L'Oise Agricole 18 mai 2018 a 15h00 | Par Alix Penichou

Journée Mont Blanc : des alternatives aux contraintes

Quatre planteurs de Saint Louis Sucre ouvrent leurs fermes en 2018 pour accueillir les journées Mont Blanc, rencontres techniques où l’agronomie est au coeur des échanges. Ce 15 mai, rendez-vous été donné chez François Levier, à Rollot.

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Le premier levier, pour anticiper les nouvelles contraintes phyto, est tout simplement la biodiversité présente dans les parcelles.
Le premier levier, pour anticiper les nouvelles contraintes phyto, est tout simplement la biodiversité présente dans les parcelles. - © Alix Penichou

Néonicotinoïdes. Le terme revient dans toutes les discussions autour de la betterave, ces derniers jours, après l’interdiction de trois d’entre eux par la Commission européenne, le 27 avril. Il en était bien sûr question lors de la journée Mont Blanc qu’organisait Saint Louis Sucre ce mardi 15 mai, chez François Levier, à Rollot. «Nous avons deux façons de gérer ces contraintes, annonçait Thomas Nuytten, de Saint Louis Sucre. Nous réagissons, avec les institutions comme l’IBS, en demandant des dérogations pour la betterave. Ensuite, nous devons avancer, innover et amener des alternatives. C’est tout l’objet de cette journée Mont Blanc.» Au menu : quatre thèmes liés aux contraintes de la culture betteravière, organisés sous forme d’ateliers, animés par des experts.

Anticiper les contraintes phyto

Premier thème : anticiper les nouvelles contraintes phyto. Et le premier levier est tout simplement la biodiversité présente dans les parcelles. Raphaël Rouzes, entomologiste, présentait un échantillon de la faune auxiliaire des cultures de betteraves du secteur. «Les agriculteurs connaissent bien les ravageurs, mais peu les auxiliaires, pourtant très utiles dans la lutte contre les ravageurs», explique le spécialiste. Trois catégories sont distinguées : les généralistes, comme les araignées, qui peuvent manger à peu près tous les ravageurs, les parasitoïdes, comme les guêpes solitaires, qui pondent leurs oeufs dans les ravageurs, ensuite dévorés par les larves, et les pathogènes, tels les bactéries, les champignons et les virus.

Des espaces sauvages aux abords de ces cultures permettent de les préserver. Les insecticides, en revanche, les touchent bien souvent autant que les ravageurs. «Plus les molécules sont généralistes, plus elles détruisent. Les molécules spécialistes sont plus intéressantes, mais malheureusement, ce sont celles-ci qui sont menacées d’interdiction.» Autre alternative aux contraintes phyto : le désherbage mécanique. Et sur ce point, Garford a épaté avec une démonstration de sa bineuse sur le rang dernier cri : elle désherbe mécaniquement tout autour des plants. Son guidage Robocrop InRow utilise une caméra vidéo digitale pour capturer les images de la planche à travailler. Le tout est retransmis sur la console en cabine. Celle-ci ajuste constamment la rotation des disques en fonction de la variabilité de distance entre chaque plant. La précision de travail est de près de 10 mm autour du feuillage de la plante. Comptez tout de même 150 000 E pour un tel bijou.

Réussir les campagnes longues

Deuxième thème : évoluer pour réussir les campagnes longues. Cette fois, il s’agissait de la présentation du semis sous bâche, technique de plus en plus fréquente en maïs, tournesol, soja et sorgho, mais encore en test pour les betteraves. L’objectif : «semer plus tôt, mais conserver des rendements convenables», explique Pierre Gerreau, responsable du service agronomique chez Saint Louis Sucre. Le plastique est en fait placé en même temps que le semis et un désherbage, grâce à un semoir adapté que présentait Samco. Le film a un effet serre et, en emmagasinant l’énergie solaire, il permet une meilleure levée des betteraves.

