Quand le lien à la terre devient facteur de réinsertion
Depuis 5 ans déjà, à Vaumoise, un chantier d’insertion grâce à du maraîchage biologique permet à des personnes éloignées de l’emploi de reprendre pied en mettant les mains dans la terre.

«Tout est parti de l’association Lazare qui met en colocation des personnes à la rue et des personnes intégrées socialement. Ce concept s’est développé dans les grandes villes, mais la volonté a été de le faire en milieu rural. C’est à Vaumoise que la première colocation rurale de ce genre s’est installée, témoigne Julie Bongiovanni, la directrice de la ferme. Le président de notre association, Wilfrid Roze, informaticien passionné d’agro-foresterie, a alors voulu donner du travail à ces personnes et encourager une production agricole locale. La ferme de maraîchage bio a ainsi vu le jour en 2016.»
La ferme s’est installée sur 5 hectares mis à disposition gratuitement pour 30 ans par un agriculteur et cultive environ 140 variétés de fruits et légumes. L’ensemble est harmonieux, alternant planches de légumes, fleurs, plantes aromatiques et arbres fruitiers palissés par une recherche vertueuse d’interactions entre ces plantes. 1.200 m2 de serres froides accueillent essentiellement les légumes d’été, mais aussi les primeurs du printemps prochain. Le tout est irrigué par aspersion et goutte-à-goutte grâce à l’eau collectée sur les serres.
«Dès 2016, nous avons commencé notre conversion au bio en implantant une haie champêtre autour du site, en semant des engrais verts et en épandant le fumier de cheval du poney club voisin pour remonter le taux de matière organique indispensable à la réussite du maraîchage bio. Par la suite, nous avons creusé une mare pour remettre de la biodiversité. Les batraciens sont revenus très rapidement, ils aident à combattre les ravageurs. Un poulailler a été construit, qui logent nos poules bio», détaille Julie Bongiovanni.
Tout est fait pour favoriser la venue d’insectes auxiliaires, des plantes compagnes sont associées aux légumes, le savon noir est utilisé contre les pucerons, ainsi que l’aspersion pendant une ou deux minutes. La lutte biologique est également pratiquée, avec l’introduction d’acariens dans les serres.
Des salariés en insertion
L’objectif de l’association est de proposer un travail à des personnes qui en sont éloignées, souvent sans qualification, sans moyen de transport et parfois avec des problèmes de santé. Une dizaine de salariés sont ainsi encadrés par Mathieu Devos et ils devaient bientôt être douze. «Pas plus, car nous préférons une petite équipe car on bénéficie ainsi de l’effet de groupe. Avec cette dimension, on arrive à un équilibre qui permet à chacun de progresser. C’est souvent difficile physiquement au départ car l’hiver, les conditions de travail dehors sont dures mais, au bout de six mois généralement, nos salariés retrouvent la forme», témoigne la directrice.
Les salariés accueillis ont entre 18 et 65 ans, ce sont souvent des hommes, ils sont envoyés à la Bonne ferme par l’aide sociale du Conseil départemental de l’Oise, Pôle Emploi ou toute structure d’accueil à vocation sociale.
Ils effectuent à tour de rôle toutes les tâches et sont responsabilisés au maximum. Les gestes leur sont montrés et ils doivent ensuite assurer les semis par exemple, intervention cruciale pour la réussite de la culture. «Certains se révèlent dans l’activité de maraîchage, d’autres, au contraire, souhaitent se réorienter vers d’autres horizons. Les salariés restent deux ans maximum avec nous. Ils sont accompagnés par Aline, travailleuse sociale, dans toutes leurs démarches de la vie. C’est possible car nous formons une petite équipe qui permet à chacun de mettre à plat sa situation. On travaille beaucoup le lien et la confiance», assure la directrice.
Le lien entre les salariés et la structure repose sur un engagement des uns et une main tendue de l’autre. D’ailleurs, il n’y a pas d’absentéisme et peu de problèmes relationnels, preuve de l’efficacité du dispositif. Le retour à la terre rappelle à certains des moments de leur enfance et redonne le goût du travail. Certains salariés ont ensuite continué un BPREA ou trouvé une place dans une exploitation agricole.
«Bien que nous soyons dans un schéma d’insertion, nous avons des objectifs économiques à tenir : la Bonne ferme doit tirer deux salaires à temps plein.» Les salariés sont impliqués dans tous les aspects de la ferme. Ils assurent la production, mais aussi la récolte et le nettoyage des légumes pour la commercialisation. Celle-ci de déroule en direct au marché de Senlis le vendredi matin, le lundi et le jeudi en face de l’église Saint-Thomas, à Crépy-en-Valois. Sinon, la Bonne ferme assure des livraisons dans des magasins spécialisés du secteur, à Creil notamment, auprès de grossistes en bio ou d’autres maraîchers. «Nous proposons également des paniers mais sans adhésion à l’année pour ne pas contraindre les clients. Nous livrons en points relais. Notre idée est d’être souples pour fidéliser notre clientèle», assure Julie Bongiovanni.
La Bonne ferme ne manque pas de projets : planter plus d’arbres fruitiers, des kiwis, construire un bâtiment en bois pour accueillir les réunions l’hiver et aider d’autres structures à se développer. Qualité des produits et bienveillance autour des salariés sont les atouts de la structure qui affiche des résultats d’insertion entre 60 et 70 % depuis le début de l’aventure. «Nous devrions être au-delà cette année, avec de belles sorties, vers des CDD ou des emplois longue durée», se réjouit la directrice de la Bonne ferme.
À la bonne ferme
- Chantier d’insertion en maraîchage biologique et poules pondeuses. Local, solidaire, agro-écologie, permaculture 60117 Vaumoise, fermes de Russy.
- julie@alabonneferme.fr
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