Levée de frein pour la réutilisation des eaux usées dans l'agroalimentaire
Le site de Danone Pays de Bray à Ferrières-en-Bray est lauréat d'un projet France Expérimentation, qui lui permettra de réaliser de très importantes économies en eau.
Un déblocage réglementaire était très attendu par l'industriel agroalimentaire Danone concernant la réutilisation des eaux usées traitées (Reut). Il sera effectif avant la fin de l'année puisque le décret sortira au mois d'octobre prochain. La bonne nouvelle a été annoncée par Christophe Béchu, ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des territoires, en visite le 28 août dans les locaux de Danone à Ferrières-en-Bray.
200 équipements à nettoyer quotidiennement
Le ministre était accompagné de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, ainsi que d'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, pour découvrir le double projet économique et social en matière d'eau sur le plus ancien site en activité de Danone : la réutilisation des eaux usées dans les process de l'usine, en particulier le nettoyage des lignes de production ou le rinçage des cuves de yaourts.
«Danone a déjà développé différentes initiatives entre 2010 et 2013 qui ont permis de diminuer la consommation de l'eau. Par exemple dans l'usine Blédina de Brive-la-Gaillarde, ce sont 56 % d'économies annuelles qui ont été réalisées entre 2010 et 2012. Ce plan de réduction de la consommation de l'eau du réseau a également été mis en place sur le site de Ferrières, mais pour aller plus loin, nous avons besoin de voir évoluer le cadre réglementaire», a expliqué François Eyraud, directeur général de Danone France.
Équilibre entre enjeu sanitaire et économie d'eau
Seulement, la réindustrialisation des eaux usées dans une usine de l'agroalimentaire a un lien très étroit avec la santé humaine. Jusqu'où peut-on aller dans l'utilisation de cette eau usée ?
«Le ministère de la Santé doit prouver la qualité sanitaire des produits, mais doit aussi regarder comment on peut faire évoluer ces problématiques de la réutilisation de l'eau. Tout est une question d'équilibre entre l'enjeu sanitaire et l'économie d'eau», a ajouté Agnès Firmin Le Bodo.
France Expérimentation lève les règles
Avec la réglementation actuelle, en optimisant les phases de nettoyage, l'usine a déjà réalisé 20 % d'économie sur sa consommation d'eau (150 millions litres d'eau). En déplaçant le curseur de la réglementation actuelle, l'usine va pouvoir encore aller plus loin.
À la sortie de l'usine, l'eau retraitée par la station d'épuration du site part dans un ruisseau. Demain, cette eau subira des phases d'ultra-filtration et d'osmose inverse pour être réutilisée dans une partie des éléments de production (refroidissement des installations et nettoyage des cuves).
Ce procédé pilote de nettoyage et de traitement des eaux usées (ReUse) est en expérimentation dans le cadre de France Expérimentation. Ce dispositif interministériel permet de lever des blocages juridiques entravant la réalisation de projets innovants, grâce à la mise en place de dérogations, à titre expérimental.
«France Expérimentation fonctionne sur de nombreux sujets dont la réutilisation de l'eau. À ce jour, nous accompagnons 150 projets sur toute la France et, s'ils fonctionnent, nous faisons évoluer la réglementation. Très concrètement, le site de Ferrières, grâce à France Expérimentation, va pouvoir économiser l'eau de 70 piscines olympiques. L'administration, au service de l'innovation, va permettre d'accélérer la transition écologique et permettre à ceux qui innovent sur le terrain de le faire plus facilement», a déclaré Stanislas Guerini.
ReUse montre le potentiel du réemploi des eaux usées traitées sur le site de Danone Pays de Bray mais également pour tout le secteur de l'agroalimentaire. «La possibilité de réutiliser cette eau va induire une réduction additionnelle de 30 % de la consommation de l'usine, soit environ un volume annuel de 200 millions de litres d'eau», a précisé le directeur de l'usine Bruno Mauduyt.
Une France à la traîne en Europe
Le droit européen autorise explicitement l'usage des eaux usées traitées en industries alimentaires quand elles respectent les critères de potabilité. À titre d'exemple, en Espagne, c'est 20 % des eaux usées, 10 % en Italie. En Belgique, une bière est déjà brassée avec de l'eau ReUse.
En revanche, c'est interdit en France par le Code de la santé publique. Des exceptions sont prévues à l'article L. 1322-14, mais elles doivent être précisées par un décret en Conseil d'État.
La publication du décret en question devrait permettre l'industrialisation puis le démarrage en production d'une eau de qualité «eau potable» d'ici quelques semaines sur le site de Ferrières-en-Bray. Ce décret est porté par le ministère de l'Agriculture et le ministère de la Santé.
En bougeant le curseur de la réglementation il sera donc possible pour Danone d'aller plus loin et les trois ministres en visite espèrent que cela sera inspirant pour d'autres industriels du secteur de l'agroalimentaire.
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