L'Oise Agricole 22 juillet 2021 a 09h00 | Par A.G.

Des objectifs ambitieux, mais avec quels outils ?

Le secteur des transports est la principale cible des mesures présentées le 14 juillet par la Commission européenne pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, mais l'agriculture est également visée par ce vaste paquet de réformes.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
À partir de 2030, les émissions hors CO2 de l'agriculture (méthane et oxyde d'azote) intégreront le secteur de l'utilisation des sols et de la foresterie (LULUCF) avec un objectif de neutralité climatique à l'horizon 2035.
À partir de 2030, les émissions hors CO2 de l'agriculture (méthane et oxyde d'azote) intégreront le secteur de l'utilisation des sols et de la foresterie (LULUCF) avec un objectif de neutralité climatique à l'horizon 2035. - © Pixabay

La Commission européenne a présenté le 14 juillet son paquet législatif d'ajustements au nouvel objectif climatique de l'UE (- 55 % d'émission en 2030) constitué de plus d'une dizaine de textes qui prévoient entre autres de nouvelles exigences pour l'agriculture et les transports, ainsi qu'une taxe carbone aux frontières de l'UE. Cette «feuille de route» lancée en grande pompe par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen accompagnée de sept commissaires européens sera encore complétée dans les mois à venir.

Sur le volet purement agricole, le secteur continuera à faire partie jusqu'en 2030 du règlement sur le partage de l'effort. Dans ce cadre, les objectifs nationaux seront réévalués en vue d'une réduction à l'échelle de l'UE de 40 % par rapport à 2005 d'ici 2030 contre un objectif de - 30 % aujourd'hui. Pour la France, la nouvelle cible de réduction à atteindre en 2030 par rapport à 2005 (calculées en fonction du PIB par habitant de chaque pays) est de - 47,5 %. Puis, à partir de 2030, les émissions hors CO2 de l'agriculture (méthane et oxyde d'azote) intégreront le secteur de l'utilisation des sols et de la foresterie (LULUCF) avec un objectif de neutralité climatique à l'horizon 2035. Pour aider l'agriculture à s'adapter, la Commission européenne présentera d'ici la fin de l'année une communication sur l'agriculture décarbonée avec de nouveaux modèles de soutien aux agriculteurs fondés sur des incitations à l'exploitation du carbone et sur la certification des absorptions qui devrait créer de nouveaux modèles commerciaux et récompenser les agriculteurs et les forestiers qui adoptent des pratiques plus respectueuses du climat. Bruxelles cite également les éco-régimes de la nouvelle Pac comme un moyen important pour atteindre des résultats. Pour la Commission européenne, si ses émissions sont réduites, elles pourront être compensées par le puits de carbone des autres secteurs (sols et forêt) du nouvel ensemble appelé AFOLU pour Agriculture, foresterie et autre utilisation des terres.

À chacun sa méthode

Avant cela, à partir de 2025, le secteur LULUCF devrait se voir imposer des objectifs contraignants pour les États membres afin qu'ils augmentent leurs absorptions nettes de carbone entre 2026 et 2030 de 15 %. Avec ces nouveaux objectifs, les absorptions nettes devraient atteindre 310 millions de tonnes d'équivalent CO2 dans l'Union pour 2030. Et après 2030, la proposition oblige les gouvernements à expliquer de quelle manière ils comptent contribuer à l'objectif collectif de neutralité climatique en 2035 par l'intermédiaire de leurs plans nationaux en matière d'énergie et de climat, qui seront réactualisés d'ici la fin du premier semestre 2024. La Commission proposera, d'ici fin 2025, des objectifs individuels pour les États membres et des mesures à l'échelle de l'UE.

La stratégie de l'UE pour les forêts, dont les détails devaient être dévoilés le 16 juillet, devait proposer un plan pour la plantation de trois milliards d'arbres à travers l'Europe d'ici à 2030. Et les nouvelles stratégies sur les sols et sur la restauration de la nature, encore dans les cartons de la Commission, devraient aussi participer aux objectifs d'absorption de carbone.

Les transports dans le viseur

Dans le cadre de la nouvelle révision de la directive Énergies renouvelables, l'objectif dans les transports est porté à 40 % en 2030 contre 32 % actuellement. Bruxelles propose aussi de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures neuves dans l'UE à partir de 2035, ce qui entraînerait l'arrêt des ventes de véhicules essence et diesel à cette date. De plus, un nouveau système d'échange de quotas d'émission distinct de l'actuel serait mis en place pour la distribution de carburant pour le transport routier et les bâtiments à partir de 2026. La limitation d'utilisation des biocarburants issus de cultures alimentaires est, elle, maintenue à 7 % mais un nouvel objectif de 2,2 % de biocarburants dits avancés est fixé pour 2030 avec des étapes : 0,2 % en 202 et 0,5 % en 2025.