Preuves à l’appui, puisque les quelques rangs sous plastique de l’agriculteur sont deux fois plus développés que ses voisins dépourvus de protection, quatre semaines après les semis. A Moreuil, pendant la précédente campagne, un planteur a même gagné 16,3 t à l’hectare grâce à cette pratique. Quelques inconvénients néanmoins : les adventices sont elles aussi stimulées par cet effet serre et les plastiques biodégradables, en amidon de maïs, se désintègrent moins vite que ceux à base de pétrole. Comptez enfin 300 E/ha pour semer, contre environ 50 E d’ordinaire. Les semenciers, ensuite, présentaient les solutions que les planteurs peuvent attendre de la génétique. Betaseed, par exemple, une société de semences américaine, travaille sur deux axes de développement : les variétés pour des semis précoces, et celles pour les semis tardifs. Pour les premières, il s’agit de sélectionner les plus lentes en termes de montée en graines. La technologie ultipro leur permet ensuite une levée ultra-rapide : cent-vingt jours pour une production de sucre suffisante. En arrachage tardif, «notre objectif est de faire de cette contrainte une opportunité, en faisant en sorte que la betterave continue à se développer dans le bon sens», explique le représentant. Les recherches sont alors axées sur les résistances aux maladies foliaires, car une betterave qui entre saine dans un silo est une betterave qui se conserve mieux.

Optimiser les coûts de production

Troisième thème : réduire et optimiser les coûts de production. Le premier levier est un bon réglage du semoir. «Un bon réglage, c’est 15 t/ha sauvées», assure-t-on chez Saint Louis Sucre. Quatre conseils : semer au plus près de la préparation du sol, selon les conditions météorologiques, se munir d’un chasse-mottes pour écarter les mottes et positionner les graines dans la zone de sol humide, semer à une profondeur de 2 à 2,5 cm et vérifier le plombage et le recouvrement de la graine. Une fois la levée, il faut s’assurer que le niveau de population est suffisant. Pour cela, comptez les levées à différents endroits de la parcelle, sur des placettes de quatre rangs par 5 mètres de long. Estimez la population à l’hectare, indicateur de la qualité de semis et du rendement, en réalisant une simple multiplication (pour un semis de 45 cm, la population est égale au nombre de pieds comptés x 1 111). Si la population est supérieure à 95 000, la qualité de levée est optimale. Si elle est entre 95 000 et 50 000, elle est insuffisante, mais le resemis n’est pas justifié. Sous 50 000, en revanche, le resemis est à envisager. L’agriculteur pourra alors faire jouer la garantie de semis Saint Louis Sucre : 400 ha de semences provisionnées pour ressemer 0,5 % des surfaces victimes chaque année de conditions climatiques ou de pressions de ravageurs.

Moins artisanal, Wanaka et Agroptimize présentaient dans ce cadre son outil d’aide à la décision de resemis. À partir du comptage précis du nombre de plants au sein de la parcelle par télédétection, l’OAD permet de déclencher un conseil de resemis des betteraves dans les zones à faible levée. Sur les soixante-quatre micro-parcelles testées en 2017, la différence entre le comptage terrain et les données de télédétection est de 1 %. Et pour pousser la rentabilité, un protocole Mont Blanc, qui consiste en l’interprétation de l’imagerie satellite grâce à un drone, puis aux mesures de rendement dans les champs, a été mis en place. Il s’agit en fait d’une photo satellite, qui permet de sectoriser la parcelle en fonction de son type de sol. La densité de semis sera alors adaptée aux différentes zones, grâce à un semoir capable de moduler. Les doses de semis sont programmées et enregistrées sur une carte lue par la console. Les essais Mont Blanc 2017 sont encourageants : les rendements obtenus grâce à la modulation de doses sont relativement homogènes, malgré les natures de sol différentes.

Plusieurs planteurs venus assister à la journée Mont Blanc ont fait part de leur envie d’expérimentation dans leurs parcelles.
Plusieurs planteurs venus assister à la journée Mont Blanc ont fait part de leur envie d’expérimentation dans leurs parcelles. - © Alix Penichou

