Quel travail du grain par les organismes stockeurs ?
Le silo de Nanteuil-le-Haudouin (60) est l'un des plus importants de la coopérative Valfrance. Malgré ses vingt ans, il reste un outil performant d'optimisation de la récolte. Visite avec Bertrand Rain, son conducteur.

Visibles de loin, les douze cellules du silo, de 36 mètres de haut, se détachent de la plaine déjà presque totalement récoltée en cette mi-juillet. Voilà vingt ans qu'elles sont le point culminant de Nanteuil-le-Haudouin, et qu'elles bénéficient d'un embranchement SNCF à proximité de la gare. La capacité de fonctionnement du silo est de 200 tonnes à l'heure, que ce soit en réception ou en expédition. Les installations comprennent donc les fameuses cellules de 1 400 t chacune, deux cellules de 700 t, deux boisseaux de chargement de 500 t, un de 600 t, et un autre de 120 t. La capacité de stockage de l'ensemble est de 20 000 t, mais 80 000 tonnes de grains y sont traitées en moyenne chaque année.
Nanteuil-le-Haudouin accueille en effet les réceptions des autres silos de la coopérative qui doivent être expédiées par train puisque seulement six silos possèdent un tel branchement.
Vers le Nord ou Rouen
En moyenne, entre vingt et trente trains par an sont affrétés depuis Nanteuil-le-Haudouin, ce qui correspond à 26 à 40 000 t expédiées par le rail. Vingt trains partent vers l'usine Roquette de Lestrem (62), une amidonnerie, et entre cinq et dix trains pour Rouen. Destination ? L'exportation. Le 20 juillet, un train devait être chargé depuis le silo de Nanteuil-le-Haudouin. La SNCF met à disposition les wagons et la locomotive dès le matin, et les salariés ont heures heures pour charger le train et accrocher les wagons. Un circuit avec deux élévateurs est mis en place pour cette opération.
Bien entendu, des prélèvements et des analyses sont faits à chaque wagon, lesquels ne doivent pas dépasser la charge préconisée par la SNCF, sous peine d'annulation du transport. Les wagons sont également plombés pour des raisons de sécurité et éviter des fuites pendant le transport. «Six trains étaient prévus depuis le début de l'année mais, finalement, seuls deux sont partis. Dès qu'il manque du personnel à la SNCF, les expéditions sont annulées. C'est dommage, car ce moyen de transport évite de mettre des camions sur la route et c'est mieux pour l'impact carbone», déplore Bertrand Rain. Car, des camions, il en circule déjà pas mal à Nanteuil-le-Haudouin vu que la moitié des expéditions se font par route. Trente tonnes peuvent être chargées en deux minutes. Les camions se dirigent ensuite souvent vers Pont-Sainte-Maxence pour être vidés sur des péniches à destination de Rouen, du Nord, de la Belgique ou des Pays-Bas, à Anvers. Valfrance possède également deux silos directement branchés sur le fluvial, à Nogent-sur-Oise et Vaux-le-Pénil.
Travail du grain et stockage
Dès qu'un agriculteur livre une benne, celle-ci est pesée à charge, et deux sondes viennent effectuer des prélèvements dans la remorque. Taux d'humidité, teneur en protéine, taux d'impuretés et recherche de grains cassés sont mesurés pour le blé et, en fonction des résultats, la benne est orientée par le chef de silo vers telle ou telle fosse de réception. Des échantillons de 200 grammes sont prélevés à chaque remorque et gardés pendant dix-huit mois en cas de réclamation du fournisseur (l'agriculteur) ou du client. Cette année, les analyses sont bonnes, et il n'y a pas de problème majeur de qualité. La tendance en protéine se situe entre 11 et 13 en blé et, en orge brassicole, la teneur maximum de 11,5 % a rarement été dépassée. Par le passé, cela n'a pas toujours été le cas, et il avait fallu trier des lots de qualités différentes, puis les mélanger à bon escient pour obtenir des moyennes arithmétiques dans la norme. Excepté en 2014, où c'est l'indice de Hagberg qui avait posé problème, car des grains étaient germés. Dans ce cas, impossible de faire des moyennes arithmétiques.
