L'Oise Agricole 28 août 2025 a 09h00 | Par L'Oise agricole

Quatre futurs possibles à l’horizon 2040 pour le bio français

Après vingt ans de croissance continue, le bio traverse une crise profonde depuis 2022. Une étude prospective pilotée par le ministère de l’Agriculture et réalisée par Ceresco et le Crédoc explore quatre trajectoires possibles pour l’agriculture biologique française d’ici 2040.

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Dans le meilleur des cas, elle pourrait devenir le socle du modèle agricole français en 2040 ; dans le pire, se réduire à une niche pour consommateurs aisés.
Dans le meilleur des cas, elle pourrait devenir le socle du modèle agricole français en 2040 ; dans le pire, se réduire à une niche pour consommateurs aisés. - © Actuagri

En 2023, l’agriculture biologique représentait 14 % des exploitations, 19 % des emplois agricoles, 10,4 % de la surface agricole utile et 6 % des ventes de produits alimentaires en France. Mais après deux décennies de croissance, la tendance s’est inversée. Le marché, qui avait atteint 12,1 milliards d’euros en 2023, a reculé de 7 % en volume entre 2022 et 2023. L’inflation alimentaire (+7,7 % en 2023) a accentué les difficultés, tout comme la baisse des conversions (-30 % en 2023). Résultat : le secteur s’interroge aujourd’hui sur sa place dans le paysage agricole et alimentaire. C’est dans ce contexte qu’a été lancée, en 2023, une étude prospective intitulée «Quels avenirs pour le secteur bio français à 2040 ?». Publiée en août 2025, elle propose quatre scénarios contrastés.

Scénario 1 : un bio résilient mais marginalisé

Dans ce premier scénario, la priorité donnée à la croissance économique relègue l’environnement au second plan. Le bio disparaît progressivement des rayons de la grande distribution et se concentre dans des circuits courts, ruraux ou urbains aisés. Après 2030, les crises climatiques et de ressources bouleversent les marchés. Faute d’intrants, de nombreux producteurs bas-culent vers une agriculture «sans produits de synthèse» mais non certifiée. Le label européen dis-paraît, remplacé par des cahiers des charges locaux disparates. «Les producteurs bio qui ont tenu bon deviennent des référents techniques, mais peinent à se différencier», souligne l’étude.

Scénario 2 : la «3e voie» relègue le bio

Ici, les crises climatiques suscitent une prise de conscience environnementale… mais au profit d’une nouvelle offre intermédiaire. Les multinationales imposent une «3e voie» : des pratiques plus vertueuses que le conventionnel, mais moins exigeantes que l’AB. Grâce à un marketing efficace, cette alternative séduit largement consommateurs et pouvoirs publics. Les soutiens basculent vers elle, tandis que le bio perd en visibilité. En 2040, il ne pèse plus que 3 % des dépenses alimentaires des ménages, contre 5,6 % en 2023.

Scénario 3 : un bio allégé et compétitif

Autre hypothèse : un accord international ambitieux en 2032 relance la transition écologique. Pour accélérer les conversions, le cahier des charges européen est assoupli. Des techniques issues du conventionnel sont intégrées, permettant de réduire les coûts. Résultat : les conversions re-partent à la hausse, les produits bio regagnent en visibilité, même si certains acteurs dénoncent un «bio au rabais». En 2040, l’AB atteint 30 % de parts de marché alimentaire en France, soutenu par une forte demande des consom-mateurs et une restauration collective engagée.

Scénario 4 : un bio prédominant et structurant

Dans cette trajectoire, la démondialisation et une convergence des politiques agricoles, environnementales et sanitaires en Europe placent l’AB au cœur des stratégies publiques. Le cahier des charges bio devient la référence de la Pac. La loi EGAlim 5 impose 25 % de produits bio en commerce alimentaire dès 2035. Une sécurité sociale de l’alimentation garantit l’accès à tous. En 2040, l’AB domine la production agricole et l’ensemble des acteurs de la transformation s’y en-gagent. Mais la transition reste incomplète : l’agriculture conventionnelle, affaiblie, subsiste encore, freinée par des coûts et des réticences au changement.

Prix, image et santé : trois clés pour l’avenir

Au-delà des scénarios, l’étude insiste sur trois leviers déterminants : le prix étant donné que l’inflation reste un frein majeur, notamment pour les produits transformés ; l’image du label AB, concurrencé par d’autres démarches, doit regagner en lisibilité ; les arguments santé et environnement, parce qu’ils sont de plus en plus cités par les consommateurs, pourraient renforcer l’attrait du bio. Ainsi, «l’avenir du bio dépendra de sa capacité à rester visible, accessible et crédible», concluent les auteurs.

Entre marginalisation et généralisation

Cette prospective rappelle que l’agriculture biologique se trouve à la croisée des chemins. Son avenir dépendra autant de la conjoncture économique que des choix politiques et des attentes sociétales. Dans le meilleur des cas, elle pourrait devenir le socle du modèle agricole français en 2040 ; dans le pire, se réduire à une niche pour consommateurs aisés.

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