L'Oise Agricole 09 février 2024 a 06h00 | Par JG

Négociations commerciales: des tarifs globalement stables, Egalim malmenée

Les négociations commerciales 2024 s’achèvent sur une légère hausse ou une légère baisse, selon les différentes estimations. Pour calmer la colère des agriculteurs, le gouvernement promet des sanctions contre les entreprises ne respectant pas Egalim.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
- © Pixabay

Encore incertain, le bilan des négociations commerciales s’annonce décevant pour l’industrie qui n’est pas parvenue, dans l’ensemble, à passer les hausses de tarifs escomptées. Au 15 janvier, le résultat des négociations pour les industriels de moins de 350 M€
de chiffre d’affaires s’établissait entre «-1 et 0 %» de variation des tarifs, explique le président de l’Ania, Jean-Philippe André. «On voit plutôt une tendance à la déflation sur la deuxième vague», qui concerne les plus grands industriels. L’atterrissage pourrait être de «- 1 %», a-t-il indiqué à la presse le 31 janvier. Après deux années de hausses, «on a l’impression de revenir à l’ancien monde». «Nous entrons de nouveau dans une phase de stabilité des prix alimentaires», affirme- t-il. Certaines prévisions sont cependant plus inflationnistes : ainsi, l’Ilec (grands industriels) et la FCD (distributeurs) s’accordent à dire que les négociations aboutiront à une hausse des tarifs de 2 à 3 % en moyenne. Le directeur général de l’Ilec, Richard Panquiault, a estimé, le 1er février sur RTL, que «15 à 20 % des prix pourraient baisser». «Le reste va augmenter, il y a plus d’augmentations que de baisses», poursuit-il. L’atterrissage reste néanmoins «difficile» à estimer, alors que 40 % des accords des gros fournisseurs (plus de 350 M€ de chiffre d’affaires) n’ont pas été signés avec la distribution – et principalement ceux qui sont négociés à l’étranger. À quelques heures de la clôture, le 31 janvier, la situation restait «compliquée» entre les parties, d’après Jean-Philippe André. Le calendrier exceptionnel des négociations cette année a joué, ainsi que l’attente des consommateurs autour d’une baisse générale de prix après deux années de forte inflation.


Des «infractions» à Egalim
Les négociations commerciales prennent fin en pleine mobilisation des agriculteurs, qui demandent notamment une meilleure rémunération de leur travail. Or, le non-respect des dispositions des lois Egalim par certains acteurs a été pointé du doigt par plusieurs organisations agricoles, dont la FNSEA. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a confirmé, le 26 janvier, que les contrôles effectués par la DGCCRF (Répression des fraudes) «ont fait apparaître un certain nombre d’infractions de la part des industriels comme de la part de certains distributeurs» à la loi Egalim. Trois entreprises se sont vu adresser des «pré-injonctions», avant d’éventuelles sanctions pouvant aller jusqu’à 2 %
du chiffre d’affaires. «Qu’il y ait encore des contrats dans lesquels il n’y a pas de transparence, qu’il y ait encore des accords qui soient conclus sans contrat ou sans clause de révision des prix, c’est totalement inacceptable», affirme Bruno Le Maire. Lors de son déplacement en Haute-Garonne, le même jour, le Premier ministre Gabriel Attal a promis de «sanctionner très lourdement» les entreprises qui ne respectent pas la loi. Les contrôles ont été doublés cette année, assure le gouvernement. Le ministre de l’Économie a annoncé, le 31 janvier, un renforcement des contrôles sur les centrales d’achat européennes afin de s’«assurer qu’il n’y a pas de contournement par ces centrales d’achat européennes des règles de la loi Egalim». De son côté, le distributeur Système U dément «formellement toute volonté [...] de détourner la loi française avec nos partenariats européens», a affirmé son président-directeur général Dominique Schelcher. «On est contrôlé presque tous les jours», affirme le distributeur, qui «attend le résultat des contrôles avec sérénité.» Les contrôles de la DGCCRF ont, en outre, montré des infractions sur l’étiquetage de l’origine des produits présentés comme français. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, qui s’est vu confier de nouvelles attributions en matière de contrôles, appelle les acteurs tentés de se fournir en matière première agricole à l’étranger pour des questions de prix à «une forme de patriotisme agricole».


Vers une évolution de la loi ?
La tenue des négociations avec la grande distribution, tandis que certaines organisations de producteurs n’ont pas signé d’accord avec l’industrie, suscite la colère de la FNSEA. Le syndicat majoritaire dénonce un non-respect de la construction du prix en marche avant, le grand principe d’Egalim. Auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat, le 31 janvier, son président Arnaud Rousseau a demandé aux parlementaires de «faire en sorte qu’il n’y ait pas de négociation entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution tant qu’il n’y a pas eu un accord entre les organisations de producteurs et le monde de l’industrie agroalimentaire». «Ça éviterait [les situations] qu’on a en ce moment, c’est-à-dire un certain nombre de grandes entreprises qui nous disent : «Au regard des difficultés que j’ai à négocier avec la grande distribution, je ne suis pas en mesure de vous donner plus [de tant]», estime-t-il. Dans le lait, les organisations de producteurs de l’Unell, qui n’ont pas d’accord avec Lactalis pour l’année 2024, dénoncent le manque de transparence de l’industriel et des distributeurs dans leurs négociations, et craignent que la matière première agricole ne soit pas sanctuarisée. Les années précédentes, l’association d’organisations de producteurs «avait pour coutume d’avoir un accord sur l’évolution des coûts de revient avec Lactalis, et d’en discuter avant les négociations commerciales avec les distributeurs», retrace le président de l’Unell, Yohann Serreau. Bien que contactés par courrier, «aucun distributeur n’a pris contact pour continuer les relations que nous avions les années précédentes», poursuit-il.
Une séquence législative pour faire évoluer Egalim pourrait s’ouvrir avec le lancement d’une mission transpartisane sur les négociations commerciales, annoncée en octobre par le gouvernement. Sous réserve que l’objet de la mission ne soit pas restreint au calendrier des négociations. Du côté de l’industrie, l’Ania appelle d’abord à une application d’Egalim «dans sa totalité» et à de la «stabilité», plutôt qu’une nouvelle législation.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,