Le grand jeu d’Aviko pour asseoir son développement en France
Augmentation des prix de contrats pour 2023, contractualisation à la carte, partage des risques ou encore collaboration pour rendre la production de pommes de terre plus durables sont les atouts d’un groupe qui entend encore accroître ses approvisionnements en France.
+ 58,6 €/t, c’est l’augmentation moyenne des prix de contrats pour la campagne 2023 (par rapport à 2022) proposée par l’industriel néerlandais Aviko aux adhérents français de l’association Producteurs pour Aviko (PPA) ; laquelle tenait son assemblée générale dans l’Arrageois, le 20 décembre. Pour son président, le nordiste Alain Dequeker, «c’est du jamais vu», s’est-il exclamé. La surprise était d’autant plus agréable pour les planteurs qu’il s’agit d’une augmentation plus importante que celle qui circulait dans la plaine quelques jours plus tôt.
Cette (bonne) nouvelle n’est pas la seule entendue par des producteurs de plus en plus nombreux à s’engager à produire pour Aviko. Ce mardi 20 décembre, à Fresnes-lès-Montauban, l’industriel néerlandais est venu rappeler que ses besoins portent à la fois sur des pommes de terre destinées à la fabrication de frites et de flocons, qu’il existe différents types de contrats – pour la seconde année, les producteurs ont le choix entre des contrats-tonnes ou des contrats-hectares –,
l’inscription dans les contrats d’une clause de force majeure, un assouplissement des conditions de réception pour la prochaine campagne, un programme d’incitation à la durabilité ou encore un bonus de 100 € par chargement dominical.
Pour Alain Dequeker, le président de l’association PPA, la relation qu’entretient l’association avec Aviko n’y serait pas étrangère : «Le rôle de notre association, a-t-il rappelé, c’est de conseiller Aviko sur la manière de s’approvisionner en France. Et l’une des conditions, c’est que ce partenariat soit profitable aux agriculteurs.»
Activité en croissance
Du côté de chez Aviko, on a la confiance de ceux pour qui les affaires tournent bien… et des usines à faire tourner. Après avoir investi quelque 200 millions d’euros dans la construction d’une usine de fabrication de transformation de pommes de terre à Poperinge (B) en parallèle à celle de Proven, le groupe coopératif Cosun – Aviko en est une filiale –
veut désormais en faire une «usine-étendard et s’en servir pour continuer à développer nos activités, selon son président Hans Meeuwis. C’est pour cela que nous avons tout intérêt à bien nous entendre avec PPA». Aux Pays-Bas, le pays d’origine de Cosun et d’Aviko, une organisation similaire est en place. Miser sur la production française apparait pour Aviko comme une manière de répartir les risques en matière d’approvisionnement dans un contexte de marché dynamique pour les produits transformés à base de pommes de terre. Alors que 80 % de l’activité commerciale d’Aviko est réalisée en restauration hors domicile, Dick Zelhorst, directeur des approvisionnements, a de bonnes raisons de croire que «ce business va continuer à se développer».
Le seul «point noir» pourrait être, selon le représentant d’Aviko, «des coûts de transformation qui augmentent, ce qui a nécessairement un impact sur le prix de nos produits». Depuis 2021, le prix de revient d’une tonne de frites a en effet «bondi» au point de s’afficher à un peu plus de 1 000 €/t. «Il n’y a pas d’impact sur le marché pour le moment, mais…», s’interroge Dick Zelhorst.
Généreux et exigeant
Preuve qu’Aviko entend s’installer durablement en France, «nous nous impliquons de plus en plus à l’échelle locale, même si nos usines ne sont pas en France», a assuré de son côté François-Xavier Broutin, responsable appro France-Belgique d’Aviko. «Nous voulons nous inscrire dans le paysage et ne pas être juste un acheteur parmi d’autres.» Et de citer sa présence sur un certain nombre de salons professionnels, mais aussi au sein d’organisations professionnelles.
S’il se montre généreux, l’industriel Aviko est aussi exigeant : «Vous devez progresser sur la certification» a par exemple souligné François-Xavier Broutin. Sans certification, qu’elle soit Global Gap, VVA ou Vegaplan, il n’y pas d’enlèvements de pommes de terre possibles. Tous les producteurs sont aujourd’hui certifiés, mais nous pouvons rencontrer des problèmes de preuve ou de démarches qui ne sont pas à jour. C’est là-dessus qu’il faut vous améliorer en anticipant.»
D’un commun accord, compte tenu d’un contexte économique «particulier» et d’une inflation galopante, les contrats indexés (sur les coûts de production, ndlr) sont, quant à eux, «en stand-by». «Pour 2023, ce type de contrat ne sera proposé, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on abandonne. Nous continuerons quand même à travailler le sujet», a assuré Alain Dequeker. D’une manière générale en ce qui concerne les contrats, «un bon contrat, ce n’est pas qu’un prix…», a-t-il encore souligné. D’autres responsables de l’association rappellent qu’Aviko est jusqu’à présent – et cela depuis deux ans – le seul industriel s’approvisionnant en France à valoriser le calibre 28-35 mm. Enfin, cerise sur le gâteau, les adhérents du groupement Producteurs pour Aviko sont invités à prendre date les 30 et 31 janvier 2023 pour une visite de l’usine de Poperinge. Une autre façon de resserrer les liens.
Des plants plus locaux et plus chers
Si la relation entre l’association PPA et Aviko paraît fraternelle, cela n’empêche pas les producteurs d’exprimer quelques griefs à l’encontre de l’industriel, notamment en ce qui concerne la fourniture des plants. Alain Dequeker le reconnait : «Cela a été un gros sujet de discussion…» L’approvisionnement en plants des producteurs revient en effet à l’industriel qui dispose d’une liste de variétés adaptées à ses utilisations, et les distribuent en fonction des volumes contractualisés. Plusieurs variétés bien connues des producteurs de pommes de terre pour l’industrie sont utilisées : Fontane, Markies, Challenger, Innovator. «À l’avenir, a détaillé Benoît Mancheron, nous voudrions avoir des plants d’origine locale et des variétés plus productives, adaptées à nos terroirs». En 2023, des essais devraient être menés autour de six nouvelles variétés sur le sol français.
En ce qui concerne le prix de la semence, «cette année (2023), il va légèrement augmenter», a pour sa part souligné Alain Dequeker. «Si la rémunération des producteurs de plants ne suit pas, il y a clairement un risque d’abandon de la culture et de pénurie». Dans le même temps, il porte lui aussi une demande pour des variétés plus «modernes». «La plupart des variétés que l’on nous propose aujourd’hui ont autour de vingt ans. Sauf que depuis, les choses ont pas mal changé. Il nous faut de nouvelles variétés plus adaptées aux conditions de production actuelles.»
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