L'Oise Agricole 04 décembre 2025 a 09h00 | Par Pierre Poulain

«Que les sangliers ne restent pas au calme en plaine»

Alors qu'il s'apprête à passer la main après deux mandats à la tête de la section Faune sauvage, Vincent Boucher plaide à nouveau pour une destruction systématique des couverts (Cipan) afin de priver les sangliers de refuges en plaine. Il exhorte chasseurs et agriculteurs à une prise de responsabilité commune. Pour l'élu syndical, la régulation stagne et l'activité économique agricole ne doit plus être la variable d'ajustement de la chasse de loisir.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
«Si on laisse l'engrais vert, il faut impérativement des actions de chasse.»
«Si on laisse l'engrais vert, il faut impérativement des actions de chasse.» - © J.-C. Gutner

Vous appelez à la destruction des Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates) ou aux prélèvements de sangliers. Pourquoi et que privilégiez-vous ?

Vincent Boucher : Ma réponse est simple : c'est pour que les sangliers ne restent pas au calme en plaine. Il faut qu'ils soient bousculés et qu'ils repartent vers les bois pour être tirés par les chasseurs de gros gibier pendant l'hiver. L'objectif de broyer les Cipan, c'est de supprimer ce couvert végétal qui leur sert de refuge. Dès que la réglementation autorise les agriculteurs à broyer les engrais verts, il faut que ceux qui l'ont prévu le fassent. Pour ceux qui ont des contraintes environnementales et ne peuvent pas broyer, il faut «casser» le couvert pour faire fuir les sangliers. Si on laisse l'engrais vert, il faut impérativement des actions de chasse : soit le propriétaire est chasseur et organise des battues régulières (tous les 15 jours/3 semaines) pour mettre l'odeur des chiens et des rabatteurs, soit il doit trouver des voisins ou des gens du monde rural prêts à faire ces battues. L'animal ne doit pas se sentir en sécurité.

La destruction des engrais verts sera-t-elle suffisante pour empêcher les dégâts ?

Oui. S'ils ne trouvent pas de refuge au calme pour se reposer la journée - s'il n'y a plus de couverts ou que des cultures rases - ils sont obligés de se réfugier en forêt. Cela permet d'éviter les dégâts dans les maïs, les blés semés ou les betteraves. Il faut savoir que lors des années riches en glands et châtaignes en forêt, les sangliers ont besoin de compenser leur énergie par des protéines, qu'ils trouvent dans les vers de terre. S'ils ne sont pas cantonnés en forêt, ils viendront chercher ces vers de terre en plaine, causant des dégâts.

Y a-t-il d'autres moyens de prévention ?

À court terme, la solution reste la chasse et la régulation. Il faut indiquer à la Fédération des chasseurs les parcelles sensibles (maïs, pois) et prévoir les cultures à protéger en faisant la demande de bracelets. L'objectif du monde agricole doit être de tuer le maximum de sangliers pour limiter les dégâts l'année suivante. Si on laisse les populations en l'état, les laies (femelles) continuent de faire des portées de plus en plus prolifiques (jusqu'à 10 marcassins avec l'âge). Il faut prélever les gros comme les petits pour éviter que les jeunes ne deviennent de futures laies reproductrices au printemps.

Votre mandat se termine aux élections de janvier. Comptez-vous vous représenter ?

Non, j'ai déjà fait deux mandats. À 62 ans, il faut laisser la place à des plus jeunes qui auront la pêche pour relever le défi de la baisse des dégâts. Je suis né dans une famille qui aimait la chasse, et j'aime ça moi-même. Mais j'ai pris la responsabilité de la section Faune Sauvage parce que je ne tolérais pas de voir le travail des agriculteurs saccagé. Un agriculteur «bichonne» ses cultures pour obtenir un optimum, et voir ce travail détruit me mettait hors de moi. Ce qui m'a révolté, c'est l'irresponsabilité de certains : on chasse en forêt, mais on ne se sent pas responsable des dégâts en plaine. J'ai voulu que les agriculteurs se sentent acteurs de la protection de leurs cultures, soit en chassant eux-mêmes, soit en accueillant des tireurs externes.

Quels seront les dossiers chauds pour votre successeur ?

Il faudra continuer à mettre la pression pour que les chasseurs se sentent responsables. Il faut maintenir les actions de régulation que nous avons mises en place dans l'Oise (tir de récolte, tir au mirador, piégeage, assistance aux lieutenants de louveterie), même si certaines ont été attaquées juridiquement. Surtout, il faut s'assurer que les agriculteurs soient respectés par la Fédération des chasseurs. Pour rappel, en mars 2021, une Charte de bonnes conduites pour la réduction des dégâts a été signé entre la Fédération des chasseurs de l'Oise, la FDSEA 60 et la préfecture. Nous sommes en révision de cette charte actuellement. L'agriculture est une activité économique qui ne doit pas subir les pertes liées à un loisir. Quand on perd du chiffre d'affaires à cause du gibier, ce sont des charges qu'on ne peut plus payer. Il faut que les barèmes d'indemnisation et les délais de paiement soient corrects. Ce n'est pas aux agriculteurs de subir une perte de revenu systématique parce qu'ils sont situés en bordure de forêt. On entendait en 2021 qu'il fallait tuer plus de 20.000 sangliers ; or, nous stagnons entre 9.000 et 12.000. Ce n'est pas normal. Il faut que la régulation soit effective pour que le loisir (la chasse) ne devienne pas un mal-être pour les agriculteurs. Enfin, si le sanglier est un gros problème, les Esod et le blaireau sont aussi des dossiers à continuer de défendre. Alors qu'on parle beaucoup de souveraineté alimentaire : c’est 1.000 hectares de dégâts, voir plus, qui sont impactés chaque année.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,