Les OPA dans l'attente des résultats finaux pour décider des mesures à prendre
À l'appel de la FDSEA et de JA de l'Oise, toutes les organisations professionnelles départementales étaient conviées ce vendredi 2 août à la maison de l'agriculture pour un bilan intermédiaire de la moisson, en présence de Catherine Séguin, préfète, et de représentants de la DDT.

Le président Régis Desrumaux dressait d'emblée le constat d'une moisson avec des résultats de moyens à catastrophiques, la survenue de gros orages la semaine dernière et la présence d'eau sur le Noyonnais depuis des mois. D'où l'initiative de cette réunion qualifiée de crise. «FDSEA et JA en appellent à l'État et demandent une extrême vigilance à toutes les OPA car il faudra aider les agriculteurs, non seulement à passer le cap de cette moisson, mais aussi à démarrer la prochaine campagne. Beaucoup d'exploitants sont démoralisés et parfois dans des situations financières complexes», déplore le président de la FDSEA.
La parole est donnée aux coopératives qui détaillent l'avancée des récoltes et les rendements obtenus. Pour la Coop de Milly, Didier Verbecke, son président, et Arnaud Clément, son directeur, annoncent 80 % de la moisson effectuée avec des résultats très décevants : 61 q en escourgeons avec des petits PS, des blés aux trois quarts récoltés, allant de 40 à 90 q avec une moyenne qui tournera sans doute autour de 65 q et des PS moyens, insuffisants pour l'export, des colzas qui constituent la seule bonne surprise, autour de 35 q. Quant aux orges de printemps récoltées à 40 %, elles devraient approcher les 65 q avec une qualité moyenne.
Pour l'Ucac, le président Hans Dekkers dresse le même constat : des secteurs qui décrochent fortement, des terres de plateau qui ont mieux résisté aux précipitations que celles de vallée, globalement une baisse de collecte de 30 % et des trésoreries d'adhérents fortement dégradées.
Sur le secteur Oise de Valfrance, Simon Verger, directeur du pôle Aval, décrit une très forte hétérogénéité des rendements en blé où 80 % de la récolte est levée, avec une moyenne autour de 60-65 q. Beaucoup de PS sont à moins de 70 mais, heureusement, un bon taux de protéine et un bon Hagberg devraient assurer les débouchés en panification. L'orge d'hiver finit à 65 q avec une qualité proche des normes et le colza à 31 q/ha, seule récolte qui tire à peu près son épingle du jeu.
Enfin, pour Agora, le président Thierry Dupont et la directrice Agnès Duwer annoncent qu'il reste 25-30 % à récolter, que des disparités extrêmes sont constatées entre secteurs et agriculteurs. Les dates de semis et les variétés semblent expliquer en partie ces écarts. La moyenne en blé devrait être autour de 72 q au lieu de 84 habituellement et, depuis le 25 juillet, les PS se détériorent, parfois en dessous de 75, ce qui va poser des problèmes de commercialisation. Le colza a bien résisté à 35 q et l'espoir se porte maintenant sur les maïs, plutôt beaux. N'empêche : la coopérative subit une baisse d'activité et il va falloir plus travailler le grain pour le vendre. Il sera compliqué de trouver des marchés pour les PS très bas et, à l'export, le blé français est actuellement trop cher.
Néanmoins, la FDSEA demande aux coopératives de faire preuve de clémence dans l'application de leur grille de pénalités par rapport à la qualité livrée.
Social, gestion et finances
Antoine Niay, président de la MSA de Picardie, et Éric Aernoudts, directeur adjoint, font état de difficultés de paiement du premier appel à cotisations et du mal-être agricole généralisé. Parallèlement, le budget des aides versées par l'État est en forte baisse, ce qui laisse moins de possibilités de soutien.
Au Crédit agricole Brie-Picardie Jean-Baptiste Daire constate que, depuis début 2024, l'indicateur de risque frémit et que le nombre de clients dits sensibles augmente. Depuis deux moins, les trésoreries se dégradent, mais moins qu'en 2016. Par contre, les charges ont fortement augmenté, notamment celles liées au matériel, et la banque anticipe des difficultés ponctuelles, avec un accompagnement adapté.
Au CerFrance Picardie-Nord de Seine, Vincent Loisel, président, et Olivier Taisne, directeur, évoquent l'effet ciseaux qui se manifeste depuis l'année dernière avec des hausses de charges et des prix en baisse : la situation est inquiétante et les trésoreries se dégradent, avec des dettes court termes plus importantes. Chez AS60-AGC, le président Didier Verbeke annonce des charges de structures passées de 800 EUR/ha en 2007 à 1.200 en 2023 et un coût de production du blé de 150 EUR/ha en 2027 contre 210 aujourd'hui. La moisson 2024 aura des conséquences lourdes sur les exploitations, mais aussi sur les familles.
