L'Oise Agricole 31 mai 2021 a 11h00 | Par Gaetane Trichet

Le lin se développe dans l'Aisne

Portée par une demande mondiale croissante tirée notamment par la Chine et l'Inde, l'entreprise familiale de teillage Le Lin Français-Jean Decock a installé sur le pôle du Griffon tout près de Laon, une deuxième usine de lin. Retour sur une histoire de fibre familiale.

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«L'ouverture de ce nouveau site a marqué une étape importante du développement de l'entreprise familiale», a expliqué Quentin Decock, directeur du site de Barenton-Bugny.
«L'ouverture de ce nouveau site a marqué une étape importante du développement de l'entreprise familiale», a expliqué Quentin Decock, directeur du site de Barenton-Bugny. - © Agence de presse

Spécialiste du teillage du lin, la famille Decock a implanté en 2021 une deuxième usine près de Laon qu'elle a présentée lors de portes ouvertes à la presse du 17 au 19 mai, organisées en respectant les mesures sanitaires en vigueur. Le Lin Français-Jean Decock est une société familiale a été créée en 1957 par Jean Decock, à Quaëdypre, dans le Nord, spécialisée dans la récolte et le teillage du lin, le stockage, le transport et la logistique. Dans l'objectif de doubler ses capacités de production pour suivre la croissance du marché du lin, une deuxième usine a été implantée à Barenton-Bugny, sur la zone du Griffon en 2021. Le site axonais compte une vingtaine de personnes pour une capacité de transformation de 16.000 tonnes de paille de lin. «Ici à Barenton, nous avons deux lignes et la possibilité d'en installer une troisième. Cela pourrait représenter une quarantaine d'employés à terme» a expliqué Quentin Decock, directeur du site. Ainsi, l'entreprise entend gonfler sa capacité de transformation totale sur les deux sites à 40.000 tonnes. Mais avec cette usine axonaise, c'est aussi un moyen de réduire les flux et les coûts logistiques en se positionnant au coeur de la zone de production de lin.

De la fibre au fil

Implantés sur une surface de 7,5 ha, les 13.000 m2 de bâtiments permettent de transformer localement les lins de l'Aisne, ainsi qu'une partie des lins des producteurs normands. «Cette nouvelle unité permet d'accroître nos capacités de production pour pouvoir suivre le marché qui, une fois la crise du coronavirus passée, retrouvera une croissance au niveau mondial, détaille Quentin Decock. Ce choix géographique de l'Aisne a été dicté par notre volonté de se rapprocher des zones de production et de s'inscrire sur le long terme dans le développement économique local». Aujourd'hui, environ 80 % de la production de fibres de lin sont exportés vers la Chine et l'Inde pour être transformées en tissu. «1 kg de fibres fil de lin produit entre 20 à 39 km de fil selon sa qualité». Et la qualité, les dirigeants y prêtent une attention particulière, notamment en travaillant en collaboration avec les agriculteurs producteurs de lin, 70 dans l'Aisne.

Renouvelée en rotation tous les 7 ans pour éviter d'appauvrir les sols, de prendre perdre en rendements et en qualité, la culture du lin, peu gourmande en intrants, favorise l'activité biologique des sols et améliore la qualité des cultures suivantes de 20 à 30 % (blé, pommes de terre, colza...). «La culture du lin est délicate et très technique. En revanche, elle valorise très bien un travail bien fait si la météo est favorable» explique Ludovic Pointeaux, agriculteur à Barenton-Bugny, qui produit du 15 à 25 ha de lin par an depuis une bonne dizaine d'années. Pour lui, pas de doute, le lin est une culture écologique, qui bénéficie d'un savoir français et d'un très bon débouché. «Je stocke à la ferme et la livraison se fait au fur et à mesure des besoins de l'industriel».

Ludovic Pointeaux utilise la variété Elixir depuis deux ans, une toute jeune variété. Car en lin aussi, la recherche travaille. «Depuis 20 ans, on a gagné environ 20 kg de fibres par hectare et par an», se félicite l'agriculteur, précisant qu'un hectare de lin produit en moyenne entre 1.200 à 1.600 kg de lin teillé.

