L'Oise Agricole 07 mai 2024 a 09h00 | Par Gaëtane Trichet

Les sur-inondations: catastrophe écologique et économique

Depuis 7 mois, certaines parcelles sont sous l'eau dans les vallées de l'Aisne et de l'Oise. Rendez-vous était donné le 30 avril chez Arnaud Basset, éleveur laitier à Varesnes, dans l'Oise, pour faire le point sur la situation.

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- © GT

Chaque hiver, les parcelles dans les vallées de l'Oise et de l'Aisne sont inondées. À la mi-avril, la décrue s'amorce naturellement. Pourtant, cette année, l'eau est toujours présent en trop grande quantité, mettant les exploitants dans des situations critiques. La pousse de l'herbe, les semis ou encore le pâturage des animaux sont impossibles. Les conséquences financières sont extrêmes dans ces zones.
«Nous connaissons bien ce phénomène de crue-décrue. Or, cette année, c'est catastrophique», explique Arnaud Basset. Face au désarroi des éleveurs, de nombreuses questions se posent, notamment sur la gestion des rivières et des canaux. Les agriculteurs s'interrogent sur la construction du canal Seine-Nord et ses conséquences sur le territoire, la gestion de l'eau par Voies navigables de France (VNF) ou par l'Entente Aisne-Oise.
«L'eau circule d'un canal à l'autre, d'une rivière à un canal, on se pose beaucoup de questions. On a l'impression d'être ici les sacrifiés. C'est intolérable», a regretté Arnaud Basset. En effet, la hauteur de l'eau baisse parfois miraculeusement de 50 cm en 24 heures. Deux autres effets ont été mis en avant, comme l'organisation des Jeux olympiques et l'obligation de maintenir la Seine propre, et l'entretien des cours d'eau et des fossés.
Charlotte Vassant, présidente de l'Usaa (Union des syndicats agricoles de l'Aisne), a remarqué que le niveau du barrage de Venette, construit pour retenir l'eau et éviter de nouvelles grandes crues à Paris et en région parisienne, atteignait 3 mètres alors qu'il devrait être de 2,7 mètres. «Nous demandons à être informés de la gestion de l'eau».
Régis Desrumaux, président de la FDSEA 60 veut comprendre. «La variable d'ajustement ne doit pas être l'agriculture». Les deux responsables syndicaux exigent leur participation dans les débats et ce, le plus rapidement possible.

Les politiques attendus
Les vallées de l'Oise et de l'Aisne ont connu de fortes inondations en 2021. Le ministre de l'Agriculture de l'époque, Julien Denormandie, avait promis des actions. «Nous n'avons obtenu qu'un rabais de la taxe foncière ! Aujourd'hui, les éleveurs ont besoin d'aides d'urgence pour acheter du fourrage pour leurs animaux. Sinon, ils ne s'en remettront pas, a assuré Arnaud Basset. On veut un suivi immédiat et des réponses concrètes». Alors que l'État encourage à la souveraineté alimentaire et à une agriculture forte, «on est en contradiction avec tout ce qu'on nous annonce. On veut de l'élevage, de l'élevage en vallée, des bêtes nourries à l'herbe. Ce n'est pas possible avec ces arrivées d'eau».

L'entretien des cours d'eau est crucial
À chaque godet de vase retiré dans un fossé, c'est de la place pour un godet d'eau. Une évidence... pas pour tous semble-t'il. Pourtant, l'entretien des cours d'eau est crucial selon Hubert Compère, agriculteur et président du syndicat d'aménagement des cours d'eau du secteur Serre-aval. Toutefois, «en questionnant l'OFB, la DDT et le préfet, ils se basent sur trois cartes différentes. Alors ils nous demandent de déposer un dossier pour curer, mais sur quelle carte doit-on se baser ?» Encore une fois, on marche sur la tête. Pour le spécialiste de la biodiversité, ces inondations sont une catastrophe écologique d'autant que les éleveurs des 2 vallées ont contractualisé des MAE (mesures agri-environnementales) pour créer des prairies humides. «Nous sommes en zone Natura 2000, on utilise zéro phyto, zéro engrais, on fait des fauches tardives pour la protection du râle du genet, du cuivré des marais... Avec ces inondations, toute la biodiversité existante est détruite» a renchéri Arnaud Basset, regrettant le retard dans les paiements des subventions.

Une action syndicale le 10 mai à Amiens
L'Usaa et la FDSEA de l'Oise ont décidé de créer conjointement une commission de suivi afin de définir des zones géographiques inondables et être prévenus en amont de toute intervention des gestionnaires de l'eau. Cependant, elles devront être indemnisées à hauteur des pertes pour les agriculteurs et les éleveurs.
Car au-delà du manque de fourrages, ces inondations impactent aussi les agriculteurs sur le dossier Pac, notamment en ce qui concerne les écorégimes et l'accès aux différents paliers qui influent sur les subventions. «Il n'y a plus de logique agronomique dans toutes ces réglementations. Laissez-nous travailler !».
Des propos renforcés par ceux d'Hubert Compère qui estime que les investissements réalisés aujourd'hui pour les bassins sont très, trop coûteux. «Pas d'eau dans les villes, d'accord, on en prend plus, mais que les agriculteurs soient dédommagés» a-t'il lancé, expliquant que les exploitants, véritables acteurs de terrain, devraient gérer l'eau, «sous forme de contractualisation».
Face à la détresse des éleveurs, Régis Desrumaux et Charlotte Vassant ont annoncé une action syndicale devant l'Agence de services de paiement à Amiens à partir du 10 mai. «Tant que les exploitants ne seront pas totalement indemnisés, nous bloquerons l'ASP. Cette action durera dans le temps. État, paie tes dettes !».

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