L'Oise Agricole 07 avril 2022 a 09h00 | Par Stephanie Doligez

Ukraine : impacts du conflit sur l'agriculture régionale

Les organisations professionnelles agricoles ont dressé un état de lieux des difficultés rencontrées par les agriculteurs et les filières lors du «Conseil de l'Agriculture Hauts de France» et amorcé un plan d'accompagnement.

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Les membres du Caf Hauts-de-France réunis le 5 avril sur les conséquences du conflit ukrainien pour les agriculteurs de la région.
Les membres du Caf Hauts-de-France réunis le 5 avril sur les conséquences du conflit ukrainien pour les agriculteurs de la région. - © Stephanie DOligez

Instance informelle composée du syndicalisme : FRSEA et JA, des caisses régionales du Crédit Agricole, de la MSA, Groupama, de la Coopération agricole et de la chambre régionale d'agriculture, le «conseil de l'agriculture des Hauts de France» (CAF Hauts de France) s'est réuni ce mardi 5 avril pour échanger sur les impacts du conflit ukrainien sur l'agriculture régionale. La fédération régionale du négoce agricole, la Draaf et le Conseil régional ont également été associés au tour de table.

Première conséquence économique du conflit, la hausse des couts de l'énergie a un impact immédiat sur les exploitations à travers les hausses de prix du GNR. Certaines filières sont encore plus exposées, comme la filière endives, dont la facture d'électricité a augmenté de 80% par rapport à l'an dernier, les sucreries et unités de déshydratation de pulpes de betteraves, fortement dépendantes du gaz. Toutes les filières végétales seront impactées à horizon 2023 par l'augmentation du prix des engrais, voire dès cette année pour les exploitants qui n'étaient pas «couverts» pour la campagne 2022. La hausse du prix de l'alimentation animale a des répercussions immédiates en élevage.

Des situations fragiles avant le conflit

Les représentants des organisations professionnelles ont rappelé qu'on partait déjà d'une situation difficile dans plusieurs filières, animales en particulier. La hausse des charges était amorcée depuis l'automne dernier. La filière porcine victime de «l'effet ciseau» de la hausse des charges et de la baisse des prix. Les ré-étalements bancaires suite à la crise de 2016 ont pris fin seulement en décembre 2021. Certaines filières ont été fortement impactées par le Covid. La grippe aviaire sévit dans d'autres régions mais les impacts ne sont pas neutres pour les Hauts de France. L'approvisionnement en poussins et donc le remplissage des bâtiments pourraient être compromis.

Des solutions possibles au cas par cas

Pour faire face aux augmentations de charges, les banques proposent une analyse des situations au cas par cas avec la mise en oeuvre de prêts court terme ou moyen terme sur du fonds de roulement. L'accompagnement des exploitants nécessite d'avoir une visibilité sur leur stratégie : sécurisation de l'exploitation vis-à-vis des aléas climatiques, engagements à la vente et positionnement sur les prix à l'achat d'approvisionnements.

Du côté de la MSA, une cellule d'écoute est disponible et aux côtés des exploitants qui rencontreraient des difficultés. Le plan de résilience prévoit une prise en charge des cotisations. Les conditions d'application doivent encore être précisées.

Groupama accompagne les exploitations avec des protections contre les conséquences des aléas climatiques, est attentif à la mise à jour de la valorisation des stocks, et propose, en cas de difficulté de trésorerie, des accompagnements individuels. Si les dispositifs d'aide de l'Etat peuvent pallier des situations d'urgence, l'ensemble des organisations professionnelles conviennent que la prise en compte du cout de production dans le produit final est indispensable pour faire face aux hausses de charges. Aussi, il est unanimement demandé l'ouverture des clauses de renégociations permise dans le cadre de la loi EGA2.

A long terme, la sécurisation des entreprises est un point fondamental. L'engagement des exploitants dans le nouveau dispositif d'assurance récolte pour se protéger des aléas climatiques est indispensable.

Plan de résilience du gouvernement

La Draaf a présenté les grandes lignes des mesures élaborées en réponse aux difficultés. Tout d'abord, l'Europe a annoncé la possibilité de déroger au cadre du paiement vert en 2022 (voir encadré ci-contre). Une enveloppe de l'Europe est débloquée pour les agriculteurs les plus durement touchés. Une augmentation des avances sur les paiements directs et les mesures de développement rural est annoncée.

