Tout le monde ne profitera pas des prix élevés
En France, se profile une fin de campagne avec des stocks très tendus. Les céréales se vendent bien. Pourtant, peu d’agriculteurs semblent profiter de la conjoncture de prix favorable.

À quatre mois de la fin de la campagne déjà pleine de rebondissements, plusieurs questions se posent. Les agriculteurs profitent-ils de la hausse des cours, dorénavant supérieurs à leurs coûts de production ? Selon FranceAgriMer, il est impossible de répondre explicitement à cette question. Une étude réalisée par l’organisme public note seulement une accélération des collectes de grains depuis la remontée des cours en novembre dernier. Comme les années passées, environ 60 % de la récolte de blé a été livrée au cours du premier trimestre de la campagne 2020-2021. Mais fin décembre 2020, le taux de collecte - environ 82 % - était un des plus élevés observés des dix dernières années. Entre 2010 et 2019, ce taux était en effet compris entre 72 % et 85 % au terme de six mois de campagne. Pour l’orge, le blé dur et le maïs, le même phénomène a été observé. Leur taux de collecte s’est aussi accéléré à la fin de l’automne.
Période de transition
Pourtant, les prix payés aux céréaliers dépendent avant tout des politiques commerciales, très différentes les unes des autres, pratiquées par les organismes collecteurs. Mais surtout, peu de céréaliers avaient les moyens financiers de patienter plusieurs mois avec l’espoir de vendre plus chères leurs céréales qu’à la fin de l’été dernier. Toujours à quatre mois de la fin de la campagne, le faible niveau des stocks de report de blé est-il inquiétant ? En fait, les pays exportateurs majeurs de la planète ne disposent d’aucune marge d’action si un accident climatique survenait dans les prochaines semaines. En France, les perspectives de ventes de grains vers l’Union européenne revues en baisse par FranceAgriMer soulagent. Elles permettent d’espérer des stocks de report un peu plus élevés qu’escompté le mois passé pour passer la période de transition, dans l’attente de la prochaine récolte. Pour le blé, seules 5,8 millions de tonnes (Mt) seraient exportées vers les Vingt-six d’ici la fin du mois de juin, soit 138 000 t de moins que le volume estimé le mois passé. Aussi, les stocks de report de blé seraient de 2,68 Mt et non plus de 2,54 Mt. Il n’en demeure pas moins qu’ils n’ont jamais été aussi faibles depuis plus de six ans. Pour les autres céréales, le constat est similaire.
Dépendance
En fait, la France ne cherche pas à être particulièrement compétitive sur le marché européen puisqu’elle a trouvé d’importants débouchés en Chine, un marché rémunérateur. L’empire du milieu et l’Arabie saoudite sont aussi friands d’orges françaises. Toutes origines confondues, la Chine s’apprête à tripler ses importations de maïs (24 Mt) et à doubler celles de blé (10 Mt) par rapport à la campagne passée. Mais pour enrayer sa dépendance à l’écart des pays exportateurs, Pékin projette de relancer sa production de blé en augmentant son prix d’achat sur son marché intérieur. Sur les marchés du maïs, les États-Unis (65 Mt ; + 18 Mt sur un an) sont au zénith. Ils couvriront un tiers des échanges mondiaux de la céréale (185 Mt au total) vers la Chine (24 Mt) et le Mexique (17 Mt) notamment.
Marchés tendus
Cependant, tout porte à croire que les prix des céréales demeureront très élevés encore de nombreuses semaines car les marchés des céréales sont très tendus. Au Brésil, les semis de la Safrina prennent du retard. Dans le bassin de la Mer Noire, plane un air de fin de campagne. La Russie et l’Ukraine ont déjà vendu 77 % et 88 % des quantités de blé et d’orges programmées à l’export (respectivement 56,5 Mt et 8,7 Mt). Aussi, l’Australie n’est pas en mesure de changer fondamentalement les équilibres commerciaux de la planète, même si l’île-continent projette de doubler ses exportations de blé (20,5 Mt) par rapport à l’an passé et d’expédier 5, 7 Mt d’orges (+1,4 Mt sur un an) ; des exportations record permises par des productions record : 33 Mt pour le blé, 13 Mt pour l’orge.
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