Le Centre de ressources biologiques conserve le passé pour assurer l’avenir
Le Centre de ressource biologiques (CRB) de Clermont-Ferrand est entièrement dévolu aux céréales à paille. Derrière ses murs, dans une bibliothèque réfrigérée, plus de 27.000 accessions de cinq espèces différentes sont précieusement conservées.
Certaines espèces sont vieilles de plus 1.000 ans. D’autres ont été créées des mains des hommes et ne seront jamais cultivées. A contrario, quelques-unes ont été les stars des champs passés et modernes. Quelles qu’elles soient, qu’importe leur origine, toutes ont leur place dans cette bibliothèque céréalière. «C’est l’une des missions de service public de l’Inrae (récemment fusionné avec l’Irstea, NDLR) de conserver la biodiversité et de la tenir à disposition des professionnels comme des particuliers», explique François Balfourier, responsable de l’équipe diversité et organisation des ressources génétiques. Cinq espèces de céréales à paille sont stockées à Clermont-Ferrand : blé, orge, avoine, seigle et triticale.
La collection globale se compose d’environ 14.000 blés tendres (dont seulement 1/3 est d’origine française), 2.800 blés durs, 7.300 orges, 1.400 triticales, 1.300 avoines, 450 aegilops et 100 seigles. «Nous possédons la quasi-totalité des blés tendres cultivés en France depuis le XVIIIe siècle ainsi que des variétés non-inscrites». La bibliothèque s’enrichit régulièrement grâce aux échanges avec les sélectionneurs privés, mais surtout grâce aux différents centres de ressources internationaux. En Europe, l’Allemagne et la Hollande en possèdent chacun un, mais la plus importante des collections se trouve à Saint-Pétersbourg en Russie. « Nous collaborons également avec la Chine pour importer des populations naturelles.»
Des trésors cachés
Au-delà de l’aspect conservation, le CRB est avant tout une caverne d’Alibaba pour chercheurs et sélectionneurs. Ces derniers explorent les tréfonds génétiques d’accessions ancestrales dans l’espoir de répondre aux enjeux agricoles de demain. «Ils recherchent en permanence de nouveaux allèles, des caractères très précis et spécifiques, pour avoir des variétés plus résistantes à certains pathogènes ou au manque d’eau… Avec les outils biologiques et techniques aujourd’hui à notre disposition, nous pouvons aller chercher des informations très loin dans le code génétique des plantes.» Le passé au secours de l’avenir, une notion loin d’être moderne !
Le commencement de la sélection
Du néolithique jusqu’au XIXe siècle, les plantes cultivées n’étaient que peu sélectionnées. «Les blés se sont modelés en fonction des exigences climatiques des zones de production et d’une sélection plus ou moins consciente de la part des hommes. Ils s’appuyaient uniquement sur l’observation des plantes, sur leur expression phénotypique.» Le CRB conserve des variétés oubliées, des blés dits de population, comme le blé de Haute-Loire. Ces derniers répondaient alors à des attentes spécifiques de l’époque où 80 % de la population vivait en milieu rural et se déplaçait à cheval. «Certaines de ces variétés font 1,50 mètre de haut et produisent 20 q/ha. Les gens avaient autant besoin du grain que de la paille, toute la plante était valorisée.» Après la Seconde guerre mondiale, la famine européenne oblige à l’augmentation de la production. Les agriculteurs découvrent les engrais azotés, les chevaux sont remplacés par les tracteurs, «c’est une révolution verte». Dès lors, la recherche agronomique se concentre à créer des variétés plus adaptées. «Déjà à ce moment-là, les sélectionneurs ont l’idée d’aller chercher des caractères très spécifiques dans des variétés qui ne sont pas présentes en France. Ainsi le gène du nanisme permettant de réduire la taille des blés et d’éviter la verse provient de plantes asiatiques.»
Bientôt un siècle de collection
La réussite de la sélection variétale lors de la révolution verte ne tient cependant pas seulement à la compétence des scientifiques modernes. «Philippe-André de Vilmorin (1776-1862) a défriché les sentiers de la sélection dès le milieu du XIXe siècle. Il a ramené de ses voyages et de ses recherches un nombre incroyable de plantes. Mais surtout, il les a beaucoup documentées avec des descriptifs morphologiques très précis. Il a initié la notion de collection», explique François Balfourier. Dès 1930, les stations agronomiques (préquelles de l’Inra) ont rassemblé les variétés de différentes espèces pour créer leur collection. Depuis, ces dernières sont précieusement conservées selon un protocole très précis. Elles sont d’abord réparties par espèce dans différentes structures. «Il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier.»
La multiplication au secours de la conservation
«La survie des graines n’est pas éternelle.» Dans le centre de Clermont-Ferrand, chaque accession a droit à un protocole de multiplication très strict. Chaque année, 2.000 d’entre elles sont semées en plein champ et 100 autres sous serre. «Compte tenu du nombre d’accessions que nous conservons, nous sommes obligés d’échelonner les multiplications.» Sur trois lignes de 1,50 mètre de long chacune, les variétés sont semées en automne ou au printemps. Lors de la montaison, elles revêtent un sac d’autofécondation pour éviter les croisements. Les équipes de François Balfourier récoltent l’ensemble à la main. «Nous vérifions les standards de chaque variété.» Le travail se poursuit par la création de cinq lots pour chacune des accessions. Deux épis sont conservés comme référence. Un lot de semences sera réservé à la distribution des ressources, un autre au renouvellement, tandis qu’un lot issu des épis autofécondés sera réservé aux analyses moléculaires. Enfin, un cinquième et dernier lot est établi comme double de sécurité. «On ne sait jamais ce qui peut arriver, alors toutes les accessions sont conservées en double dans un congélateur à - 20°C, placé dans un autre bâtiment.»
Une ressource à disposition
En 2019, le CRB de Clermont a reçu 160 commandes concernant 8.000 accessions. Chercheurs, sélectionneurs, mais aussi agriculteurs et particuliers en sont à l’origine. «Nous avons eu des demandes d’agriculteurs souhaitant produire des variétés anciennes pour fabriquer des farines. Ou encore des microbrasseurs sur des variétés d’orges. Nous recevons également des demandes plus farfelues de particuliers qui veulent simplement manger des graines germées. Chaque demande est analysée avant d’être accordée ou refusée.» La demande d’échantillon peut se faire directement par internet sur le site SIReGal.
Le CRB envoie environ 100 graines au commanditaire. Les sélectionneurs privés et les chercheurs de l’Inrae restent bien entendus les plus gros destinataires. «Nous distribuons autant des semences que des données mais il y a encore tellement à découvrir». Les variétés anciennes n’ont pas dit leur dernier mot…
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