Un croissant de lin

En France, la production de lin se situe dans un croissant allant du Calvados au Nord en passant par l'Oise et l'Aisne pour les principaux producteurs. Dans la frange partant de l'Orne à la Marne, on trouve plusieurs centaines à plusieurs milliers d'hectares comme en Seine-et-Marne par exemple. Aussi, avec quasiment 150.000 ha, dont 50.315 en Hauts-de-France et 85.245 en Normandie, la France reste le pays leader en production de fibres de lin avec 61 % de la production européenne mondiale. Elle est suivie par la Belgique qui représente 14 %. La fibre est utilisée principalement pour le textile, mais pas que. Stockées en balles rondes, les fibres longues de bonne qualité serviront à la fabrication de tissu. Les fibres courtes, de moins bonne qualité, sont stockées en balles carrées et sont destinées à la papeterie. Pour l'anecdote, des fibres de lin français ont servi à la confection de dollars américains. Les autres parties de la plante sont valorisables. Les graines récupérées sont transformées en huile et les anas (copeaux issus de la tige) serviront de litière pour animaux, de panneaux agglomérés ou de plaquettes combustibles. «Même la poussière dégagée lors du travail du lin peut servir de fertilisant dans les champs», annonce Édouard-Charles Decock.

Alors aujourd'hui c'est sûr, l'engouement mondial pour le lin et l'envolée des prix actuelle offrent de belles perspectives pour la société Le Lin Français-Jean Decock ainsi que pour les agriculteurs de nos régions.

- © Agence de presse

Quand la fibre devient fil

Après la récolte, les pailles de lin sont travaillées mécaniquement tout au long de l'année dans les usines de teillage. Cette première transformation de la paille a pour but d'extraire toutes les parties de la paille. Le processus de teillage est mécanique et se décompose en différentes étapes : l'égrenage, l'étirage, le broyage et le battage.

Arrivées à l'usine, les balles de pailles sont déroulées et étalées sous forme d'une nappe régulière. Les tiges passent dans un égaliseur pour être parallélisées. Les graines de lin sont récupérées grâce à un peigne.

Lors de l'étirage, l'épaisseur de la nappe diminue progressivement en passant entre une série de disques dentés. Les pailles sont ensuite broyées par des cylindres cannelés. Les fragments de bois au centre des pailles, appelés anas, sont récupérés par aspiration.

Lors de l'écangage, les fibres sont nettoyées par des tambours, munis de lames de faible épaisseur. Elles frottent les fibres à une vitesse proche de 200 tours/min. Les fibres courtes (ou étoupes), sont évacuées par aspiration. Elles seront nettoyées sur un secoueur pour retirer les derniers anas. En bout de ligne, les fibres longues sortent et sont alors conditionnées en balles d'environ 100 kg.

Un hectare de lin produit en moyenne entre 1.200 et 1.600 kg de lin teillé.

Le teillage a donc séparé les pailles de lin en :

- fbres longues (15 à 25 % du poids brut) : utilisé dans le textile principalement et depuis peu, dans des matériaux composites (industries automobile, aéronautique, construction, etc.)

- fibres courtes (7 à 10 % du poids) : utilisé en papeterie

- anas (45 à 50 % du poids) : valorisés sous forme de paillettes de bois pour le jardinage, les litières animales, l'aggloméré, combustible pour chaufferie industrielle...

- graines (5 à 10 % du poids) : utilisé en semences ou transformé en huilerie non alimentaire - Freintes / Poussières (15 à 20 % du poids) : utilisé comme amendement organique Toutes les parties du lin sont donc valorisées. Le lin est une plante 0 déchet. Pour le lin fibre, les étapes suivantes sont le peignage et la filature.

Du semis à la récolte

Les semis débutent au printemps, en mars ou avril, selon la région. Les graines sont semées à une profondeur de 1 à 2 cm et le lin atteint sa maturité au bout de 100 jours. Sur chaque pied se répartissent 80 à 100 feuilles. La floraison a lieu en juin. La plante atteint une hauteur d'environ 100 cm. La durée de vie d'une fleur n'est que de quelques heures : elle s'épanouit le matin et se fane avec la chaleur à la mi-journée. Une fois la plante arrivée à maturité, l'arrachage peut commencer. Il débute en juillet, lorsque les tiges ont perdu leurs feuilles sur le tiers de leur longueur depuis le sol. Le lin n'est pas fauché, mais arraché, pour préserver les tiges dans toute leur longueur. Celles-ci sont ensuite déposées au sol en andains (nappe de lin d'une largeur d'un mètre).

Le rouissage est la première phase 100 % naturelle de séparation des fibres de lin. Les précipitations, la rosée matinale et le soleil aident les micro-organismes présents dans le sol à éliminer la pectose qui soude les fibres textiles à la partie ligneuse de la tige. La phase de rouissage s'étend de juillet à septembre. Pour favoriser un rouissage homogène, les lins sont retournés à mi-parcours. Au terme de cette étape, le lin est rassemblé sous forme de balles.

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