La colline aux plantes médicinales
Héléna d'Orsetti, agricultrice, a changé de cultures et de façons culturales en se lançant dans l'aventure des plantes médicinales.
Logée sur les hauteurs de Saint-Crépin-aux-Bois, dans l'Oise, la Ferme de la carrière regorge d'activités. Production agricole, pension pour chevaux, scierie, mais aussi production de plantes médicinales. La ferme datant du XVIe siècle appartenait aux religieux Célestins du prieuré de Sainte-Croix-sous-Offémont. Un ensemble de carrières enrichit le site. C'est là que l'on retrouve Héléna d'Orsetti, une femme pétillante ayant un amour incommensurable pour les plantes. Cette agricultrice a choisi d'exercer une nouvelle activité et pas des moindres: «J'ai toujours été très curieuse de la nature et notamment des plantes. Notre fils a repris l'exploitation quand mon mari a décidé de prendre sa retraite. Mais j'ai souhaité démarrer une nouvelle activité. J'ai donc repris une toute petite parcelle pour me spécialiser dans les plantes médicinales. Lorsque l'on est agriculteur, on se promène constamment dans les champs et vous apprenez à connaître et à reconnaître les plantes lorsqu'ils sont à l'état cotylédon. Plus vous vous intéressez à une plante, plus vous découvrez des choses incroyables sur elle. Même les mauvaises herbes comme les armoises, les chénopodes ou le rumex sont des plantes médicinales», explique Héléna d'Orsetti. Autodidacte dans l'âme, elle a acquis toutes ces informations sur les propriétés des plantes dans des ouvrages du monde entier. Pour cause, le diplôme d'herboriste a disparu il y a presque 80 ans. Il a été supprimé en 1941 par le gouvernement de Vichy qui l'a remplacé par un Ordre des pharmaciens. Ordre qui, au passage, a hérité du monopole du conseil et de la vente des plantes médicinales. Mais les écoles d'herboristerie n'ont pas disparu et Héléna d'Orsetti a repris les études. «Je me spécialise dans les plantes locales. De nombreuses plantes poussent à côté de nos portes, dans des champs, non loin de notre habitation, et elles ont énormément de propriétés. Malheureusement, elles sont laissées pour compte. Lorsque l'on va dans une pharmacie pour se procurer des compléments alimentaires ou des plantes pour des infusions, ces dernières viennent de l'autre bout du monde sans en connaître le mode de production» ajoute-t-elle.
Selon elle, il existe en Afrique du sud l'harpagophytum, une plante médicinale cultivée à outrance. En Picardie ou dans les Hauts-de-France, il existe des plantes tout aussi riches que cette dernière. Par exemple, la scrofulaire s'est fait longtemps voler la vedette par l'harpagophytum. Les deux plantes ont des concentrations d'harpagodise (glucoside d'iridoïdes) équivalentes. Mais, en plus, la scrofulaire contient de l'aucubine et des acides phénoliques à faire pâlir l'harpagophytum. La scrofulaire est donc la plante à choisir dans les douleurs articulaires.
