Mercosur et MACF : hier comme aujourd’hui, pour les agriculteurs, c’est toujours non
Les agriculteurs de l’Oise étaient réunis devant les grilles de la préfecture à Beauvais, à l’appel de la FDSEA et des JA, pour dénoncer l’application dès le 1er janvier prochain du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le double langage du Président de la République sur le traité Mercosur.

À croire qu’il le fait exprès… «Relativement» silencieux depuis quelques semaines et le début de la foire d’empoigne parlementaire suite à la démission-reconduction de son Premier ministre (il l’est en tout cas encore à l’heure où nous écrivons ces lignes), Emmanuel Macron a craqué et n’a pu s’empêcher de s’exprimer, en marge du sommet des chefs d’État précédant la Cop 30 à Belém, au Brésil, sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays de Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Bolivie) : «Des échanges que j’ai pu avoir, je suis plutôt positif, mais je reste vigilant.» Des propos qui apparaissent comme une volte-face du Président de la République, qui se disait il y a encore quelques mois opposé à cet accord. Si la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a tenté d’éteindre l’incendie généré par cette nouvelle version géopolitico-économique du «en même temps» - «La France ne signera pas un accord qui condamne ses agriculteurs» - le mal était fait. «Si le Président de la République a quelque chose à dire aux agriculteurs français, qu’il le dise en France et non depuis le Brésil, déclare Luc Smessaert, vice-président FNSEA. Alors qu’il y a une unanimité de tous les élus, de l’Assemblée comme du Sénat, contre ce traité, le Président reste sourd. Ce même président qui disait que c’était folie de ne pas être indépendant pour notre propre alimentation.»
Pour les agriculteurs, cette déclaration illustre l’indifférence de l’État pour leurs difficultés et le choix de Bruxelles, semble-t-il avalisé par le chef de l’État, de sacrifier l’agriculture française sur l’autel du commerce mondial. Si les promoteurs du traité affirment prendre soin de négocier des clauses de sauvegarde, il ne s’agit pour le syndicat majoritaire que d’une grossière manipulation : «Nous sommes face à une basse manœuvre. Les clauses de sauvegarde ne concernent que les volumes et les prix mais il n’y a rien sur la réciprocité des méthodes de production.» «On ne peut pas être en concurrence avec ces pays (du Mercosur, ndlr), ajoute Régis Desrumaux, président de la FDSEA 60. Il ne s’agit pas de la même agriculture : on est sur des modèles industriels, incomparables à notre modèle familial. Ils usent de produits qui ne sont plus autorisés chez nous. Et on veut ouvrir nos frontières à ces productions, en faisant courir un risque à la santé du consommateur, tandis qu’on nous imposerait une nouvelle taxe, c’est-à-dire un boulet supplémentaire au pied ?»
En effet, dès le 1er janvier 2026, entre en application à l’échelle de l’Union européenne le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), une nouvelle réglementation visant les industries les plus émettrices de gaz à effet de serre. Objectif : qu’elles se décarbonent. Premiers concernés, après les producteurs d’acier ou de béton : les producteurs d’engrais. Seul bémol, la production française d’engrais est nulle ou quasi-nulle. «On importe 55 % de nos engrais. Toutes nos usines ont fermé. Et aujourd’hui, on va nous taxer sur des produits qu’on est obligé d’importer ! Or, si on veut produire une céréale qui soit de qualité, avec de la protéine, pour toucher certains marchés, il faut de l’azote !»
Surtout, cette nouvelle taxe risquerait de donner un pouvoir de marché trop important aux quelques producteurs présents sur le sol européen. «Il y aura non seulement un effet sur les prix, s’inquiète Adrien Dupuy, céréalier, mais aussi sur les volumes avec des risques de rétention.» Une hausse possible des coûts de production qui alarme alors que de nombreuses cultures connaissent de faibles prix de marché. «Est-ce que ça vaudra le coût d’emblaver pour les agriculteurs dans les zones à faible potentiel ?»
La situation est aussi urgente pour Alexis Hache, président de betteraviers de l’Oise : «Saint-Louis-Sucre demande la réduction des surfaces de 25 % sur le territoire de nos usines de Roye et d’Étrépagny. C’est le résultat de l’arrivée de sucre ukrainien sur nos marchés, sans avoir à souffrir des mêmes normes. C’est clairement l’agriculture française qui paie l’effort de guerre.»
Pas de rupture ni de revirement selon le préfet
Une délégation a été reçu par le préfet de l’Oise. Jean-Marie Caillaud, face aux inquiétudes et à la colère du monde agricole, s’est évertué à nuancer la position du président de la République. «Il n’y a pas de rupture dans les propos du Président de la République. Ayant obtenu des avancées sur la question des clauses de sauvegarde, il a estimé que ça avançait dans le sens de la France. Ce n’est pas pour autant que c’est signé ! Ce n’est pas un chèque en blanc vers le Mercosur». Rien de nouveau donc, et malentendu, selon cet ancien conseiller d’Emmanuel Macron, qui assure avoir obtenu le même son de cloche à l’Elysée et au ministère de l’Agriculture. Une réponse qui fait sourire la délégation, une fois dehors : «On n’est peut-être pas assez intelligent. On n’a pas compris ce que Macron voulait dire. Mais, prévient Régis Desrumaux, on n’a plus confiance, on va maintenir la punition et on ne lâchera rien.» Concernant le MACF, le préfet indique s’atteler à faire remonter «fidèlement» les inquiétudes. Le Président les entendra-t-il ? Et surtout, nous faudra-t-il de nouveau un traducteur pour comprendre sa prochaine prise de parole, sur ce sujet comme sur d’autres ?
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