L'Oise Agricole 31 mars 2022 a 09h00 | Par Lucie De Gusseme

L’actualité s’est invitée au Méth’Agriday

La guerre en Ukraine et ses conséquences se sont invitées au Méth’Agriday, ce mardi 22 mars, à Artois Expo, à Arras. L’actualité renvoie dos à dos la récente réglementation, qui a essoufflé beaucoup de nouveaux projets, et l’urgente quête de solutions pour remplacer le gaz russe.

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Malgré les discours d’intentions, les conditions réglementaires actuelles freinent le développement de nouveaux projets,
a reconnu Christian Durlin (deuxième en partant de la gauche).
Malgré les discours d’intentions, les conditions réglementaires actuelles freinent le développement de nouveaux projets, a reconnu Christian Durlin (deuxième en partant de la gauche). - © L. D. G.

«Il ne se passe plus une journée sans qu’on parle du biogaz», dresse en constat Didier Cousin, lors de son discours à l’inauguration du Méth’Agriday, mardi 22 mars, à Artois Expo, à Arras (62). Le directeur territorial de GRDF dans les Hauts-de-France et président Rev3 de la CCI, présente le bilan du déploiement du secteur depuis 2011, «année de production du premier mètre cube de biométhane dans un centre de valorisation de la métropole lilloise, une première en France».

L’ambition des Hauts-de-France n’est pas des moindres : être la première région européenne productrice de biométhane injecté. Sujet ô combien d’actualité à l’heure où l’Union européenne vient de doubler ses objectifs de production de biogaz - à 35 milliards de m3 par an d’ici 2030 - pour se détacher des combustibles fossiles russes.

Solution «évidente» ?

«Nous pourrions produire en biométhane 20 % de la consommation française d’ici 2030 sous réserve de simplifications administratives», poursuit Didier Cousin. Sans parler de neutralité carbone. «Le gaz renouvelable est une solution évidente pour réduire notre dépendance énergétique. L’objectif de 100 % de gaz vert d’ici 2050 est tout à fait atteignable, si on baisse les consommations.» Le gaz, énergie d’avenir ? «Le gaz fossile va être amené à diminuer, mais le gaz vert va être un outil majeur du mix énergétique. L’électricité ne peut pas répondre à tout. Nous avons la chance d’avoir les infrastructures de transport et de stockage dans la région.»

«C’est un sujet qui concerne l’agriculture sous de nombreuses facettes, embraye Christian Durlin, président de la chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais, qui prend à son tour le micro. Cette journée est un symbole, et quand je vois son succès, je me dis que nous sommes là où il faut. La méthanisation, c’est à la fois une réponse aux enjeux environnemental et économique, mais elle est aussi devenue un enjeu géopolitique.»

Incohérences

Mais entre la baisse, fin 2020, des tarifs de rachat, et la nouvelle réglementation sur les Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) tombée l’été dernier qui a imposé des contraintes supplémentaires aux unités déjà en fonctionnement, la réalité pour la biométhanisation est plus contrastée que les discours d’intention. «Les conditions actuelles freinent le développement de nouveaux projets», reconnaît Christian Durlin. Et pour le moment, malgré les nouvelles ambitions européennes, rien n’a changé.

«Nous sommes en train de vivre une situation qu’on voyait venir depuis un an ou deux, à savoir que le secteur voit se développer les projets déjà existants, mais manque de nouveaux projets de méthanisation, constate Arnauld Étienne, expert méthanisation à la chambre d’agriculture. On entend, au niveau national, une envie de faire jouer au biogaz son rôle dans l’autonomie énergétique de la France, mais les conditions d’arrivée des nouveaux projets restent peu favorables.»

Dans un contexte où les prix du biogaz devenus trois à quatre fois moins cher que le cours mondial du gaz, le secteur fait ses suggestions au gouvernement, notamment celle de diviser par deux le temps de montage des dossiers des nouveaux projets d’unités. «La conjoncture n’est pas simple. La méthanisation a une place à se faire, mais il faut des conditions favorables et sereines, pas de la précipitation. Actuellement, les règles du jeu sont extrêmement bouleversées...», soutient l’expert.

L’élection présidentielle, couplée au contexte géopolitique, pourrait-elle plaider en faveur du développement de la méthanisation ? «Tous les candidats veulent développer les énergies vertes, répond Christian Durlin. Il faudra regarder le détail des programmes, et voir ce qui se fait...»

Le Satege, un service qui analyse la matière organique

Afin d’échanger sur les aspects agronomiques et réglementaires des épandages, le Service d’assistance technique à la gestion des épandages (Satege) de la Somme tenait un stand avec son homologue du Nord-Pas-de-Calais. Le Satege est un service de la chambre d’agriculture créé en partenariat avec les Agences de l’Eau. Il a pour mission de suivre les différents produits organiques épandus sur le département (composts, digestats, boues, effluents industriels…) et apporte des conseils techniques et réglementaires sur les bonnes pratiques d’épandage. «Avec le développement de la méthanisation, beaucoup de questions se posent sur la valeur agronomique des digestats et leur prise en compte dans la gestion de fumure. C’est pourquoi nous proposons aux unités de méthanisation agricoles de réaliser des analyses en passant sur les sites faire directement les prélèvements. La composition des digestats varie en effet selon les types d’intrant et process», explique Christelle Dehaine, responsable du Satege Somme.

En complément des analyses agronomiques classiques, le Satege réalise quelques cinétiques de minéralisation azote et carbone et analyses de l’indice de stabilité de matière organique. Ces tests permettent d’apprécier le coefficient isohumique des digestats et la vitesse de minéralisation de l’azote. En effet, si la part ammoniacale est disponible de suite pour les cultures – attention toutefois à la volatilisation –, la part organique va se minéraliser plus progressivement. Ces différentes analyses permettent d’acquérir des références et mutualiser les résultats pour en faire un retour aux exploitants d’unité de méthanisation.

Laura Franville, salariée de Véolia détachée sur Euramétha, a fait le point sur le projet.
Laura Franville, salariée de Véolia détachée sur Euramétha, a fait le point sur le projet. - © L. D. G.

Euramétha : bientôt le premier coup de pelle

Euramétha, le futur techno-centre régional de méthanisation porté par la Région Hauts-de-France, prendra bientôt corps à Saint-Laurent-Blangy (62), sur l’écopôle de la zone industrielle est d’Arras. «Les premiers coups de pelle sont attendus cet été, pour une livraison à la mi-2023», explique Laura Franville, chargée de projet pour Véolia qui suit ce dossier. Avec ses deux digesteurs, le centre permettra le recyclage annuel de 33 500 t de déchets (et jusqu’à 86 500 t d’intrants mobilisables), pour une production de près de 2 millions de m3 de biogaz injecté et une surface d’épandage à mobiliser de 3 700 ha.

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