Chanvre textile: «Nous en sommes encore au stade de la découverte»
La Chambre d'agriculture de l'Oise et la coopérative linière Lin 2000 organisaient une visite de parcelle de chanvre où s'expérimente la faisabilité d'une production de fibres longues pour le textile. Si elle suscite la curiosité, il reste encore beaucoup d'incertitudes quant aux risques et opportunités de la culture du chanvre textile.
Les agriculteurs semblent chercher, désirer une plante qui se passerait d'eux. Une plante qui se sèmerait toute seule, qui pousserait toute seule, se protègerait toute seule du gibier comme des intempéries, qui se récolterait peut-être toute seule, à la hauteur adéquate cela va sans dire. Le chanvre n'est pas cette plante là.
Certaines de ses propriétés sont déjà connues et appréciées, notamment pour la filière technique (isolation thermique, béton) ou pour son pouvoir de captation du CO2, équivalent pour un hectare de chanvre à celui d'un hectare de forêt, soit 15 t/an. Mais des inconnues demeurent.
C'est pourquoi Lin 2000, en partenariat avec la Chambre d'agriculture de l'Oise, a lancé un projet d'expérimentation de culture du chanvre textile sur 23 ha, répartis sur 5 terroires différents : Grandvilliers, Saint-Just-en-Chaussée, Crépy-en-Valois, dans le Santerre et Méru. C
'est sur cette dernière parcelle de 5 ha, appartenant à Frédéric Van Themsche, qu'un premier bilan a été dressé par Guillaume Vandenberghe, responsable chanvre de la coopérative linière : «Les quantités de production de lin de printemps diminuent et le lin d'hiver reste gélif, quelle que soit la variété. Le chanvre peut être une solution pour produire suffisement de fibres textiles. Le changement climatique nous amène à repenser les systèmes de culture déjà en place.»
Quatre variétés ont été testées (Uso 31, Santhica 27, Santhica 70, Muka 76) avec 6 densités différentes (85 à 15 kg/ha).
Un premier semis a été réalisé le 3 mai, trop profond (4-5 cm), et de fortes précipitations ont généré une croûte de battance. Conséquence : une faible densité (100 à 150 pieds/m2) et des tiges possiblement trop épaisses pour la récolte et le passage dans la teilleuse. Après destruction, un second semis est pratiqué le 3 juin sur un sol à 16°C. 70 unités d'azote sont apportées le 9 juin. «Le chanvre s'adapte à tous les types de sols mais pour la production de fibres, on privilégie ceux à haut potentiel, les bonnes terres, c'est-à-dire les limoneuses ou limono-argileuses. On ne peut pas encore dire avec certitude si toutes les conditions climatiques sont propices au chanvre textile. Produire du chanvre technique ne signifie pas être capable de produire du chanvre textile.»
Légendes rurales
Après trois mois de pousse, la hauteur des tiges atteint sur la parcelle 180 à 200 cm pour une densité de 420 pieds/m2. Et contrairement à certaines légendes qui parcourent les milieux agricoles, il n'y a pas eu d'effet repoussoir pour le gibier. Des dégâts de lièvres ont été observés dans le milieu de la parcelle. «On constate également peu d'adventices, la biomasse du chanvre est étouffante, mais nous restons vigilants quant aux chardons.»
Restent d'autres facteurs limitants, comme l'achat d'un équipement adapté à la récolte. Le constructeur belge Hyler a sorti la faucheuse Sativa 200, première machine au monde à récolter le chanvre pour les textiles à fibres longues à l'échelle industrielle. «L'investissement est important alors qu'on ne connaît pas toutes les données économiques (densité et graines à implanter au m2), ni les limites de la machine. Surtout, le débouché n'est pas encore assuré, donc le doute règne sur la rémunération des producteurs. Si le lin est un marché de niche, le chanvre est une niche dans la niche. Et nous en sommes encore au stade de la découverte.»
Comme les autres plantes, le chanvre a ses forces et ses faiblesses, ses avantages et ses inconvénients, des tolérances et des impératifs. Des incertitudes quant à sa culture subsistent. «On est content de l'engouement suscité, mais on tatonne encore et on reste prudent», conclut Guillaume Vandenberghe. Les essais vont donc être reconduits en 2024 et 2025, pour acquérir de l'expérience et évaluer les risques et opportunités de la culture.
En attendant, le travail de l'agriculteur restera encore de s'adapter : la nature donne d'un côté ce qu'elle prend de l'autre, à l'agriculteur de choisir ce qu'il veut gagner et ce qu'il accepte de perdre.
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