La mauvaise herbe est tout aussi bonne
Après plusieurs minutes à discuter avec Héléna d'Orsetti, on se rend compte que dans la plante, on trouve d'innombrables composants. On parle de totum. Pour essayer de faire simple, cette notion est propre aux plantes médicinales. Elle peut être définie comme l'ensemble des constituants de la plante, c'est-à-dire toutes les substances naturelles contenues dans la plante. L'ensemble des molécules actives et utiles de la plante constituent le totum. Or, aucune de ces molécules prises séparément n'est généralement capable de reproduire les mêmes effets que la plante d'origine. Autrement dit, en phytothérapie, 1 + 1 = 3... et même plus ! Le tout, c'est-à-dire la plante ou partie de plante utilisée entière, est supérieure à la somme de chacun de ses composants. «La tisane à base de reine des prés pour soigner le rhume ou les maux de tête ne fait pas le poids face à un cachet d'aspirine. Paradoxalement, de nos jours on prend de moins en moins d'aspirine à cause des effets secondaires. On a découvert dans la reine des prés des dérivés salicylés qui, après oxydation, deviennent de l'acide salicylique que l'on retrouve dans l'aspirine. L'action anti-inflammatoire est pratiquement identique, l'avantage de la reine des prés par rapport à l'aspirine est que la reine des prés protège la muqueuse gastrique grâce à ses tanins. Chose que ne fait pas l'aspirine», affirme Héléna d'Orsetti. Le climat, le lieu, la composition physique et chimique du sol vont jouer sur la composition des plantes. «On peut trouver l'Achillée mille-feuille dans notre parcelle et en trouver une autre quelques kilomètres plus loin d'une couleur différente. Elle a donc une génétique différente. Si l'ortie est réputée pour soulager l'arthrose ou les rhumatismes, elle a également des effets diurétique, dépuratif, anti-inflammatoire et tonique. Cette plante médicinale, utilisée en phytothérapie, peut être employée sous différentes formes (cataplasme, décoction, bain de bouche...) selon l'effet souhaité. On dit que le plantain est un excellent purificateur du sang, des poumons et de l'estomac. Il soignerait l'hémophilie, la diarrhée, la tuberculose... Le souci du jardin ou calendula est reconnu pour ses propriétés cicatrisantes, antiseptiques et anti-inflammatoires. Sur les plaies, les piqûres d'insectes, les coups de soleil, il vise à calmer la douleur et à favoriser la cicatrisation. Il ne faut pas croire que les plantes médicinales vont soigner dans l'immédiat, il s'agit d'un traitement sur le moyen et le long terme.»
Des plantes sous plusieurs formes
Héléna d'Orsetti fait construire en ce moment un laboratoire pour confectionner «ses petites potions». «Je réalise toutes mes productions dans ma cuisine. Je dois donc tout débarrasser puis désinfecter la pièce. Avec le laboratoire, j'aurais le matériel adéquat. La préparation des produits est très longue avec des techniques presque chirurgicales. De plus, il sera plus simple de répertorier toutes les plantes ayant des spécificités uniques», explique-t-elle. En effet, il existe de nombreux modes de conditionnement. Mais pour comprendre ces différents modes, on doit d'abord comprendre des formes galéniques des plantes médicinales qui sont l'extrait fluide, l'hydrolat, les huiles essentielles, le macérât, la glycériné... Le choix de la bonne plante pour un problème de santé n'est pas suffisant. En effet, chaque plante se révèle à travers une forme privilégiée. Une forme galénique sera plus intéressante à employer en fonction d'un problème de santé donné. «Par exemple, si vous vous êtes brûlé, il sera plus judicieux d'appliquer une crème, un baume ou une huile que d'ingérer une capsule huileuse.» Il existe différentes formes galéniques des plantes médicinales. On trouve donc les «non extractives» les formes galéniques comme les espèces (qui ne sont qu'en d'autre terme les plantes médicinales séchées, mondées, incisées...), les poudres, les SIPF (les suspensions intégrales de plantes fraîches) et les sucs ; les «extractives» (les tisanes, les extraits aqueux, alcooliques, lipidiques,...) ; les formes obtenues par distillation à la vapeur d'eau : huiles essentielles, hydrolats, alcoolats, à base de corps gras (baumes, cérats, crèmes).
On trouve donc à la Ferme de la carrière de la pommade, du macérat à base d'huile ou base d'alcool, des plantes sèches pour les tisanes. Un site internet et un point de vente sont en préparation pour la vente des produits. «Je prévois également d'organiser des promenades botaniques et de me former pour créer un jardin pédagogique pour des visites scolaires. Les enfants verront des plantes locales alors que pour beaucoup, il s'agit de mauvaises herbe (rire).» ajoute-t-elle. Nous ressortons après cette visite non la tête dans les nuages, mais les yeux rivés sur le sol à scruter toutes les plantes.
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