«Cet ouvrage est né d'une en-vie et d'une rencontre. L'envie de donner des clés de compréhension sur l'histoire et le développement du lin, qui suscite un engouement incroyable. Et la rencontre d'un éditeur, Actes Sud, qui démontre un réel intérêt pour les matières, dont celle du lin textile», présente Alain Camilleri, qui a dirigé la rédaction du livre Le Lin, Fibre de Civilisation(s), à l'Alliance du Lin et du Chanvre européens. Cet ouvrage, il le pré-sente «comme une anthologie du lin plutôt qu'une encyclopédie.» Celui-ci a conduit à la participation de trente-six contributeurs, archéo botanistes, archéologues, historiens, laboratoires scientifiques, designers et industriels, ingénieurs, agriculteurs, teilleurs, filateurs et tisseurs européens. Un travail de près de trois ans. «Il a d'abord fallu élaborer le sommaire idéal. Nous voulions nous adresser au grand public comme aux professionnels qui disposent de peu de littérature sur le sujet.» Le deuxième challenge était celui du casting des rédacteurs. «Aucun n'a été difficile à convaincre», sourit Alain Camilleri. L'harmonisation des textes, pour une lecture fluide, était cependant très chronophage. Pour l'Alliance du Lin et du Chanvre européens, le jeu en valait la chandelle.

«Le Lin a signé un pacte culturel avec l'humanité. Il nous entraîne à la découverte des civilisations qui l'ont élevé - y compris spi-rituellement - l'ont filé, tissé et manufacturé, du néolithique à nos jours. Le parcours plurimillénaire du lin se révèle via le filtre d'analyses croisées, fussent-elles agronomiques, anthropologiques, linguistiques, techniques et économiques», présente l'Alliance dans un communiqué. «Le sujet est en fait infini», pointe Alain Camilleri. On y apprend par exemple que les Égyptiens, à l'époque pharaonique, avaient déjà une maîtrise technique avancée de cette culture. «Ils ne le fauchaient pas, mais l'arrachaient déjà, et cela avant maturité pour une fibre d'une extrême finesse. Ils maîtrisaient aussi le rouissage.» La technique culturale est d'ail-leurs évoquée dès le premier chapitre, intitulé «une agriculture et une industrie attentives et responsables». «Entre 2010 et 2020, les surfaces de Lin Nord-Ouest européen cultivé pour la fibre ont augmenté de 132 % et les 9 269 exploitations agricoles dédiées à cette culture ont permis à la France de conforter sa place de leader mondial», justifie l'Alliance. Selon elle, face à l'attractivité croissante de sa fibre, de la mode à la décoration, de l'art de vivre aux composites biosourcés à haute performance, la filière lin se confronte aujourd'hui à un double enjeu : «augmenter sa production et dépasser son volume actuel de moins de 0,5 % des fibres textiles produites dans le monde ; prendre en compte les impacts d'un changement climatique qui redessinera à moyen terme la géographie de la planète Lin». Ce défi convoque les notions de rendement, d'augmentation des surfaces cultivées et de modélisation de la culture vers davantage d'agroécologie.

L'empreinte environne-mentale en question

Question empreinte environne-mentale, la filière agro-industrielle du lin est d'ailleurs la première à se doter d'une méthode de mesure unique, mise en place par la Commission européenne. «Cette grille d'évaluation prend en compte les spécificités de la production et de la transformation du lin européen : une culture de rotation, sans OGM, sans défoliant et sans irrigation (à 99,9 %), une fibre végétale obtenue par extraction 100 % mécanique (le teillage) et qui valorise l'ensemble de la plante (fibres longues, fibres courtes, anas, graines).» Depuis qu'il a été créé, le label European Flax® «passeport de la fibre lin premium cultivée en Europe de l'ouest», a connu un succès exponentiel. Celui-ci doit être étendu aux exploitations pour répondre à la demande. C'est un des en-jeux évoqués dans le livre qui, ses auteurs l'espèrent, deviendra un élément de référence en la matière.