L'Oise Agricole 12 septembre 2024 a 08h00 | Par Pierre Poulain

Rentrée studieuse pour les assesseurs

Le 3 septembre, après la rentrée des établissements scolaires, c'était retour aux études pour les assesseurs - anciens et nouveaux, titulaires et suppléants - du tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR). La Fdsea de l'Oise a organisé une journée de formation à leur intention pour faire le point sur le fonctionnement de cette juridiction d'exception et les aider à naviguer dans un cadre juridique complexe.

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Les assesseurs du TPBR se préparent à un nouveau mandat de 6 ans.
Les assesseurs du TPBR se préparent à un nouveau mandat de 6 ans. - © PP

TPBR, CCPBR, TFNB, droit de préemption, fermage, pas-de-porte, clauses environnementales... autant d'acronymes ou de termes qui sont le quotidien des assesseurs du tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR - vous en connaissez maintenant au moins un), juridiction compétente pour statuer sur les litiges entre bailleurs et preneurs de baux ruraux. «Le TPBR fonctionne selon un système d'échevinage, car il mélange juges professionnels et juges non-professionnels, explique Camille Gourguechon, juriste à la FDSEA de l'Oise. Il est paritaire en ce qu'il compte deux assesseurs bailleurs et deux assesseurs preneurs.» Au printemps dernier, le préfet a demandé à chaque organisation représentative du département de proposer des candidats pour occuper la fonction d'assesseur, pour une durée de 6 ans. C'est le premier président de la cour d'appel qui a procédé ensuite à leur désignation par voie d'ordonnance, après avis du président du TPBR. Léa Lemattre, alternante au service juridique de la FDSEA, précise que «les assesseurs contribuent à la prise de décision en apportant leur expertise pratique et leur connaissance du système agricole. Ils s'assurent que les décisions reflètent les réalités du terrain.»

Des décisions proches des réalités du monde rural

Des agriculteurs donc, qui se font juges, et qui doivent maintenant appréhender toute la complexité du droit rural. C'est pourquoi le service juridique de la FDSEA a organisé une journée consacrée à la formation des assesseurs, le 3 septembre dernier. Une autre rentrée scolaire en quelque sorte.

«Le TPBR ne se limite pas à se prononcer sur des relatifs à la bonne exécution des obligations réciproques nées du bail. C'est également lui qui, en cas de refus du bailleur, peut autoriser une cession familiale du bail ou autoriser certains travaux et améliorations. Il est donc important que les assesseurs aient une bonne connaissance générale du statut du fermage mais aussi des pratiques et usages locaux.»

À l'appui des deux juristes, maître Gonzague de Limerville, avocat spécialisé en droit rural et en droit des successions, qui a rappelé les devoirs de l'assesseur : équité, impartialité, secret des délibérations. «Contrevenir à ces obligations expose l'assesseur à des sanctions pénales.» «Vous avez un vrai rôle à jouer, sans quoi le magistrat professionnel tranchera. Votre investissement est d'autant plus nécessaire qu'il justifie la conservation des tribunaux paritaires», a-t-il poursuivi.

Coeur même de cette formation, le bail rural a fait l'objet des principales interventions de l'avocat. Pour rappel, les éléments constitutifs d'un bail rural sont  : une mise à disposition, à titre onéreux, d'un immeuble à usage agricole, en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole. «Peu importe la nature et l'importance de la contrepartie à la mise à disposition, qu'elle soit régulière ou non.»

Le quotidien du TPBR sera rythmé par les contestations de congés, le non-paiement des fermages, etc. «Ce sont autant de situations pour lesquelles l'assesseur possède un pouvoir d'appréciation et de conciliation. En tant qu'agriculteurs professionnels, ils savent inviter les parties à négocier, débloquer des situations et éviter des procès.»

L'indispensable CCPDBR

Ça pique un peu les yeux et ça en fait bégayer plus d'un, mais derrière cet enchaînement de consonnes la commission consultative départementale paritaire des baux ruraux (CCPBR - en v'là un deuxième) cache une véritable importance dans l'élaboration de la politique rurale du département. «Certes son statut n'est que purement consultatif, mais elle joue un rôle essentiel dans la régulation des baux ruraux, plaide Léa Lemattre. Elle détermine les valeurs minimum et maximum des baux (grille à points), garantissant une certaine équité entre les propriétaires et les exploitants agricoles.» La CCPDBR réunit représentants des propriétaires et représentants des fermiers. Les suppléants au TPBR y sont titulaires, et les titulaires suppléants. «Ses avis sont importants pour aider le préfet à fixer ses arrêtés, complète Camille Gourguechon. Ils sont souvent suivis, notamment en ce qui concerne les demandes de résiliation de bail rural en vue d'un changement de destination agricole des parcelles.» Reste que, dans l'Oise, le travail de la commission semble à l'arrêt. La dernière réunion remonte à 2018. Or, en cas de carence, c'est le préfet qui tranche, seul. En désertant la place, les agriculteurs laissent ainsi le champ libre à la bureaucratie.

Le complexe SDREA

Décidément pas avare en acronymes, cette journée de formation s'est conclue par la présentation du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA - et de trois  !). Sophie Ledoux, adjointe au service économie agricole de la direction départementale du territoire (DDT), a détaillé ce puzzle géant, dont les pièces forment le paysage agricole de la région. «L'objectif du SDREA est de promouvoir une agriculture diversifiée, source d'emplois pérennes et génératrice de revenu pour les agriculteurs.» Il définit ainsi les conditions d'accès à la terre et d'évolution des exploitations. Depuis 2022, au-delà de 100 ha de surface, une autorisation d'exploitation est requise. D'autres critères existent : absence de capacité ou d'expérience professionnelle agricole ; reprise de parcelles situées à plus de 20 kilomètres de l'exploitation ; un revenu extérieur qui excède 3.120 fois le Smic horaire net (pour les pluriactifs). La maîtrise du fonctionnement du SDREA est nécessaire, selon les formatrices, pour avoir une vision complète d'un litige mêlant statut du fermage et droit administratif, dans le cas où le bailleur viendrait à saisir le tribunal en nullité du bail si le preneur se trouve en défaut d'autorisation d'exploiter.

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