fourrages sont récoltés sur la ferme (230 ha de maïs), les co-produits pulpes et drèches sont pris localement (2.500 tonnes de pulpes, la ferme est «planteur»).
La production moyenne par vache avoisine 12.000 kg de lait (6,3 mois en stade moyen de lactation). Si le taux protéique est correct (33 ‰), le taux butyreux pèche (35 ‰), les comptages cellulaires sont inférieurs à 200.000 et «le problème des courbes de lactation plates à un niveau moyen de 40 kg amène à tarir 30 % des vaches à 35 kg» ; évidemment, le suivi individuel des vaches est informatisé. L’intervalle vêlage-vêlage est inférieur à quatre cents jours et le rythme des réformes est sévère, le principal problème restant les boiteries, même avec un parage régulier. Le lait est vendu à une laiterie belge «à un prix marché devant le renoncement des acheteurs français». Aujourd’hui, plusieurs fromageries locales sont intéressées par du lait de 24 h.
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