L'Oise Agricole 30 octobre 2022 a 10h00 | Par Margot Fellmann

Montbéliarde : histoire d'une vache de caractère

Elle porte un nom bien français, mais trouve ses origines en Suisse, dans le canton de Berne. La montbéliarde a, au fil des siècles, séduit les éleveurs de part et d'autre de la frontière. À travers son histoire, parfois rocambolesque, on comprend la passion qui entoure la belle tachetée.

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La montbéliarde est particulièrement bien valorisée en Suisse, grâce à sa production fromagère, mais aussi grâce à ses veaux et ses bêtes réformées.
La montbéliarde est particulièrement bien valorisée en Suisse, grâce à sa production fromagère, mais aussi grâce à ses veaux et ses bêtes réformées. - © Margot Fellmann

La montbéliarde trouve ses racines au XVIIe siècle, dans les montagnes bernoises. Des éleveurs mennonites de la région, fuyant les persécutions religieuses, s'installent en Pays de Montbéliard, emportant avec eux leurs troupeaux de race simmental. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les éleveurs ne se soucient guère de la race de leurs bovins. Ce qui compte alors, c'est la capacité de la bête à produire le lait nécessaire pour faire vivre les familles. L'apparition de la sélection génétique change la donne. L'appellation «montbéliarde» apparaît pour la première fois en 1872 à la foire de Couthenans, en Haute-Saône. Les mennonites l'appelaient jusqu'ici la « race d'Alsace », mais l'annexion de la région par l'Allemagne rend la dénomination moins attrayante. En France, la montbéliarde est officiellement reconnue et inscrite sur le registre officiel des races françaises par le ministre de l'Agriculture en 1889.

La nuit du 12 mai 1967

En Suisse, l'histoire de la montbéliarde est plus tourmentée. En effet, l'insémination artificielle bovine est longtemps interdite chez les Helvètes. Et c'est seulement en 1966 qu'est créée la Fédération des sélectionneurs de bétail bovin. Quelques mois plus tard, des dissidents vaudois tentent de se procurer des semences de montbéliardes auprès de leurs voisins francs-comtois. L'histoire raconte que dans la nuit du 12 mai 1967, ils traversent la frontière, en toute illégalité, afin de ramener le précieux trésor. Un événement qui mènera finalement à l'obtention de la légalisation de la race. Cet acharnement résonne aujourd'hui avec la passion des éleveurs suisses. C'était le Far West, version suisse évidemment, racontent les éleveurs.

Aujourd'hui, l'Usem, l'Union suisse des éleveurs de la race montbéliarde, travaille au développement de la race. Un engagement porteur puisque c'est une des seules qui progresse encore dans le pays et ce, de manière considérable. La répartition des élevages est néanmoins hétérogène et les cantons de Vaud, de Neuchâtel et du Jura prédominent. Comme en France, la montbéliarde se plaît dans les régions vallonnées ou montagneuses, ce qui n'est pas sans rapport avec sa réputation. Elle est connue pour être fonctionnelle, robuste, bonne travailleuse et moins demandeuse d'attentions que d'autres races. Ses trayons supplémentaires sont un atout de plus, tout comme le gène sans corne. Le génotypage est quant à lui plutôt en retard comparé à la France. Malgré tous ces attraits, en Suisse, on lui préfère souvent la red holstein, la référence, témoigne Éric Gerber, juge à Habsheim et éleveur à Vendlincourt. Et il est vrai que, en Suisse allemande particulièrement, on lui reproche souvent d'être caractérielle.

Une race mieux valorisée

Le pays sait néanmoins tirer le meilleur de la race. Elle est d'ailleurs bien mieux valorisée qu'en France. Sa mixité permet une très bonne valorisation des veaux et des vaches de réforme. En Suisse, le pâturage - qui représente 70 % de la SAU du pays - est également bien ancré et valorisé grâce à une large production fromagère : AOP Gruyère, Tête de moine... S'ajoutent à cela un lait mieux rémunéré et des primes diverses qui existent pour saluer la qualité du produit. Un aspect qui a de quoi interpeller les éleveurs français. Il faut dire que si leurs homologues suisses sont particulièrement protégés par l'État, les contreparties sont des coûts de production bien plus élevés et une réglementation importante, que ce soit en matière de bien-être animal ou de régularité de la production. «Il faut aller au bout de la comparaison, insistent les Suisses. Même s'il faut admettre que l'élevage suisse est mieux soutenu qu'ailleurs.»

Les défenseurs de la montbéliarde

L'Usem, c'est l'Union suisse des éleveurs de la race montbéliarde. Créée en 1995, elle est composée d'éleveurs passionnés. Elle compte aujourd'hui 85 membres francophones et 15 alémaniques. Les membres s'engagent à développer la race dans leurs troupeaux. Ainsi une majorité d'entre eux sont affiliés à Swissherdbook, un herdbook multi-races et la fédération d'élevage la plus grande du pays.

La race au XIXe siècle

«Une race remarquable par l'abondance du lait qu'elle produit est la race de Fribourg ou de Berne. Elle est colossale, taille quatre pieds dix pouces dans les deux sexes. Les mâles et les femelles ne diffèrent point par le volume du corps : ils pèsent mille à mille deux cents livres (environ 500 à 600 kilogrammes) [...]. La robe est bigarrée de noir, de blanc et de rouge, cette dernière nuance prédominant sur toutes les parties du corps, à l'exception de la tête qui est ordinairement blanche. Le corps est massif, l'origine de la queue fort élevée [...]. Les boeufs sont mous, les Suisses de la région de Berne font venir des boeufs du Charollais ou d'Auvergne pour cultiver leurs terres. Les vaches bernoises ont des mamelles d'où découlent des torrents de lait : 25 à 30 litres par jour.» Extrait de Les races étrangères, dans La Maison rustique au XXe siècle, 1837.

Éric et Valérie Gerber-Soguel sont suisses, éleveurs et associés à Vendlincourt, et évidemment passionnés de montbéliardes.
Éric et Valérie Gerber-Soguel sont suisses, éleveurs et associés à Vendlincourt, et évidemment passionnés de montbéliardes. - © Margot Fellmann

Rencontre avec Éric et Valérie Gerber-Soguel à Vendlincourt

À quelques encablures du Jura alsacien, Éric et Valérie Gerber-Soguel élèvent une soixantaine de vaches de races diverses. Mais ce qui les anime, c'est bien la montbéliarde et les bêtes de concours de l'exploitation. Le couple d'associés, avec l'aide de leur salariée à 70 %, Mylène, exploite ensemble leur ferme en polyculture-élevage. Les 55 vaches laitières, pour 94 animaux en tout, comptent principalement des montbéliardes, mais aussi des bêtes issues de croisements, «pour la paix des ménages», ironise l'éleveur. Le lait, livré à Mooh, est destiné à une production industrielle de lait UHT et autres yaourts. La production moyenne du cheptel est de 9.200 à 9.500 litres par an. Côté assolement, 75 hectares sont répartis entre herbe, maïs, céréales, colza et betteraves. Éric est un passionné de la race et des concours. L'ensemble des femelles du troupeau sont d'ailleurs génotypées. Il compte plusieurs championnes qui font sa fierté. Lors de la visite des éleveurs français sur son exploitation, en juin dernier, l'éleveur a présenté l'ensemble de ses montbéliardes, sous l'oeil expert de ses collègues. Les spectateurs ont été happés par le spectacle, les analyses précises et l'enthousiasme de l'éleveur. Il faut dire que la réputation d'Éric Gerber n'est plus à faire, il était aussi le juge expert lors du concours de Habsheim en 2021.

 

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