UNPT : faire jouer à l’Europe «la bonne partition»
Réunis à Strasbourg le 5 février, les producteurs de pommes de terre de l’UNPT ont rappelé les nombreux atouts que représentent pour eux l’Union européenne, tout en regrettant certains freins réglementaires ou politiques liés, entre autres, à un manque d’unité.
«L’Europe, une chance pour la pomme de terre française !», c’est le point de vue délibérément optimiste de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT), qui tenait le 5 février son congrès annuel dans une ville symbolique pour l’Europe, Strasbourg, au sein de l’hémicycle de la Région Grand-Est.
La France est le 1er exportateur mondial de pommes de terre, et le 2e exportateur mondial de plants de pommes de terre. Est-ce pour autant un exemple de la France qui gagne ? a demandé Philippe Lefèbvre, animateur de la table ronde sur ce thème. «Ce qui se passe pour la pomme de terre, c’est ce qui se passe pour beaucoup d’autres filières en France : on a tout en main pour réussir», rappelle Anne Sander, députée européenne.
Pour Arnaud Delacour, président de l’UNPT, l’Europe est en effet une chance à plusieurs niveaux : la situation géographique excellente pour les producteurs de pommes de terre français, qui leur facilite l’accès aux différents marchés, un modèle agricole fondé sur des valeurs communes, les fondamentaux de la politique agricole commune, première politique à l’échelle européenne… «Le marché est une chance, oui», admet Pascal Foy, producteur membre du bureau de l’UNPT, mais «sous réserve de certaines conditions», poursuit-il.
Eviter les distorsions
La principale concerne l’harmonisation : «mesdames et messieurs les députés européens, harmonisez véritablement nos réglementations», demande ainsi Arnaud Delacour, qu’il s’agisse de réglementations sanitaires, fiscales, sociales ou environnementales. Surtout que les normes imposées par l’UE ne sont pas toujours limpides, souligne Roland Schweitz, producteur de pommes de terre dans la région : «nous, quand on entend "directive", on sait que ça va se compliquer», sans que cette complexification ne soit le gage d’un meilleur équilibre dans les réglementations entre les Etats membres.
Pour Anne Sander, le Parlement européen a progressé sur cette question. «Nous avons beaucoup moins légiféré que la mandature précédente, où il y avait autour de quatre-vingt dispositions législatives par an, contre une vingtaine aujourd’hui.» En revanche, poursuit-elle, il existe «une spécificité française de surtransposer», comme ce fut le cas pour le glyphosate, la France ayant imposé un délai plus court que l’Europe pour l’interdiction.
Par ailleurs, la réglementation européenne peut aussi être positive pour les agriculteurs : «il y a eu des progrès avec la révision de la Pac, dans le règlement omnibus, où des dispositions ont été mises en place pour renforcer le pouvoir des OP, des outils de stabilisation des revenus ont été améliorés, il faut continuer à bâtir ce volet pour la future Pac», rappelle de son côté Dominique Dejonckheere, senior policy adviser au Copa-Cogeca.
Accompagner au niveau national
L’UNPT compte donc sur le gouvernement pour accompagner davantage les producteurs de pommes de terre, pour qu’ils tirent parti au mieux des possibilités offertes par l’Europe.
Et si Frédéric Lambert, chef du service Europe et international au ministère de l’Agriculture, assure que la future réforme de la Pac «va dans le sens de la simplification, en abandonnant l’idée de tout légiférer depuis Bruxelles en permettant aux Etats membres de mettre en place les dispositifs adaptés à leurs besoins», cela ne rassure pas les producteurs qui craignent une renationalisation de la Pac et donc une augmentation des distorsions de concurrence.
Cependant, le représentant du ministère reste convaincu que ces adaptations nationales sont nécessaires, par exemple pour encourager la valorisation de certains territoires en France. Dans cette dynamique, regrette de son côté Pascale Gaillot, vice-présidente de la Région Grand-Est, en charge de l’agriculture, les régions ne sont pas suffisamment sollicitées, alors qu’elles travaillent au quotidien en proximité avec les filières. «On est en capacité de s’engager sur des résultats concrets , insiste-t-elle.
Avec les Etats généraux de l’alimentation, l’Etat a néanmoins été à l’écoute de l’interprofession, en travaillant pour faire reconnaître à Bruxelles la spécificité des producteurs de pommes de terre français qui peuvent adhérer à plusieurs OP, salue Pascal Foy. En revanche, «on a travaillé à un plan de filière, on s’est engagés, qu’est-ce qu’on a eu en retour comme mesure incitative ? Une nouvelle RPD !» s’agace-t-il.
«Tout l’enjeu, quand on décide de nouvelles normes plus exigeantes, c’est de se mettre d’accord sur qui supporte le coût», estime Anne Sander, regrettant que pour le moment, seul l’agriculteur soit financièrement impacté, alors que les dépenses des ménages pour l’alimentation diminuent. Et ces surcoûts, décidés à l’échelle nationale, impactent d’autant plus le producteur français qui évolue dans un environnement européen. «Nous devrons tous oeuvrer à l’émergence d’un consensus fort au niveau interprofessionnel. En cette période de grandes mutations, c’est le prix à payer pour éviter que notre modèle organisationnel, envié par nos voisins, n’explose sur l’autel de nos égoïsmes nationaux et de la concurrence européenne et mondiale», conclut Arnaud Delacour.
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