L'Oise Agricole 04 septembre 2023 a 09h00 | Par Stéphane Lefever

Prêter de l'argent à sa famille

Les particuliers peuvent se prêter de l'argent sans condition particulière. Ce type de prêt présente de la souplesse, puisqu'il ne nécessite pas l'accord d'un organisme financier, et ce sont les parties qui déterminent les conditions (taux, durée, échéances...). Cependant, mal utilisé, cet outil peut devenir un cadeau empoisonné lourdement sanctionné par le fisc.

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- © Cerfa

En famille, il arrive fréquemment que les parents prêtent de l'argent à leurs enfants sans formalisme particulier. Puisque l'on est entre nous, pourquoi se compliquer la chose et de faire des papiers, se disent la plupart des parents. Cette façon de procéder peut se transformer, quelque fois en une bombe à retardement. Mais tout peut se passer très bien, mais il peut y avoir aussi des conséquences familiales et fiscales non négligeables. C'est pourquoi, il est nécessaire de prendre certaines précautions et notamment la rédaction d'un écrit.

Un écrit pour sécuriser

Quelle que soit la destination de l'argent (achat immobilier, passage de difficultés financières, divorce ...), l'article 1359 du code civil demande qu'un écrit soit rédigé sous la forme sous seing privé ou authentique lorsque la somme dépasse 1.500 euros. Cependant, il est conseillé d'établir une preuve écrite du prêt que l'on consent à un membre de sa famille. Il peut s'agir aussi d'une reconnaissance de dettes.

Mais cette forme de document est un peu «light». Il faudrait un engagement plus formel et réciproque entre les deux parties, c'est préférable. Le contrat de prêt convient parfaitement, il peut être télécharger sur le site internet : impots.gouv.fr. Le document doit préciser les noms et prénoms, date et lieu de naissance, profession et domicile de chacune des parties contractantes. Il faut ensuite préciser le montant en chiffres et en lettres de la somme prêté, le moyen utilisé (chèque, espèces ...), les modalités de remboursement (échéancier, intérêts ou non et la durée de remboursement.

Concrètement, il est possible de prévoir un prêt à taux zéro, ou un prêt à titre onéreux. Le taux est défini entre les parties. C'est la même chose pour les remboursements, le contrat doit bien spécifier le nombre de mensualités ou d'annuités et le mode de règlement des échéances (virement, chèque...).

On peut aussi incorporer une clause prévoyant les pénalités de retard pour défaut de paiement, même si les parents dans la plupart des cas ne l'appliquent pas. Evidemment, il doit être signé des deux parties et enregistré à la recette des impôts, ce qui permet de donner date certaine au contrat de prêt et permet au bénéficiaire de justifier de l'origine des fonds perçus en cas de contrôle de l'administration.

Si on veut «bétonner » ce prêt d'argent, rien de tel, que de le faire sous forme authentique devant notaire, cela réglera toute suspicion de l'administration. Et cela pourra permettre au prêteur une prise de garantie sur la somme prêtée, comme une hypothèque ou un privilège de préteurs de deniers sur le bien immobilier, que l'emprunteur vient d'acquérir par exemple. Ce type de garantie permet au prêteur d'être créancier au premier rang, donc d'être remboursé en priorité.

Aspect fiscal

Les prêts entre particuliers dont le montant est supérieur à 5.000 EUR, avec ou sans intérêts, qu'ils aient fait l'objet d'un écrit ou non, doivent être déclarés par l'emprunteur au centre des impôts du lieu de son domicile, en même temps que le dépôt de sa déclaration de revenus, soit directement en ligne sur le site impots.gouv.fr, soit en l'envoyant au service des impôts des particuliers. Si l'emprunteur n'établit pas la déclaration du contrat de prêt, le préteur peut le faire à sa place. Il existe un formulaire spécifique : Cerfa n°2062 et il doit être envoyé au plus tard le 15 février de l'année qui suit sa conclusion.

Dans le cas d'un prêt pour un professionnel, la déclaration doit être déposée en même temps que déclaration annuelle de résultats en l'envoyant à votre service des impôts des entreprises. Si l'envoi de ce document n'est pas fait, en cas de contrôle, l'administration pourrait considérer le prêt comme un revenu imposable ou comme un don taxable.

Le prêt entre particulier peut ou non être assorti d'un intérêt dont le taux doit être inscrit dans le contrat de prêt, il est librement fixé entre les parties. Si des intérêts sont demandés, le prêteur doit en faire la déclaration au fisc dans sa déclaration de revenus 2042, ils sont imposables. Ces intérêts supportent le prélèvement forfaitaire unique de 30 % (12,8 % et de 17,2 % de prélèvements sociaux), l'option pour l'impôt sur le revenu est possible. L'emprunteur doit utiliser le formulaire spécifique Cerfa n° 2561 pour déclarer les intérêts et les coordonnées de la personne qui en bénéficie.

Des remboursements réguliers

Les remboursements doivent s'opérer de manière régulière, comme c'est prévu au contrat. Les parents doivent garder toutes les preuves de remboursement (photocopie des chèques, virement, ...), pour éviter une requalification fiscale en donation. De même, si plusieurs échéances ne sont pas honorées, elles ne doivent pas rester sans application d'intérêts de retard, si cela avait été prévu dans le contrat de prêt. Si les parents, reste les bras croisés pendant une période qui va au-delà de cinq ans, ils ne seront plus en mesure de réclamer quoi que soit, à cause du délai de prescription de cinq ans.

C'est la même chose, du côté de l'emprunteur, il doit prouver à tout moment qu'il a bien honoré ses échéances de remboursement, comme le prévoit l'article 1351 du code civil surtout si les parents viennent à décéder avant la fin du remboursement. Tout simplement, les frères et soeurs pourraient revendiquer au moment de la succession qu'il y est eu un avantage financier pour leur frère ou leur soeur, et que celui-ci pourrait être assimilé à une donation déguisée.

En cas de décès

Le décès de l'emprunteur n'éteignant pas la dette, cette dernière incombe à ceux de ses héritiers ayant accepté la succession. Ils doivent continuer à rembourser le prêt. Il peut toutefois exister une clause d'exigibilité anticipée en cas de décès. La souscription d'une assurance décès individuelle peut garantir la famille et permettre de couvrir l'extinction de la créance en cas de disparition prématurée de l'emprunteur.

Dans le cas de la disparition du prêteur, le solde non encore remboursé du prêt familial constitue sur le plan civil et fiscal un actif de la succession.

Transformer un prêt en donation

Les remboursements peuvent devenir difficile au bout d'un certain temps et les parents peuvent changer d'avis et effectuer une donation qui viendrait se substituer au prêt. Il est préférable de faire cet abandon de créance devant notaire. Cela permettra de couper court à tout conflit ultérieur, si on est en présence d'autres enfants.

Cet acte peut être consenti sur la quotité disponible et ce n'est pas une avance sur héritage, sans toucher toutefois aux réserves héréditaires des autres frères et soeurs. La donation- partage peut-être aussi un moyen de cristalliser cet abandon de créance sous réserve d'avoir les moyens financiers pour le faire.

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