Et il avait fallu passer les blés à la table densimétrique pour les trier. Les blés sont alors stockés à Nanteuil-le-Haudouin, entre une semaine et quinze mois. Dès réception, l'objectif est de descendre la température du grain, qui arrive généralement à 35°C, en dessous de 15°C, et ce, en décembre. Cela dépend bien entendu de la température extérieure. Chaque cellule est donc ventilée par le bas, et des sondes, réparties en onze points sur les 36 mètres de haut, effectuent des relevés de températures quotidiens. Des alarmes, programmées par le chef de silo, se déclenchent quand la température dépasse le maximum choisi, 30 à 35°C en ce moment. L'idéal est d'arriver à 25°C en novembre et 20°C en décembre. La ventilation à partir de l'air ambiant n'est déclenchée que la nuit.
Pour que l'abaissement de la température soit correct, il faut un différentiel d'au moins six degrés entre le grain et l'air extérieur. Gare quand même aux périodes de gel pour éviter les chocs thermiques. «Si la température augmente, on risque la chauffe et, dans ce cas, il faut vider la cellule, nettoyer les impuretés avec un séparateur, car les déchets verts se mettent parfois à chauffer, puis nettoyer la cellule. Il faut donc de la place pour désiler et les différents silos de Valfrance travaillent ensemble», précise Bertrand Rain. En ce qui concerne le colza, il est systématiquement nettoyé à la réception, car il y a souvent des parties de tiges vertes au milieu des grains. Le colza de Valfrance part à destination de l'usine du Mériot (Aube) pour y être transformé en diester. Pour ce qui est de l'orge brassicole, pour respecter le calibrage de 90 minimum demandé par les clients brasseurs, il faut parfois travailler les lots comme cette année, où les calibres sont un peu justes. Il faut donc passer l'orge au calibrage. Cela se réalise au cours d'une opération qui dure la journée. Des mesures de calibre sont effectuées et notées toutes les heures. Cela permet au conducteur de silo de resserrer le calibrage pour arriver au plus près de la qualité exigée par le client, sans être en sur-qualité.
Des installations aux normes drastiques
Suite au célèbre accident du silo de Blaye en 1997, les normes de travail et de sécurité ont été revues à la baisse. Les dimensions du silo de Nanteuil, alors en pleine construction, ont d'ailleurs été revues à la baisse. Toutes les installations sont aux normes anti-incendie. Des systèmes d'aspiration limitent les poussières dans l'ambiance générale, et une grande attention à la propreté est apportée par Bertrand Rain. «Je préfère que tout soit balayé et aspiré régulièrement plutôt que voir des insectes proliférer et avoir recours à des insecticides.» Toutes les interventions sont scrupuleusement notées quotidiennement, l'utilisation de masques anti-poussière est systématique et, même si toutes les installations du silo sont automatisées et pilotées grâce à un logiciel, il n'empêche que c'est le travail du personnel qui permet d'obtenir la meilleure qualité possible. Deux personnes travaillent à Nanteuil-le-Haudouin dans le magasin phytosanitaire, et trois personnes gèrent les installations de Nanteuil et du Plessis-Belleville. Six saisonniers sont embauchés tous les ans sur les deux sites pour la moisson. De même, en ce qui concerne la métrologie, tous les appareils de mesure sont contrôlés annuellement par des prestataires.
En période de moisson, ils sont réétalonnés tous les jours à partir d'un échantillon de référence dont on connaît les caractéristiques. Idem pour le pont-bascule de réception et celui du train. «On a même déjà eu des contrôles inopinés de la répression des fraudes, raconte Bertrand Rain. De même de la Dirrecte pour vérifier les horaires du personnel.» Autant dire que tout est mis en oeuvre pour que toutes les normes soient respectées et, surtout, que la marchandise soit saine, loyale et marchande. «Je suis un ancien boulanger et aussi père de famille. Autant vous dire que je sais l'importance d'avoir du beau grain pour faire du bon pain.» C'est aussi dans le travail des organismes stockeurs que la qualité se construit.
Chiffres clés
- 167 salariés permanents
- 1 367 sociétaires
- 31 silos de stockage et de travail du grain
- 2 usines de semences
- 22 sites d’approvisionnement
- 220 M€ de chiffres d’affaires
- 780 606 tonnes collectées
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