Exportations: les dégâts irréversibles de l’embargo russe
Sans l’embargo russe, les exportations européennes auraient seulement diminué et l’Union européenne serait restée un partenaire commercial majeur de la Russie.

En 2014, les prix des matières premières avaient certes commencé à inquiéter les gouvernements des pays émergents, mais la crise annoncée n’aurait jamais eu l’impact d’un embargo. «En Russie en particulier, la diminution des importations aurait frappé l’ensemble de ses partenaires commerciaux. Et sans l’embargo, l’Union européenne serait restée l’un des premiers partenaires commerciaux de la Fédération. Les exportations de produits alimentaires européens se seraient poursuivies malgré la dévaluation du rouble et la diminution des revenus des Russes», défend Jean Paul Simier, économiste et coauteur au Cyclope.
C’est la situation dans laquelle se trouve justement le Brésil. L’an passé, la récession économique russe ne l’a pas empêché de rester un exportateur majeur alors que ses ventes de viande de boeuf vers la Russie avaient diminué de moitié par rapport à 2014.
En fait, l’embargo décrété par la Russie a profondément modifié la géographie des échanges commerciaux mondiaux en laissant sur le banc les pays hostiles à l’annexion de l’Ukraine et de la Crimée par la Russie. Comme le Brésil, de nombreux pays émergents ont saisi l’occasion qui s’offrait pour conquérir un marché réservé à l’Union européenne, avantagée par sa proximité géographique.
Avant 2014, l’Union européenne écoulait plus de 700.000 tonnes de porcs (source Cyclope 2016) et l’équivalent de 1,4 milliard d’euros de lait vers la Russie sous forme de poudre, de beurre et de fromage. En Europe, l’embargo est intervenu alors que la production de lait croissait après trente années de quotas en 2015.
Relance de l’agriculture russe
Autre effet collatéral de l’embargo, qui ne porte pas sur les équipements en matériels d’élevage, est la relance de la production agricole russe et des investissements dans l’élevage, même si elle est moins rapide qu’escomptée. L’inflation importante des prix à la consommation permet aux agriculteurs et aux oligarques d’écouler favorablement leurs produits et de doper leur production.
Par ailleurs, l’embargo, prolongé le 27 mai dernier jusqu’à la fin de l’année 2017, incite les entreprises agricoles à poursuivre leurs politiques d’investissement en s’équipant de matériels importés, pourtant plus onéreux compte tenu de la dévaluation du rouble vis-à-vis de l’euro et du dollar.
De nouvelles porcheries sont construites aussi bien du côté occidental, pour nourrir les consommateurs russes, qu’à proximité de la frontière chinoise pour exporter des porcs de l’autre côté de la muraille. Bien qu’isolée sur la scène internationale, la Russie reste ainsi maîtresse de sa souveraineté. Elle a les moyens d’imposer un embargo à la carte, en instaurant des mesures de restriction spécifiques selon les produits et les pays visés.
Les temps ont changé. L’arme diplomatique est plus puissante que l’arme alimentaire. Et lorsque l’embargo russe a été instauré, rien ne présageait une chute durable des prix des matières premières. Et en l’absence d’outils de régulation et d’intervention dans la Pac actuelle, l’Union européenne est incapable de gérer efficacement des crises de surproduction.
«Ces éléments conduisent à penser que l’une des clés de résolution de la crise de l’élevage en Europe, mais également des difficultés quotidiennes rencontrées par la population russe pour se procurer des biens alimentaires, réside dans la recherche d’une solution diplomatico- économique entre l’Union européenne et la Russie», défend Thierry Pouch économiste de l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture.
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