L'Oise Agricole 07 août 2025 a 07h00 | Par L'Oise Agricole

Des orientations qui interrogent les agriculteurs des Hauts-de-France

À l’heure où les contours de la future Politique agricole commune (Pac) post-2027 se dessinent, la Chambre d’agriculture régionale entame l’analyse des premières annonces, tout en soulignant le rôle stratégique de la région Hauts-de-France dans le paysage agricole français et européen.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
- © Peexels

Forte d’un tissu agricole dynamique de près de 2 millions d’hectares et d'une filière agroalimentaire puissante, le rôle nourricier de la région est confirmé par des productions agricoles emblématiques. Cependant, ce potentiel se heurte à un cadre réglementaire et fiscal qui pénalise l’efficacité des filières de la région, confrontées aussi aux défis climatiques, géopolitiques et sanitaires.

Historiquement dotés de Droits à paiement de base (DPB) parmi les plus élevés, reflet d’un fort potentiel agronomique, les agriculteurs des Hauts-de-France ont subi une réduction constante de leurs aides depuis la mise en oeuvre de la convergence en 2014. Cette dynamique a fortement entamé l’efficacité des filières, d’autant plus que les aides du second pilier n’ont pas permis de compenser les pertes enregistrées sur le premier. En 2023, l’introduction de «l’éco-régime», en remplacement du «paiement vert», a accentué cette tendance. Le montant versé en 2023 dans les Hauts-de-France au titre de l’écorégime a chuté de 25,6 % par rapport au paiement vert de 2022. Parallèlement, le nombre de bénéficiaires a reculé de 14,6 %, passant de 20.613 à 17.603 exploitants. Cette baisse est notamment liée à des conditions d’accès plus restrictives et à une définition de l’agriculteur actif qui a exclu certaines explo-tations du dispositif Pac.

À la différence du paiement vert, qui était proportionnel aux DPB, l’écorégime repose sur un montant forfaitaire par hectare, ce qui désavantage mécaniquement les régions aux DPB historiquement élevés, comme les Hauts-de-France.

 

Une enveloppe Feader qui stagne

Par ailleurs, à l’instar des pertes subies par les agriculteurs des Hauts-de-France sur le premier pilier, l’enveloppe Feader de la région n’a pas augmenté, malgré des besoins bien présents .Les transferts de fonds du premier vers le second pilier de la Pac ont majoritairement profité aux Indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), un dispositif dont les exploitations des Hauts-de-France sont ex-clues. Cette situation creuse les inégalités territoriales, au détriment d’une région pourtant stra-tégique.

Concernant les Mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), la région déplore un système qui se limite à compenser les surcoûts sans véritablement encourager une transition écologique ambitieuse. Or, ce levier est essentiel pour répondre aux défis du renouvellement des générations, à la modernisation des bâtiments et des équipements, en particulier dans les filières d’élevage, tout en favorisant la transition environnementale et climatique. Dans ce contexte, il est indispensable de maintenir une forte incitation à l’installation pour tous les porteurs de projets viables et durables.

Par ailleurs, l’accès à l’eau constitue un enjeu stratégique majeur pour l’agriculture face au changement climatique. Il est essentiel que le cadre de la Pac permette aux territoires de disposer de la souplesse nécessaire pour adapter la gestion de la ressource aux réalités locales. À ce titre, le règlement ne doit pas constituer un frein aux investissements indispensables à l’adaptation des exploitations. La modernisation des exploitations reste un levier essentiel pour favoriser le renouvellement des générations.

Le Conseil régional et la profession agricole plaident pour un soutien renforcé du cadre européen en faveur de cette priorité. Les réformes successives de la Politique agricole commune (Pac) ont eu pour conséquence des pertes financières significatives pour l’agriculture française. Entre 2015 et 2019, les exploitants ont perdu plus de 100 millions d’euros de soutien. Cette diminution s’explique principalement par la forte réduction des aides découplées, qui constituent pourtant un pilier fondamental du système de soutien aux exploitations.

La tendance s’est poursuivie avec la réforme suivante. Entre 2022 et 2023, le montant total des aides Pac a chuté de 26 millions d’euros. Là encore, la principale cause réside dans la diminution des aides découplées, en recul de 6,6 % en montant et de 8,6 % en nombre de bénéficiaires.

 

Des nouvelles pertes financières ?

Ce recul s’est particulièrement fait sentir dans les départements des Hauts-de-France, comme en témoigne la carte ci-dessous. Or, les annonces récentes sur la future Pac, intégrée au nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034, font craindre de nou-=velles pertes importantes des re-=tombées financières de la Pac en Hauts-de-France. Alors que la Pac représentait histo-riquement un pilier stratégique de l’Union européenne, elle semble désormais reléguée à un simple volet parmi d’autres au sein de plans de partenariats nationaux et régionaux (PPNR).Ces derniers, représentant 48 % du budget (865 milliards d’euros), mêleront agriculture (Pac), politique de cohésion, migration ou encore programmes Interreg, diluant la spécificité des enjeux agricoles dans un vaste fourre-tout.

Le budget alloué à la Pac et à la pêche chute à 295,7 milliards d’euros, soit une baisse estimée de 21 % sans tenir compte de l’inflation, et de 40 % en tenant compte de l’inflation. Une coupe sévère qui risque d’asphyxier le secteur et de le mettre en concurrence un secteur déjà fragilisé par les crises climatiques, géopolitique et économique. La disparition progressive de la structure à deux piliers, avec des mesures parfois cofinancées, parfois non, accroît la complexité et l’incertitude pour les agriculteurs. Moins de lisibilité, moins de garanties, et un sentiment croissant d’abandon.

Par ailleurs, la baisse des aides à l’hectare suscite des inquiétudes, car elle pourrait porter un sérieux coup aux grandes cultures. Du côté des aides animales, le recouplage des aides marque un recul par rapport à la stratégie précédente. Il convient de rester vigilant sur les conditions d’accès, notamment les taux de chargement, un critère qui pourrait lourdement pénaliser les élevages des Hauts-de-France. Face à ces évolutions, la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, le Conseil régional et les représen-tant des organisations professionnelles se mobilisent.

 

Une position régionale commune

Une concertation étroite et approfondie a démarré depuis plusieurs mois pour bâtir une position régionale commune, argumentée et cohérente, en vue de défendre les intérêts du territoire au niveau européen comme national. Parallèlement, des simulations d’impact seront réalisées progressivement à partir des cas types d’exploitation du réseau Inosys, à mesure que les contours de la Pac 2027 se précisent.

Objectif : évaluer concrètement les effets des différentes réformes sur les exploitations locales et anticiper les besoins spécifiques de chaque filière. Ce travail d’analyse permettra d’éclairer les négociations à venir avec des données objectives, et de peser plus efficacement dans les discussions européennes. Sur fond d’instabilité géopolitique, l’issue de ces négociations s’annonce déterminante pour la souveraineté alimentaire de la France et des Hauts-de-France.

- © © ASP 2022-2023. Traitement : CRA NA – SIDAMÉvolut

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,