Devenir une ferme Mont Blanc : place à l’expérimentation

Partager pour mieux avancer était le quatrième thème évoqué lors de la journée Mont Blanc organisée à Rollot, ce 15 mai. Il s’agissait en fait de présenter le réseau Mont Blanc aux agriculteurs et d’encourager les volontaires. Le programme agronomique Mont Blanc, du groupe Südzucker, est déployé en France par sa filiale Saint Louis Sucre depuis 2013. Il s’agit d’un panel d’outils spécialement dédiés aux agriculteurs pour les aider à améliorer leurs rendements. Et pour les développer, Saint Louis Sucre compte sur les fermes Mont Blanc qui rejoignent le réseau. De dix en 2014, ils sont désormais près de quatre-vingt-dix. «Chaque exploitant qui identifie un besoin chez lui peut nous contacter pour mener une expérimentation, explique Thomas Nuytten, responsable betteravier des établissements de Roye et d’ Eppeville. Nous apportons un accompagnement technique, financier et mettons en relation avec des entreprises spécialisées.» Le cheminement est le suivant : un protocole est établi, puis les résultats attendus sont définis, conjointement entre le planteur et Saint Louis Sucre. Saint Louis Sucre interprète ensuite les données, et fait le bilan des résultats, avec le gain en rendement et le gain économique. «Les feuilles de synthèse sont consultables sur le blog "la betterave on y croit " auquel ont accès nos planteurs, car l’objectif est de partager pour que tout le monde puisse avancer», ajoute Thomas Nuytten. A noter : une modalité représente au minimum deux ou trois hectares.

Des essais sur des betteraves doubles tolérerantes à la rhizomanie et aux nématodes ont, par exemple, été menés dans une parcelle infestée de nématodes et dans une parcelle saine. Deux variétés, l’une simple tolérante à la rhizomanie, l’autre double tolérante, sont ainsi comparées. Différents axes de recherches sont étudiés, dont la quantification de l’infestation du champ, la productivité et la rentabilité. Le protocole est le suivant : les semis ont été réalisés autour du 20 mars 2017 dans des parcelles homogènes, en bandes de six rangs. «Le semoir 12 rangs était rempli à moitié de graines de variété simple tolérante et à moitié de graines de variété double tolérante, pour tester l’emplacement des infestations dans l’ensemble de la parcelle», précise la synthèse. Résultat : dès lors qu’il y a présence de nématodes, une augmentation de rendement est observée, ce qui permet de rentabiliser le prix des graines doubles tolérantes. Le gain économique moyen sur parcelle infestée est d’environ 266 E/ha. Les variétés doubles tolérantes n’induisent pas non plus de perte de rendement dans des terrains sains, mais le coût est supérieur de 50 E/ha, puisque les graines sont plus chères. Les essais se poursuivent en 2018.

Azote localisée et fumure organique

Autre expérimentation : l’azote localisée. Elle permettrait d’apporter un aliment «premier âge» à proximité du système racinaire car, très vite après la levée, les plantules épuisent la graine et doivent trouver des éléments nutritifs grâce à leurs racines. «La localisation améliorerait l’efficience de la fertilisation, réduit les pertes par érosion, diminue la quantité d’engrais et limite toute perturbation minérale de synthèse sur la biologie de l’inter-rang», est-il précisé. Lors du semis, l’azote est donc localisé à 7 cm de la ligne de semis et à 5 cm de profondeur grâce à un enfouisseur d’engrais intégré au semoir. Ceci permet de réduire d’au moins 20 % l’apport de cet engrais. Saint Louis Sucre et les planteurs ont relevé une tendance à l’augmentation de rendements, plus particulièrement avec l’ammonitrate. Les résultats obtenus en réduction de dose illustrent bien le gain économique possible avec la localisation de l’azote. Dernier exemple, des tests réalisés sur la fumure organique.

Les objectifs étaient de limiter les apports d’engrais minéraux au profit de la fumure organique et de connaître quel apport organique est le plus favorisé par la betterave, entre un amendement organique type lisier et un type fumier. Les résultats sont clairs. Il y a une différence assez nette en termes de rendement : + 13,49 t/ha en faveur du fumier. «Les richesses étant sensiblement les mêmes, la différence de rendement se situe sur le tonnage du poids racine à l’hectare». Tous deux apportent en fait la même dose d’azote et de phosphore, mais il y a une différence de 66 U de K2O en faveur du fumier, et il y a un lien fort entre l’addition de potassium et l’augmentation du rendement racine. Le coût du fertilisant, lui, était nul, car l’agriculteur procédait à un échange paille-fumier/lisier. La charge de mécanisation est de 60 E/ha pour le lisier et de 120 E/ha pour le fumier. Ce dernier a permis de dégager un gain supplémentaire de 264 E/ha.

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