Comment concilier maintien de la qualité de l'eau et réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires dans un bassin d'alimentation de captage ? C'est la question qui a motivé la création d'un groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) en 2018 et à la mise en place du projet Produire ensemble Autrement, réunissant la Chambre régionale d'agriculture, l'enseignement agricole des Hauts-de-France, la FR Cuma, la Coopération agricole et le cabinet Peri-G.

L'événement organisé sur la SCEA des chênes à Ormoy-Villers était l'occasion de valoriser le travail des 11 agriculteurs du groupement, qui représentent 70 % de la SAU de l'aire d'alimentation de captage d'Auger-Saint-Vincent, et de faire découvrir une culture à bas niveau d'intrants, le chanvre, «une plante extraordinaire», selon Olivier Motte, dirigeant de la SCEA et volontaire.

Des atouts écologiques...

Ce n'est pas sans enthousiasme que le producteur témoigne de son expérience avec Cannabis sativa, cousin du cannabis récréatif : «Ses capacités de résistance et les multiples débouchés qu'il offre m'impressionnent ! La résilience de cette plante m'oblige à réfléchir en termes d'écosystème». Le chanvre présente effectivement de nombreux avantages : ses fibres naturelles résistent aux ravageurs et aux maladies, réduisant ainsi le besoin d'utiliser des intrants chimiques. De plus, le chanvre se distingue par sa faible consommation en eau. Il peut prospérer dans des conditions de sécheresse et peut être cultivé avec des quantités d'eau plus faibles que d'autres cultures. «Lors de la dernière sécheresse, la plante ne s'est pas dégradée, elle a mené son cycle à terme», insiste l'exploitant.

Le chanvre est réputé pour sa capacité à capturer le CO2 de l'atmosphère grâce à une photosynthèse efficace. On estime qu'un hectare de chanvre peut absorber jusqu'à 15 tonnes de CO2 par an, soit autant qu'un hectare de forêt, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En tant que plante à croissance rapide et aux racines profondes, le chanvre joue un rôle clé dans l'amélioration de la structure du sol. Ses racines pénètrent profondément, ce qui favorise l'aération et la circulation de l'eau, enrichit le sol en matière organique et contribue ainsi à sa fertilité. «Elles ramènent de la vie dans les fonds de sol : de l'oxygène et du sucre.»

... et agronomiques

Plante à croissance rapide, le chanvre produit un rendement élevé en un court laps de temps. Il peut atteindre sa maturité en seulement trois à quatre mois. Son peu d'exigence en termes de sol lui permet de pousser dans une grande variété de conditions et de tolérer des sols pauvres ou marginaux.

Un autre avantage agronomique du chanvre est sa capacité à supprimer les mauvaises herbes. Grâce à sa croissance dense et rapide, le chanvre étouffe efficacement les mauvaises herbes concurrentes, réduisant ainsi le besoin de désherbage mécanique ou chimique. Il fournit également un habitat pour de nombreux insectes et autres organismes bénéfiques, contribuant ainsi à la biodiversité. Les fleurs du chanvre attirent les pollinisateurs tels que les abeilles, favorisant ainsi la pollinisation des autres cultures environnantes

La réglementation autour de la culture et de la commercialisation du chanvre reste néanmoins complexe, en particulier en ce qui concerne la teneur en THC, le composé psychoactif du cannabis. Les producteurs doivent respecter des normes strictes pour garantir que leur production reste conforme aux limites légales et un travail de sensibilisation et d'éducation s'avère nécessaire afin de dissiper les préjugés et les confusions entre le chanvre industriel légal et le cannabis récréatif.

Une culture très ancienne

La culture du chanvre n'est en rien une nouveauté, plutôt une redécouverte. Dès l'Antiquité, nos ancêtres pratiquaient cette culture bien avant l'avènement des méthodes modernes de production agricole. Le chanvre jouait un rôle vital dans notre société, principalement cultivé pour ses fibres polyvalentes. Ces dernières servaient à confectionner des textiles, des cordages solides ainsi que des voiles pour les navires de la marine. La France, reconnue pour la qualité exceptionnelle de ses récoltes, occupait alors une place prépondérante parmi les principaux producteurs de chanvre en Europe. Sa culture culminait à 17.000 ha au XIXe siècle ! Le regain d'intérêt de ces dernières années s'explique par le potentiel de valorisation du chanvre qui ouvre de nouvelles perspectives pour l'agriculture française.

Toute la plante se valorise !

Cette plante donne en effet naissance à trois matières premières toutes valorisables ! Les fibres servent à la fabrication de papier comme les billets de banque ou le papier à cigarettes, de textiles vestimentaires ou techniques (ficelle, corde...), d'isolants thermiques et phoniques ou bien dans la plasturgie (emballages, mobiliers, secteur automobile).

La chènevotte se révèle particulièrement efficace en litière animale grâce à sa grande capacité d'absorption ou dans les paillages horticoles et la construction comme isolant thermique et sous forme de béton, en association avec de la chaux. Paillages bovins, compostage, méthanisation, chauffage sont les débouchés des poussières. Quant aux graines de chanvre, ou chènevis, elles se destinent à l'alimentation humaine pour les biscuits, les barres de céréales, les farines, d'huile d'assaisonnement, animale (oisellerie) ou comme appâts pour la pêche. Les produits techniques (vernis, solvants) ou hygiéniques (savon, shampoing, cosmétiques) sont aussi des destinations possibles pour cette plante qui gagne décidément à être (re)connue.