L'Oise Agricole 31 décembre 2025 a 07h00 | Par Pierre Poulain

Pea4Ever : l’union sacrée des semenciers pour relancer le pois protéagineux

Face à des surfaces en chute libre et des rendements instables, la filière pois réagit. Le projet Pea4Ever rassemble trois concurrents historiques de la sélection variétale autour d’un objectif commun : briser le cercle vicieux du déclin et sécuriser 300.000 hectares de pois en France à moyen terme.

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Séminaire du projet Pea4Ever à Paris le 25 novembre avec ses partenaires.
Séminaire du projet Pea4Ever à Paris le 25 novembre avec ses partenaires. - © RN40

C’est un constat amer pour une culture qui a pourtant tout pour plaire agronomiquement. Dans les années 1990, la France comptait près de 800.000 hectares de pois protéagineux. Aujourd'hui, les surfaces peinent à atteindre les 200.000 hectares. «Les rendements sont devenus instables à cause d'un combo de facteurs : le climat, les bioagresseurs et un décalage des bassins de production», explique Florian Barthes, coordinateur du GIE PeaBoost.

Pour inverser la tendance, la filière a lancé le projet Pea4Ever. Son ambition est de rendre le pois de nouveau compétitif face aux grandes cultures comme le blé ou le colza et atteindre une marge équivalente. Mais à l’heure actuelle, le progrès génétique, pourtant réel (+ 20 à 25 % de potentiel sur le pois d’hiver en 20 ans), ne se voit pas dans les bennes. Florian Barthes pointe du doigt un manque d'investissement historique : «Contrairement au blé, la taille des programmes de recherche sur le pois était insuffisante pour compenser la rapidité du changement climatique et la pression sanitaire».

L'ennemi public numéro un se nomme Aphanomyces. Ce pathogène du sol s'est installé durablement dans les bassins historiques à cause de rotations trop courtes par le passé. S’ajoutent à cela les stress hydrique, thermique et les viroses transmises par les pucerons.

Des variétés résistantes à l'horizon 2030

La force de Pea4Ever réside dans sa structure. Le projet réunit trois géants de la semence habituellement concurrents : RAGT, LG et Florimond Desprez. «C'est l'initiative de trois grands chefs qui se sont dit qu'au vu de la taille du marché, mutualiser les efforts permettrait d'avoir plus de force», précise Florian Barthes. Concrètement, ces obtenteurs partagent leurs ressources génétiques pour créer un vaste programme de croisements communs. Ils mettent également en commun leurs compétences en phénotypage et en marquage moléculaire. L'objectif est d'accélérer la sélection grâce à des outils modernes comme les drones et la sélection génomique.

Les travaux se concentrent sur les verrous majeurs. Pour les viroses (notamment le PEMV et le PSbMV), des gènes de résistance ont été identifiés. «On vise la disponibilité des premières variétés résistantes aux virus pour les agriculteurs vers 2030», annonce le coordinateur. Pour l'Aphanomyces, l'enjeu est plus complexe. Si des tolérances partielles existent, la «double résistance» (virus + Aphanomyces) est espérée pour 2035. En attendant, le pois d'hiver reste une stratégie efficace d'échappement : semé en novembre, son système racinaire est suffisamment robuste au printemps pour tolérer la pression du champignon, contrairement au pois de printemps.

L'agronomie reste la clé

Si la génétique promet beaucoup, elle ne fera pas tout. «La génétique contribue au rendement, mais l'itinéraire cultural reste déterminant», insiste Florian Barthes. Pour réussir son pois aujourd'hui, suivre les recommandations de Terres Inovia est essentiel selon le GIE PeaBoost. Parmi ceux-ci : d’abord le choix de la parcelle, en réalisant un test de sol (environ 30 €) pour vérifier le niveau d'infection Aphanomyces. La date de semis est un second levier : pour le pois d'hiver, ne pas semer trop tôt (autour du 15 novembre dans le Nord) pour limiter les maladies aériennes. Pour le pois de printemps, semer le plus tôt possible (mi-février) pour éviter les stress thermiques de fin de cycle. Enfin, des tours de plaine fréquents sont indispensables pour intervenir à temps sur les pucerons vecteurs et les maladies aériennes.

Avec Pea4Ever, la filière espère sécuriser les rendements et redonner confiance aux producteurs, pour que le pois retrouve sa place dans les assolements.

À propos de PeaBoost

Lancé en février 2024, le Groupement d'intérêt économique (GIE) PeaBoost réunit trois acteurs majeurs de la semence - Limagrain, Florimond Desprez et RAGT - avec le soutien de Sofiprotéol. Cette structure a pour objectif de relancer la culture du pois protéagineux en France et en Europe par l'accélération du progrès génétique. Au cœur de cette stratégie, le programme de recherche Pea4Ever mobilise des financements publics (Stratégie nationale protéines végétales) et privés. Le GIE s'appuie sur la mutualisation des ressources génétiques et des expertises de ses membres, en collaboration avec des partenaires techniques et scientifiques de premier plan : Inrae, Terres Inovia, Fnams et Geves. Objectifs : amélioration du potentiel de rendement et de la régularité ; renforcement des résistances aux stress biotiques et climatiques ; contribution à l'autonomie protéique et au bilan carbone des exploitations via la fixation de l'azote.

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