Des divergences de vue sur la méthode
Si les chambres départementales d'agriculture des Hauts-de-France s'accordent sur la nécessité d'engager une démarche de régionalisation plus poussée, leurs avis divergent sur la manière de procéder.

Unanimité moins 8 voix et une abstention. Au terme d'une heure trente de débats passionnés, les élus de la Chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France ont adopté le 15 novembre une délibération permettant la poursuite du travail préparatoire d'un processus de fusion des chambres départementales et interdépartementale ; laquelle devrait intervenir en tout état de cause au 1er janvier 2021. Dans la délibération adoptée par les élus des chambres de l'Aisne, de l'Oise et du Nord-Pas de Calais – les élus de la Somme ont voté contre -, figure donc la possibilité pour le président Dauger « en concertation avec les présidents des chambres départementales et interdépartementale qui s'engagent dans le processus, de préparer avec les services de l'Etat le décret de création au 1er janvier 2021 d'une Chambre d'agriculture de région des Hauts-de-France, ainsi que le règlement intérieur s'y afférant et le projet stratégique». Conscient d'être face à un dossier épineux, Olivier Dauger rappelait au moment de présenter la délibération qu'il ne s'agit pas de la signature d'un acte de fusion, « mais d'une manière de préparer le chemin pour y aller ». Mais pour les élus de la Somme, ces précautions de langage du président Dauger n'ont pas suffi et n'ont pas convaincu.
La Somme seule contre toutes
Présidente de la Chambre d'agriculture de la Somme, Françoise Crété a été la première à exprimer son inquiétude vis-à-vis de la délibération en question, qualifiant la décision de «lourde de sens ». Bien qu'elle soit favorable à une démarche de régionalisation des Chambres d'agriculture, Françoise Crété a dit regretter la « méthode », et l'impossibilité offerte aux élus consulaires « d'étudier plusieurs scénarios ». Comme elle l'avait fait lors d'une session de la chambre départementale de la Somme le 17 octobre, Françoise Crété a réaffirmé son souhait d'étudier trois scénarios différents pour le rapprochement des chambres d'agriculture des Hauts-de-France : poursuivre la mutualisation d'un certain nombre de services, en application du décret du 13 mai 2016 ; le transfert de toutes les ressources humaines à la chambre régionale qui devient employeur de l'ensemble des collaborateurs des cinq établissements ou encore une fusion des chambres pour créer une chambre unique de région. La dernière option ayant été la seule à être proposée à l'approbation de la session de la Chambre régionale du 15 novembre dernier, elle s'est exprimée contre, rejointe par d'autres élus de la Somme. Pour ces derniers, la démarche validée par leurs collègues va à l'encontre de l'idée de proximité qu'ils souhaitent entre la chambre d'agriculture et les agriculteurs.
Des inquiétudes sur une perte de proximité
Pour le président de la FDSEA 80, Denis Bully, l'idée même de voir l'échelon départemental est à exclure : « Lors des dernières élections, nous avons fait campagne sur la proximité. Si nous nous engageons maintenant dans un processus de régionalisation, sans garantie sur le maintien d'une représentation départementale, on risque de décevoir ceux qui nous ont élus ». Premier secrétaire adjoint de la Chambre d'agriculture de la Somme, Antoine Berthe a lui aussi regretté le calendrier proposé, le jugeant prématuré : « Je suis favorable à la régionalisation, mais une fusion demande du temps pour qu'elle se fasse dans de bonnes conditions. J'ai demandé à plusieurs reprises que des audits soient réalisés pour savoir quel schéma nous pourrions suivre, mais je n'ai pas eu de réponse. Aujourd'hui, j'ai le sentiment d'avoir un couteau sous la gorge ». Dans la délibération adoptée le 15 novembre figure en effet un paragraphe qui laisse pantois les élus de la Chambre d'agriculture de la Somme : « Si une chambre départementale ne présente pas la délibération départementale à sa session de novembre 2019 (sur le sujet de la régionalisation, ndlr), sa position sera considérée comme ne souhaitant pas intégrer la démarche pour une chambre de région au 1er janvier 2021 ».
Tous veulent fusionner, mais...
Du côté de la Chambre d'agriculture Nord-Pas de Calais, Christian Durlin a justifié son choix en faveur de la délibération par une volonté de « passer à un braquet supérieur » : « Nous avons l'habitude de travailler à cinq départements depuis quelques années, mais nous devons aller plus loin pour répondre aux défis auxquels nous faisons face. On a besoin de gagner en verticalité et de monter en gamme sur un certain nombre de sujets. Certains de ces sujets ne peuvent pas être assumés par une chambre départementale ». Du côté des JA, et bien qu'il reconnaît « ne pas toujours avoir été parmi les plus favorables à la régionalisation », Simon Ammeux apporte aujourd'hui son soutien à la délibération : « Pour avancer, il nous faut un cadre. C'est strict, mais cela est inhérent au fonctionnement des chambres d'agriculture ». Siégeant également à la Chambre d'agriculture du Nord-Pas de Calais depuis plusieurs années, c'est de cette expérience qu'Albert Lebrun tire les arguments pour justifier son approbation : «On ne peut pas laisser nos collaborateurs dans le brouillard trop longtemps, au risque de les voir partir. En Nord-Pas de Calais, quand nous avons créé une chambre de région, cela n'a pas été simple, mais cela nous a permis de faire des économies de l'ordre de 8 à 10%, sans remettre en cause l'efficacité des services ». Ce constat, Sébastien Bocquillon le partage également : « La régionalisation que nous avons vécu en Nord-Pas de Calais n'a rien changé dans la relation de proximité que nous avions avec les agriculteurs. Par contre, la constitution en chambre de région a permis une plus grande mutualisation des moyens ». « Tout le monde est convaincu de la régionalisation, a déclaré Laurent Degenne – il est président de la FRSEA et vice-président de la Chambre d'agriculture de la Somme -, dans une volonté de temporiser les débats. Si nous travaillons encore de nombreux sujets au sein des chambres départementales, nos interlocuteurs sont régionaux depuis un certain temps : DRAAF, DREAL, Conseil régional... Personne n'est contre la régionalisation, mais l'idée est de trouver la meilleure construction pour la future chambre de région. Et pour cela, il faut que chacun écoute ce que l'autre a à dire. On ne construit pas en distribuant des coups, mais en regardant ce qui nous rassemble et ce qui est bon pour l'intérêt des agriculteurs ».
La caution de l'Etat
Directeur régional de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (DRAAF) des Hauts-de-France, Luc Maurer a salué à l'issue de la session « un projet politique très clair, avec une organisation politique efficiente qui doit permettre de faire avancer l'agriculture régionale ». Pour le représentant de l'Etat, l'approche envisagée est « pertinente ». « L'échelon régional doit se renforcer, sans que cela ne remette en cause la proximité entre les chambres d'agriculture et les agriculteurs, a-t-il poursuivi. Nous sommes donc favorables au cheminement vers une chambre d'agriculture de région, mais nous serons attentifs à ce que le projet soit ouvert à toutes les chambres départementales des Hauts-de-France, même si parmi elles, toutes ne sont pas prêtes ». A l'issue de la session, président et directeur de la Chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France ont assuré que le refus de la Somme de participer à la construction du projet « n'était pas excluant pour la suite » et que l'intégration de chaque chambre départementale dans une chambre de région pourrait s'effectuer « de manière différée ». Les jeux restent donc ouverts.
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