De son côté, le ministère de l'Agriculture débloque une enveloppe de 400 MEUR pour une aide exceptionnelle aux éleveurs, les modalités sont en cours de finalisation et devraient concerner les éleveurs les plus dépendants des achats d'aliments extérieurs. Une aide aux entreprises énergivores (facture énergétique > 3% du CA) en situation de déficit est en cours de finalisation. Dès le 1er avril et pour 4 mois, une remise sur le carburant (y compris GNR) est effective de 0,15 EUR HT ou 0,18 EUR TTC / l. Elle est faite directement par le fournisseur. Pour soulager les trésoreries, un remboursement anticipé de la TICPE 2021, est mis en place. La télédéclaration est ouverte depuis le 1er avril. Un acompte de 25% sur la TICPE 2022 est également prévu pour le mois de mai, sur la base des consommations de 2021 saisies en avril. La MSA est chargée de traiter les situations tendues qui lui sont remontées, pour une prise en charge des cotisations sociales. Des reports de paiement sont également possibles. L'enveloppe initiale de 60 MEUR a été réabondée pour atteindre 150 MEUR au niveau national.

Le plafond des Prêts Garantis de l'Etat sera augmenté à compter du 1er juillet 2022. Le PGE est normalement plafonné à 25% du chiffre d'affaires de 2019. Toutefois, pour les entreprises très impactées par les conséquences du conflit, il est possible de l'augmenter de 10%.

Dérogation jachères 2022, mode d'emploi

L'Europe a annoncé la possibilité de déroger au cadre du paiement vert en 2022. Le ministère de l'Agriculture français traduit cela par la possibilité de pâturer, récolter et cultiver les surfaces en jachère tout en restant comptabilisées dans les 5 % de SIE. L'interdiction d'utilisation de produits phytosanitaires peut alors être levée. Ces possibilités ne s'appliquent pas aux jachères mellifères. La possibilité de fauche ou de pâturage des jachères SIE est ouverte aux éleveurs et aux non-éleveurs. D'éventuelles restrictions sur les dates de fauche ou de broyage seront précisées ultérieurement. La fertilisation de ces surfaces est possible, selon la réglementation en vigueur. Le cahier des charges MAEC continue de s'appliquer sur toute la surface engagée en MAEC, y compris sur les jachères cultivées (réduction IFT par exemple).

Les cultures autorisées sur les jachères SIE sont des cultures de printemps : céréales de printemps, y compris maïs, oléagineux de printemps et légumineuses, y compris protéagineux de printemps, seuls ou en mélange. La culture du chanvre n'est pas autorisée sur ces jachères SIE. Cela ne concerne toutefois ni les jachères J6P, ni les prairies permanentes. La possibilité d'utiliser des produits phytosanitaires ne s'applique ni aux plantes fixatrices d'azote déclarées en SIE (hors surface en jachère), ni aux jachères mellifères, ni aux autres SIE. Les bandes enherbées le long des cours d'eau BCAE ne sont pas concernées par cette dérogation. Elles restent obligatoires au titre de la conditionnalité des aides et des zones vulnérables. Cette dérogation ne remet pas en cause les distances sécurité riverains à respecter en bordure des habitations.

- © FRSEA

Laurent Degenne, au nom du Caf Hauts-de-France

«L'ensemble des partenaires de l'agriculture mobilisés»

Cet état des lieux a permis de mettre en évidence des impacts à plusieurs niveaux. À très court terme, face à l'urgence : situations de détresse des exploitants et difficultés économiques immédiates, des solutions pourront être trouvées avec la MSA et les banques. Vos interlocuteurs sont à votre écoute. N'hésitez pas à les solliciter.

Le plan de résilience proposé par le gouvernement doit pouvoir répondre aux situations les plus délicates. Or, les enveloppes ne sont pas extensibles et les critères proposés ne correspondent pas systématiquement aux situations de nos exploitations régionales. Nous travaillons donc à faire remonter, via la Draaf, nos problématiques au ministère de l'Agriculture.

À moyen terme, certaines filières pourraient être fragilisées. Or, la pérennité des filières passe aussi par le maintien des outils de transformation. Aussi, nous portons une grande attention aux difficultés qui pourraient être rencontrées par les entreprises.

Sur le long terme, l'ensemble des membres du Caf demandent qu'une stratégie en faveur de l'autonomie alimentaire, énergétique et de résilience de nos exploitations soit développée en Hauts-de-France. Une impulsion doit être donnée par l'État en stoppant la surenchère réglementaire qui freine le développement de projets et en accompagnant les agriculteurs dans l'adaptation de leurs exploitations. Un coup de pouce pourrait être donné au développement du photovoltaïque et de la méthanisation par la diminution des coûts de raccordements pratiqués par les gestionnaires des réseaux et la prise en compte du coût réel de construction des infrastructures. La sécurisation et la régularité de la production alimentaire à long terme passent également par l'accès à l'eau. En la matière, la Région dispose d'accompagnements à l'investissement. Enfin, les conclusions du Varenne doivent être mises en application pour assurer la pérennité des productions.

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