Cet appel à «une réduction significative» des pesticides
Dans un avis publié le 26 janvier, l’Académie des sciences «recommande de prendre urgemment» des mesures pour enrayer le déclin des insectes, dont «une réduction significative» de l’usage des pesticides.
Dans les prairies allemandes la masse d’insectes aurait diminué de 60 % entre 2008 et 2019. Un peu plus loin de nous, dans la forêt d’El Yunque, à Porto Rico, ce serait près de 98 % des insectes terrestres qui auraient disparu en trente-cinq ans. «Plus d’une centaine d’études ont été publiées sur des espèces et des écosystèmes en particulier, ce qui manque c’est une appréciation à l’échelle de la planète», détaille Hervé Jactel, directeur de recherche à l’Inrae de Cestas (33), expert au sein de l’Anses sur les néonicotinoïdes, et auteur d’une récente synthèse parue dans la revue de l’Académie des sciences. Si les abeilles ou les prairies européennes sont relativement bien documentées, illustre-t-il, les chiffres ne sont toujours pas disponibles pour les forêts tropicales, les coléoptères, ou encore les fourmis.
À l’échelle mondiale, quelques tentatives de méta-analyse ont bien été menées pour rassembler la multitude d’études locales, «mais la manière de les conduire n’a pas toujours été de grande qualité», estime Hervé Jactel. Une manière d’évoquer en passant un article actuellement controversé, publié fin décembre 2020 dans Science par certains de ses collègues d’Inrae, qui saluaient une augmentation de la masse d’insectes dans les écosystèmes aquatiques. «On est à même de dire qu’il y a un vrai déclin des insectes partout où un protocole sérieux a été appliqué», tranche Hervé Jactel.
Plus de suivi, moins de phytos
«À l’échelle française aussi on est un peu embêté, parce qu’on n’a pas de système organisé qui couvrirait toutes les régions et les espèces», reconnaît le chercheur. C’est pour répondre à ce manque que l’étude préconise notamment de développer «des suivis à long terme, avec des méthodes standardisées et adaptées aux différents groupes fonctionnels d’insectes, si possible sur plus de quinze ans et dans de vastes paysages». Sur le terrain, «la première grande mesure est la réduction de l’usage des insecticides de synthèse en agriculture et l’amélioration de la spécificité de leurs cibles», peut-on également lire dans l’étude. Si «nous ne sommes pas encore en mesure d’avoir des méthodes en agroécologie qui soient totalement efficaces», comme le précise Hervé Jactel, les agriculteurs doivent pour lui disposer de molécules plus ciblées, et moins persistantes. Autant d’aspects sur lesquels les fabricants seraient en train de travailler. «Le problème des néonicotinoïdes, c’est que leur spectre d’action est très large, et qu’on les retrouve dans les sols jusqu’à deux ans après. Leur application systématique a entraîné une érosion très claire de la biodiversité», souligne le chercheur. Lui qui a fait partie du groupe d’expert de l’Anses en 2018 sur les alternatives à ces molécules controversées pour l’ensemble des cultures, et qui planche actuellement sur le cas spécifique de la betterave, ne peut pas en dire plus. «Par définition, les insecticides tuent les insectes. La question est de savoir quel est le ravageur ciblé, et avec quels effets sur l’environnement», insiste-t-il.
Il n’est pas encore trop tard
Du côté des bonnes nouvelles, les effets des pesticides sur la biodiversité seraient réversibles. «Si les pratiques changent, si les trames écologiques sont restaurées, certaines observations montrent que les carabes, les libellules et les pollinisateurs peuvent revenir», se réjouit Hervé Jactel. Et d’ajouter : «Si on ne tarde pas trop.»
En complément de la réduction des applications d’insecticides, l’étude propose plusieurs mesures qui font aujourd’hui consensus au niveau de la recherche pour favoriser les insectes : lutte biologique, diversification des rotations, restauration des continuités écologiques telles que haies et cours d’eau, mais aussi réduction de la taille des parcelles. «Plus la surface des parcelles augmente, plus elles s’homogénéisent. Mécaniquement, en la réduisant, on fractionne davantage le paysage et on recrée des milieux pouvant accueillir les insectes», explique Hervé Jactel.
Lui qui possédé une formation d’ingénieur agronome s’est également attaché à répondre aux inquiétudes des agriculteurs pour leur revenu, en proposant le moyen de protéger financièrement ceux qui prennent le risque du changement de pratique. «Sur le modèle italien, l’idée serait de réfléchir à un système mutualiste. S’il y a une pullulation, l’agriculteur qui cotise pourrait alors être remboursé des pertes de rendement, avec un abondement éventuel de l’État», détaille le chercheur. Une piste explorée en France par le FMSE sur le cynips du châtaigner, ou plus largement sur les nématodes et les campagnols.
Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,