En ce qui concerne la biomasse, la proposition prévoit l'obligation de supprimer progressivement, à quelques exceptions près, le soutien public à la production d'électricité à partir de biomasse à compter de 2026, tout en renforçant les critères de durabilité actuels. Conformément au principe de cascade, la biomasse ligneuse devra être utilisée en fonction de sa plus grande valeur ajoutée économique et environnementale dans l'ordre de priorité suivant : produits dérivés du bois, puis prolongation de leur durée de vie, réutilisation, recyclage, et enfin bioénergie. «Lorsqu'aucune autre utilisation de la biomasse ligneuse n'est économiquement viable ou écologiquement appropriée, la valorisation énergétique contribue à réduire la production d'énergie à partir de sources non renouvelables», admet toutefois la Commission. Ces propositions concernant la biomasse ont été jugées largement insuffisantes par de nombreuses ONG qui critiquent l'utilisation de bois pour la production d'énergie.

Nouvelle taxation des carburants

Autre volet important, la réforme de la taxation de l'énergie qui sera désormais basée sur le contenu énergétique (exprimé en E/Giga Joule) des produits énergétiques et de l'électricité et non plus sur les volumes consommés. Les combustibles fossiles classiques et les biocarburants non durables seront soumis au taux minimum le plus élevé, soit 10,75 E/GJ lorsqu'ils sont utilisés comme carburant et 0,90 E/GJ lorsqu'ils sont utilisés pour le chauffage. Pour les biocarburants durables, le texte prévoit un taux minimum de 5,38 E/GJ lorsqu'ils sont utilisés comme carburant et de 0,45 E/GJ lorsqu'ils sont utilisés pour le chauffage. Le taux minimum le plus bas de 0,15 E/GJ s'appliquera à l'électricité, aux biocarburants durables avancés et au biogaz ainsi qu'aux carburants renouvelables d'origine non biologique tels que l'hydrogène. Enfin, la Commission propose la mise en place progressive, à partir de 2026, d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE applicable aux secteurs couverts par le système d'échanges de quotas carbone qui exclut donc l'agriculture mais inclut les engrais.

Et après ?

D'autres propositions sont attendues dans les mois à venir pour compléter le paquet mis sur la table. La Commission s'apprête après l'été à présenter une proposition visant à minimiser le risque de déforestation et de dégradation des forêts associé aux produits mis sur le marché de l'UE. Le dispositif, selon les informations disponibles à ce stade, ne s'appliquerait qu'à certains produits de base sans aucune discrimination géographique. Le champ d'application serait limité à quelques produits à haut risque qui contribuent le plus à la déforestation au niveau mondial : l'huile de palme, le soja, le bois, le boeuf, le cacao, les céréales et le café. Un échange de vues entre les ministres de l'Agriculture est prévu les 11 et 12 octobre, et un rapport d'avancement doit être adopté lors de leur réunion de décembre. Le sujet sera également discuté par les ministres de l'Environnement en octobre. L'ensemble des propositions sera discuté dans les mois à venir au Parlement européen qui pourrait, au fil des débats, être assez largement remanié.

La question du coût social

«Nous avons essayé de faire un paquet équilibré», a indiqué le 14 juillet le vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Green deal, Frans Timmermans, à la présentation de son vaste train de réforme pour adapter l'UE à ses nouveaux objectifs climatiques. C'est l'équité avec laquelle ces mesures pourront être mises en place qui constituera le plus gros défi pour la Commission européenne qui devra limiter au maximum son coût social. Le président de la commission de l'Environnement du Parlement européen, Pascal Canfin a déjà exprimé son opposition à la création d'un nouveau système d'échange de quotas de carbone pour le transport routier et les bâtiments, car «les gains climatiques associés sont extrêmement faibles et les coûts politiques sont extrêmement élevés». Un Fonds social pour le climat qui pourrait lever 72,2 milliards d'euros en prix courant (voire 144,4 milliards avec le cofinancement national) est prévu afin de lisser l'incidence sociale des mesures annoncées.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,

A LA UNE DANS LES REGIONS

    » voir toutes 1 unes regionales aujourd'hui