Pascal Foucault et Adrien Dupuy, présidents d'arrondissement FDSEA, font part de témoignages d'agriculteurs très inquiets : touchés par les orages, en bio, avec des rendements catastrophiques pour certains. Alix Hache, président de la CGB Oise, n'est pas optimiste pour la récolte betteravière à venir car les premiers prélèvements traduisent le manque de soleil et de chaleur. Il pointe aussi le système assurantiel qui, avec 20 % de franchise, n'est pas adapté à la situation. Ludovic Chartier, administrateur Groupama, rappelle que l'indemnisation doit suivre une procédure (prévenir l'expert, récolte laissée en place...), pas toujours facile à respecter par les assurés.
Côté Jeunes Agriculteurs, Matthieu Carpentier, président, et Armelle Fraiture, co-secrétaire générale, pointent la situation des jeunes installés pour lesquels la moisson 2024 est la première. Comment continuer à donner envie de s'installer ?
Que faire ?
D'entrée de jeu, tous les responsables s'accordent à dire qu'il faudra attendre les résultats finaux de la moisson pour bien en mesurer les conséquences. Les coopératives s'engagent à travailler pour assurer la meilleure valorisation possible du grain et ce sont leurs conseils d'administration qui décideront de l'aide à apporter aux adhérents. Pas question de toucher aux fonds propres, destinés à assurer la pérennité des outils à disposition des adhérents d'aujourd'hui et de demain. Pourquoi ne pas imaginer des démarches identiques à celles mises en place en 2016 ? C'est une piste de travail pour les coopératives, mais les négociants en grain devront également proposer un accompagnement. Régis Desrumaux s'engage à échanger avec les négoces, de la même manière qu'il le fait avec les coopératives.
Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, assure que le moral des agriculteurs est au plus bas, parfois proche du burn out. «Aujourd'hui, nous pouvons néanmoins leur assurer que chaque OPA de ce département fera son maximum pour les aider».
Et des pistes sont avancées, notamment en ce qui concerne l'assurance, avec seulement un tiers des agriculteurs qui y souscrivent. Une franchise trop haute, l'assurance qui déclenche moins. «Il y a sans doute là une vraie réflexion à mener, assure Hervé Ansellin, président de la Chambre d'agriculture. Plus largement, force est de constater que le modèle agricole qui a longtemps prévalu dans l'Oise n'est plus adapté. Il faut aller vers plus de diversification mais, pour cela, il faut que l'accès à l'eau soit possible.» Le maintien des moyens de production et notamment du recours à la chimie est indispensable.
Denis Pype, pour le Conseil régional, et Benoît Biberon pour le Conseil départemental, sont prêts à aider l'agriculture, mais se demandent de quelle manière. Peut-être en aidant à des audits ou des conseils pour intervenir, non pas de façon conjoncturelle, mais plus structurellement pour aller vers une meilleure adaptation des systèmes de production et plus de résilience.
Alexis Hache propose qu'il soit permis de dénoncer les options fiscales triennales de façon plus souple afin de favoriser les trésoreries et Pascal Foucault plaide pour la solidarité nationale au-delà de 50 % de pertes.
Régis Desrumaux demande clairement à la préfète de l'Oise que les contrôles de l'année fassent preuve de compréhension, qu'il soit possible de brûler les lins arrachés et envolés lors des derniers orages. De même, alors que les chaumes de colza doivent rester en place 4 semaines après la récolte, il demande à ce qu'il puisse être possible, pour profiter des sols humides, pour réaliser de faux semis pour lutter contre les adventices et aussi détruire les limaces, particulièrement nombreuses cette année. Il plaide pour le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti et que le premier paiement des primes Pac soit bien versé à tous aux dates convenues. Sur ce dernier point, Catherine Séguin et Jérémy Hetzel et Emmanuelle Hestin, de la DDT, confirment que les trains de paiement sont programmés aux 15, 16 et 17 octobre, à hauteur de 70 % du montant des primes Pac. Mais la préfète s'interroge sur le fait que 2 agriculteurs sur trois ne soient pas assurés contre les aléas. Elle estime qu'il faudrait mettre en place des signaux incitatifs car «les aléas semblent malheureusement devenir une banalité.» Il va falloir travailler sur le fond pour apporter plus de résilience aux exploitations. Le dégrèvement TFNB devrait pouvoir être accepté rapidement et Catherine Seguin rappelle que des mesures pourraient être mises en place via la BPI. Tout devrait pouvoir se concrétiser après la fin des Jeux olympiques et la nomination d'un nouveau gouvernement. Au niveau départemental, les services de l'État semblent avoir pris la mesure de la situation.
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