Une baisse de la production aggravée par le contexte sanitaire
Le 3 juin, à Amiens, à l'occasion de l'assemblée générale du GDS Picardie, l'Institut de l'élevage est revenu sur les effets de la décapitalisation et des maladies vectorielles sur la filière viande bovine.

«Depuis 2017, le cheptel français a perdu plus d'un million de vaches, respectivement - 630.000 chez les allaitantes (- 16 % en 8 ans et - 2,1 % sur un an) et - 480.000 chez les laitières (- 13 % en 8 ans et - 1,7 % sur un an). Cette décapitalisation s'était ralentie en 2024, mais on retrouve une tendance à la baisse soutenue depuis le début de l'année», analyse Maximin Bonnet, ingénieur agronome et docteur en économie rurale à l'Institut de l'élevage (Idele), devant la trentaine d'éleveurs réunis à Amiens pour l'assemblée générale du GDS Picardie.
Une décapitalisation qui touche tous les bassins. «La baisse des cheptels allaitants est très marquée en zone de polyculture-élevage comme les Pays de la Loire. Elle l'est tout autant dans le bassin charolais et le bassin Limousin, un peu moins dans le bassin rustique, mais c'est une zone où il est difficile d'y pratiquer d'autres activités.» «Se regarder, c'est s'inquiéter ; se comparer, c'est se rassurer» dit l'adage et d'aucuns se consoleront peut-être en se penchant sur la situation de nos voisins européens : «Le recul des cheptels bovins touche tous les principaux pays producteurs.»
Cette baisse est directement liée aux impacts, encore incertains, du contexte sanitaire. La réduction du nombre de têtes des cheptels laitiers et allaitants s'est accentuée par des problèmes de fertilité et une mortalité accrue des vaches. «On constate une surmortalité en fin 2023 dans les zones touchées par la MHE. La FCO quant à elle n'atteint pas les adultes, mais elle a un effet sur la mortalité des veaux.» Bien que le marché laitier porteur incite à conserver des femelles, les difficultés sanitaires, incluant des avortements, font craindre une atteinte durable aux cheptels. On s'attend à moins de réformes laitières et allaitantes, partiellement compensées par plus d'abattages de génisses.
Conséquence directe de la baisse des cheptels et des problèmes de fertilité - on compte 234.000 naissances en moins en 2024 -, les exportations de broutards (jeunes bovins maigres) devraient chuter de manière encore plus marquée qu'en 2024. La réorientation des animaux vers les ateliers d'engraissement français contribue à ce recul. «Le marché est pourtant demandeur, mais il y a un choix de rétention du marché français.»
Face à une production nationale en berne, et notamment celle des femelles qui constituent le gros de la consommation française, les importations de viande bovine devraient rebondir en 2025. Cette viande importée pourrait cependant arriver sur le marché à un prix plus élevé, compte tenu de la baisse des cheptels également observée dans d'autres pays de l'Union européenne.
Parallèlement, les exportations de viande française restent dynamiques, stimulées par une demande européenne soutenue, en particulier pour les jeunes bovins, dont la production est en baisse en Italie et en Allemagne.
Des prix en hausse
Effet mécanique du manque d'animaux, les prix des gros bovins finis et des bovins maigres augmentent. Ainsi la cotation française de vache O a gagné 1,36 EUR/kg de carcasse et 75 centimes la vache de race. Même dynamique avec les jeunes bovins, dont les prix repartent à la hausse, grâce à une demande poussée par les pays de l'Union européenne, le Maghreb et les Balkans. «Face au manque d'offre, les pays importateurs assouplissent leurs règles et lèvent les barrières pour avoir accès aux animaux», ajoute Maximin Bonnet.
En mars 2025, la consommation de viande bovine a baissé de 3 % après un repli de 4 % en février (qui était bissextile en 2024). Cette tendance s'explique en grande partie par une diminution de 2,5% des abattages de gros bovins et de veaux, notamment les vaches laitières (- 3 %). Les importations de viande bovine ont également reculé de 2% en mars, tandis que les exportations progressaient de 5 %. Sur l'ensemble du premier trimestre, la consommation par bilan a chuté de 3 %, une baisse plus prononcée que les - 1,9 % observés sur l'ensemble de l'année 2024. Le disponible consommable en mars s'est établi à 121.000 tonnes équivalent-carcasse (téc), soit une baisse de 3%.
Reste à savoir si la décapitalisation due à la FCO ou à la MHE est acquise ou s'il y aura une recapitalisation dans les élevages touchés. «L'effet amortisseur de l'élevage sur le revenu en zone de polyculture sera-t-il un atout suffisant pour maintenir la production ? Les filières vont-elles s'engager pour la soutenir ?», interroge Maximin Bonnet.
L'Idele
L'Institut de l'élevage (Idele) est une association à vocation technique et scientifique qui oeuvre pour toutes les filières d'élevage herbivores en France (bovins, ovins, caprins, équins). Sa mission principale est de développer et de diffuser des connaissances et des innovations par le biais d'études, d'expérimentations et de recherches, afin d'améliorer la performance technique, économique et environnementale des élevages. Objectif : aider les éleveurs à être plus résilients, à répondre aux attentes sociétales et à assurer la pérennité de leurs métiers, contribuant ainsi à un élevage français durable, innovant et compétitif.
L'Idele dispose d'un budget de 30 millions d'euros et d'un effectif de 340 personnes dont 280 ingénieurs et techniciens répartis sur 11 antennes régionales en plus du siège parisien.
L'Idele invite les éleveurs à la 4e édition de la conférence Les Marchés mondiaux du lait et de la viande qui se tiendra le 11 juin prochain à Paris (en visioconférence).
L'équipe du département Economie présentera ses derniers travaux sur les évolutions des marchés internationaux. Des experts invités (Thierry Pouch, Clarisse Bonhomme et Christophe Lafougère notamment) feront part de leurs analyses sur les évolutions en cours et les perspectives.
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